Une police sans témoins ni critiques

Depuis le début du mouvement des gilets jaunes, des centaines de personnes ont été victimes de violences policières. Sur quoi peut déboucher une telle attitude hautaine et un tel sentiment d’impunité ?

Olivier Doubre  • 10 décembre 2019
Partager :
Une police sans témoins ni critiques
© Nicolas Liponne / NurPhoto / AFP

Peut-on à bon droit parler de violences policières ? Comment qualifier autrement les centaines de blessés des manifestations depuis plus d’un an, dont certains ont perdu un œil par un tir de grenade ou de LBD, ont eu un pied ou une main arrachés ? Pour des syndicats de policiers, il semble que la seule énumération de ces violences soit devenue insupportable et concoure à ce qu’ils nomment « la haine anti-flic ». D’où leur acharnement envers les journalistes qui filment ou photographient ces violences. D’abord physiquement, dans les manifestations elles-mêmes où, bien qu’ils soient clairement identifiables, nombreux sont ceux qui ont été blessés. Déjà victimes de longues gardes à vue ces derniers mois, Taha Bouhafs et Gaspard Glanz ont été touchés par des tirs de grenade ou de LBD, le 5 décembre à Paris.

Même des magistrats peuvent « agacer » ces syndicalistes policiers. À la veille de la manif du 5 décembre, Sarah Massoud, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature, déclarait à Mediapart avoir « peur d’aller manifester demain », « peur des policiers », « peur de prendre une grenade de désencerclement ou bien un tir de LBD » et faisait le « constat de violences policières, qui ont engendré des atteintes à l’intégrité physique de nombreux manifestants ». Secrétaire général du syndicat Unité-SGP Police, le CRS Grégory Joron l’a clouée au pilori, dans une tribune publiée par Le Parisien : selon lui, la magistrate est, « de fait, complice de la haine anti-flic qui se développe et gangrène notre société ». Pire, elle serait « la preuve manifeste [sic] qu’une partie de la magistrature est partiale, orientée, prompte à condamner les policiers avant même leur procès »

Mais un pas supplémentaire a été franchi le 7 décembre dans un tweet insultant du Syndicat indépendant des commissaires de police (SCIP), qui a littéralement diffusé une liste de journalistes présentés comme des ennemis de la police. « Dans ce combat anti-@PoliceNationale, on vous présente les principaux acteurs : @davduf l’imposteur, @TBouhafs le menteur, @GaspardGlanz l’harceleur, @Poulin2012 le haineux »… Même le Conseil de l’Europe a qualifié cette pratique de « menace » de « harcèlement et intimidation de journalistes »… Depuis le début du mouvement des gilets jaunes, des centaines de personnes ont été victimes de violences policières, dont la recension méthodique par David Dufresne sur son compte Twitter (allo @Place_Beauvau) fait aujourd’hui autorité. Sur quoi peut déboucher une telle attitude hautaine et un tel sentiment d’impunité, pour cette police systématiquement couverte et même encouragée par Macron, Philippe, Castaner, Nuñez ?

Publié dans
Parti pris

L’actualité vous fait parfois enrager ? Nous aussi. Ce parti pris de la rédaction délaisse la neutralité journalistique pour le vitriol. Et parfois pour l’éloge et l’espoir. C’est juste plus rare.

Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Lecornu : la rupture… vers l’extrême droite
Parti pris 12 septembre 2025

Lecornu : la rupture… vers l’extrême droite

Avec la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon, Emmanuel Macron parachève le glissement de son pouvoir vers une droite toujours plus dure, autoritaire et complaisante avec l’extrême droite. Ce n’est pas une rupture : c’est une continuité brutale.
Par Pierre Jacquemain
Marine Le Pen, la démocratie confisquée
Analyse 12 septembre 2025

Marine Le Pen, la démocratie confisquée

La cheffe de l’extrême droite profite de la crise politique actuelle pour se placer en bouclier des institutions. Pour que vive la démocratie, elle pose ses conditions : tout le pouvoir pour elle.
Par Pablo Pillaud-Vivien
Lecornu, le dernier des macronistes pour enterrer la Macronie
Parti pris 10 septembre 2025

Lecornu, le dernier des macronistes pour enterrer la Macronie

En appelant Olivier Faure avant de nommer Sébastien Lecornu à Matignon, Emmanuel Macron a offert à la gauche un court instant de vertige, suivi d’une claque. Lecornu, ministre des Armées, figure discrète mais loyale du macronisme, incarne moins un nouveau départ qu’une fin de cycle.
Par Pierre Jacquemain
Après Bayrou, cherche sortie de crise désespérément
Parti pris 8 septembre 2025

Après Bayrou, cherche sortie de crise désespérément

Au terme d’un quinquennat qui a dissous les anciens équilibres sans en créer de nouveaux, Emmanuel Macron se retrouve face à l’impasse qu’il a lui-même provoquée. En refusant de reconnaître la légitimité démocratique de la gauche, le président a prolongé l’instabilité et ouvert un espace où la droite banalise l’extrême droite, tandis que les colères sociales grondent.
Par Pierre Jacquemain