Les femmes journalistes s’organisent pour défendre leurs droits

Le 13 avril se sont tenus les premiers États généraux des femmes journalistes. Après une journée d’échanges, de nombreuses solutions ont été trouvées pour améliorer leurs conditions de travail.

Oriane Mollaret  • 16 avril 2019
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Les femmes journalistes s’organisent pour défendre leurs droits
© photo : Les États généraux des femmes journalistes le 13 avril à la Cité des sciences et de l'industrie, Paris XIX. crédit : oriane mollaret

Elles sont plus de 350 à avoir passé le week-end à réfléchir à des solutions contre les violences sexistes et sexuelles mises en lumière par l’enquête Entendu à la rédac. De très nombreuses rédactions avaient été épinglées. Pour que l’enquête ne reste pas lettre morte, l’association de femmes journalistes Prenons la une organisait ce 13 avril à la Cité des sciences et de l’industrie, dans le XIXe arrondissement de Paris, les premiers États généraux des femmes journalistes. Rémunérations, statut de pigiste, racisme… plusieurs ateliers se sont succédé tout au long de la journée.

Le soir, au moment de la restitution des solutions trouvées, l’amphithéâtre est plein à craquer. Journalistes en fin de carrière, pigistes débutantes, étudiantes, toutes ont hâte de connaître le fruit de leurs échanges. Dans la salle, une poignée d’hommes ont l’air perdus. Léa Lejeune, présidente de Prenons la une, et Mélissa Bounoua, cofondatrice du studio de podcasts Louie Media, montent sur l’estrade.

Grand absent du jour : le ministre de la Culture Franck Riester. Absent pour « des raisons d’emploi du temps » dixit Léa Lejeune, le ministre s’est tout de même fendu d’une courte vidéo. Sous les éclats de rire, le poing serré et le regard assuré, ce dernier affirme être « déterminé à agir contre toutes les formes de discriminations » et se tenir « résolument à [leurs] côtés ». Soit, mais seulement virtuellement. « Nous attendons un engagement fort du gouvernement après les révélations de harcèlements sexistes et sexuels, mais il n’y a pas d’engagement réel du tout. Monsieur le ministre, on vous surveille ! », avertit Léa Lejeune.

« 35 % des rédacteurs en chef sont des femmes, 19 % des directeurs de rédaction sont des femmes, l’écart de salaire entre journalistes hommes et femmes est de 300 euros… » Après une piqûre de rappel des conditions de travail des femmes journalistes, Léa Lejeune et Mélissa Bounoua égrènent les principales doléances et solutions exprimées dans la journée.

« Syndiquez-vous ! »

Aux directions des rédactions, absentes ce soir, les femmes journalistes réclament une expertise indépendante sur l’égalité professionnelle hommes-femmes, la transparence des salaires, une sensibilisation au racisme, au sexisme et autres formes de discriminations, ainsi qu’une charte rappelant les sanctions encourues. « Une proposition intéressante est de conditionner les primes des directions de rédaction à un objectif d’égalité homme-femme, ajoute Léa Lejeune sous les vivas. Là où ça a été fait, ça a été très efficace ! »

Pour les écoles de journalisme, les formations au droit du travail et à la pige doivent être renforcées. Des modules de formation pour lutter contre le sexisme et l’homophobie seront mis en place, et un ou une référente sur ces questions seront nommées… Mais uniquement pour les 14 écoles reconnues. Quid des autres formations en journalisme ?

Les moteurs de changement les plus efficaces restent les femmes journalistes elles-mêmes. « Syndiquez-vous ! lance Léa Lejeune. Vous représentez toutes un petit grain de sel dans les rédactions pour qu’on n’oublie pas tout ça. » Des hourras lui répondent, une énergie certaine émane du public. « J’ai participé à l’atelier sur les pigistes, ça m’a permis de me renseigner sur mes droits », explique une étudiante. « Ça fait du bien de voir toute cette dynamique, on se rend compte qu’on n’est pas seules, confie une ex-pigiste ayant quitté le journalisme à cause des conditions de travail. J’en pouvais plus des blagues sexistes bien lourdes et des remarques à caractère sexuel. On me disait ‘’t’es pigiste, tu viens travailler et tu fermes ta gueule’’. » « Je n’avais pas conscience que c’était autant la merde pour elles », confie l’un des rares journalistes hommes présents.

L’association ne compte pas en rester là : des cahiers de doléances seront publiés sous peu. Les étudiantes aussi s’organisent, avec un projet de création d’une branche junior de Prenons la une. « Maintenant, faisons la révolution ! », lance Léa Lejeune pour clore la soirée.

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