Le droit et l’arbitraire

Le 4 mars nous a offert une belle leçon de droit et une illustration du rapport que les macroniens entretiennent avec lui.

Michel Soudais  • 10 mars 2020
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Le droit et l’arbitraire
© Ludovic Marin / AFP

L****e 4 mars nous a offert une belle leçon de droit et une illustration du rapport que les macroniens entretiennent avec lui. Ce jour-là, la Cour de cassation a validé la requalification en contrat de travail du lien entre Uber et un de ses anciens chauffeurs. Son arrêt n’est pas tout à fait une première : nous rappelions la semaine dernière, dans un article sur la lutte des « indépendant·es » des plateformes de livraison à vélo, que la même cour avait déjà reconnu en novembre 2018 l’existence d’un lien de subordination entre un coursier à vélo et la société Take Eat Easy, en liquidation judiciaire depuis.

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Mais cette fois, en rejetant le pourvoi du numéro un des plateformes VTC, qui contestait une décision de la cour d’appel de Paris, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire n’a pas lésiné sur les moyens pour expliquer sa décision. Signe de la portée jurisprudentielle qu’elle entend donner à son arrêt, le communiqué qui le résume a également été publié en anglais et en espagnol. La Cour de cassation y rappelle que _« les critères du travail indépendant tiennent notamment à la possibilité de se constituer sa propre clientèle, la liberté de fixer ses tarifs et la liberté de définir les conditions d’exécution de sa prestation de service ». Or « le chauffeur qui a recours à l’application Uber » n’est aucunement dans cette situation, poursuit-elle en listant sept éléments caractérisant « l’existence d’un lien de subordination entre le chauffeur et la société Uber ».

Ce faisant, la Cour de cassation n’a fait que rappeler un principe de base de notre droit du travail, que les « marcheurs » ont refusé de reconnaître en plusieurs occasions. Ces derniers jurent tant par la contractualisation qu’ils tiennent le droit pour une survivance du « vieux monde » sur laquelle on peut s’asseoir. Ils l’ont montré ce même 4 mars. On se souvient que le groupe PS à l’Assemblée nationale entendait exercer son « droit de tirage » (une commission d’enquête par groupe et par session) pour se pencher sur l’étude d’impact accompagnant la réforme des retraites, la « sincérité » et l’« exhaustivité » de celle-ci étant grandement mises en doute, y compris par le Conseil d’État. La création de cette commission d’enquête n’aurait dû être qu’une formalité : un droit de tirage est un droit ! Elle a pourtant été refusée en commission des Affaires sociales par 35 voix contre 23, les « marcheurs » ne souhaitant pas permettre aux opposants à leur réforme des retraites de « distiller le doute » (sic) dans l’opinion. Leur nombre a imposé son arbitraire, prouvant une fois de plus, s’il en était besoin après le 49.3, la volonté de la macronie d’empêcher tout débat.

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