Deuxième phase du déconfinement scolaire

Réouverture de toutes les écoles, annulation de l’oral de français, retour en classe des lycéen·nes… Les personnels pédagogiques se préparent à la mise en œuvre de la deuxième phase du déconfinement. Une organisation qui se déroule toujours autour de nombreuses inconnues.

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Deuxième phase du déconfinement scolaire
© Photo : Damien MEYER / AFP

I l y a les éléments de langage, et il y a la réalité du terrain ». Pour Brendan Chabannes, cosecrétaire général de SUD Éducation, il est à peu près clair que l’ensemble des annonces gouvernementales ne pourront être appliquées et effectives dès demain.

En théorie, toutes les écoles primaires doivent rouvrir à compter du mardi 2 juin afin que « toutes les familles qui le souhaitent » puissent « scolariser leurs enfants au moins une fois sur une partie de la semaine », précise le plan de déconfinement de l’Éducation nationale. Des mesures qui risquent toutefois de s’appliquer difficilement dans les établissements du premier degré, où seuls 22% des élèves ont été accueillis depuis le 11 mai.

Côté collège, en zone verte, l’objectif est de garantir un accueil à tous les élèves, quel que soit leur niveau. En zone orange (1), la priorité est donnée aux collégien·nes de sixième et de cinquième, le retour des élèves des autres niveaux étant possible « si les conditions matérielles sont réunies ».

Fermés jusqu’à présent, les lycées en zone verte pourront accueillir tous les élèves d’au moins un niveau – ou plus, selon les situations locales. En zone orange, les lycées professionnels devraient ouvrir pour les élèves « qui ont besoin de certifications professionnelles (CAP, bac pro, etc.) », tandis que les élèves des établissements d’enseignement général et d’enseignement technologique seront convoqués pour des entretiens individuels – ou par petits groupes de travail – « pour faire un point sur le suivi de leur scolarité, le projet d’orientation et le suivi de Parcoursup ».

Une mesure encore très floue dont devront se saisir les personnels pédagogiques. « Je pense que le principal intérêt est de pouvoir nous entretenir avec les élèves qui vont devoir passer les oraux de rattrapage en septembre pour travailler avec eux les disciplines qu’ils vont devoir reprendre », suppose Frédérique Rolet, secrétaire générale du SNES-FSU. « Des entretiens qui seront sûrement à la charge des personnels de vie scolaire ou des professeurs principaux, étant donné le manque de conseillers d’orientation et de psychologues de l’Éducation nationale », rebondit Brendan Chabannes.

Désorganisation et inégalités

Communiquées le 28 mai, les mesures concernant la deuxième phase du déconfinement « sont assez anxiogènes puisque l’on sait que, dans les lycées par exemple, cela ne devrait concerner qu’entre 10% et 20% des effectifs si l’on veut un accueil serein, dans le respect du protocole sanitaire, continue le syndicaliste, enseignant de français dans un lycée professionnel à Amiens. Ça met la pression à tout le monde pour des objectifs qui ne peuvent être atteints. »

Comme dans les écoles et les collèges, le retour en classe des lycéen·nes devrait donc s’échelonner sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines. « Dans mon établissement par exemple, la commission hygiène et sécurité n’est prévue que le 4 juin, et le conseil d’administration se tiendra dans la foulée, continue Brendan Chabannes. Les élèves ne seront donc sans doute pas de retour avant le 9 juin. »

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Entre autres problématiques sanitaires, la question des masques mine toujours une partie du monde enseignant dans le secondaire. Car si le matériel de protection doit être fourni par l’employeur aux personnels de l’Éducation nationale, les masques pour les élèves restent à la charge des familles. Une réalité qui n’est pas la même selon les territoires et les établissements, qui ont parfois constitué des stocks de leur côté, rappelle Frédérique Rolet, qui plaide pour la gratuité et la distribution des masques à tous les élèves qui seront de retour à l’école.

Évaluation en temps de confinement

Autre mesure : l’annulation des épreuves orales de français pour les élèves de première. Une victoire pour une grande partie des enseignant·es qui la réclamait depuis plusieurs semaines. Mais certaines méthodes d’évaluations sèment encore le trouble. « Officiellement, les élèves ne sont pas évalués sur le troisième trimestre et ce sont les notes des premier et deuxième trimestres du contrôle continu qui prévaudront, explique Brendan Chabannes. Cependant, la circulaire du 4 mai indique que les enseignant·es restent libres de donner des notes et de les inscrire sur les bulletins scolaires, coefficientées 0.»

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Des appréciations qui pourraient être prises en compte par les jurys des classes à examens, qui se baseront notamment sur le livret scolaire pour se prononcer sur une revalorisation au point supérieur de la note finale dans le cadre de l’obtention du diplôme. « Nous nous opposons à toutes mentions relatives à ce qui a pu être fait par les élèves durant le confinement puisque beaucoup d’élèves n’ont pas pu participer à la continuité pédagogique pour des raisons indépendantes de leur volonté : difficultés d’accès à internet ou à un poste de travail, problématiques sociales et familiales, etc. »

Des perspectives « inquiétantes » pour septembre

Soucieuse de préparer la rentrée de septembre dès aujourd’hui, Frédérique Rolet, du SNES-FSU, s’inquiète toutefois de voir la machine se mettre en route sans concertation avec les organisations syndicales et les fédérations de parents d’élèves. « Il semble que le ministère n’envisage pas de nous consulter avant la mi-juin, souligne la secrétaire générale. Pour l’instant, nos discussions ne sont pas du tout formalisées alors que la Dgesco (2) a déjà mis en place un groupe de travail, avec quelques recteurs, pour travailler sur des scénarios à mettre en place pour septembre, notamment la poursuite d’un “enseignement hybride”. »

D’après Frédérique Rolet, trois pistes thématiques d’aménagements sont en effet à l’étude dans le cadre de cette rentrée, développées autour du numérique, du dispositif Sport-Santé-Culture-Civisme (2S2C), et « de l’affaiblissement des réglementations nationales au profit du local. »

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« On voit bien que Blanquer veut profiter de ce qui s’est passé durant la crise sanitaire pour développer l’enseignement numérique, constate le syndicaliste, craignant un glissement vers des remplacements de profs en arrêt maladie par de l’enseignement à distance. Mais nous avons plusieurs points d’inquiétude et de vigilance autour de l’accès, très inégal, aux outils numériques, de la portée didactique de ce type d’enseignement ou relatif à la formation des enseignant·es. »

Par ailleurs, le dispositif des 2S2C, initialement créé dans le cadre de la première phase du déconfinement des élèves, pourrait se voir intégrer plus longuement sur le temps scolaire. Ce programme permet aux collectivités territoriales et aux associations de proposer des activités culturelles et sportives aux élèves qui ne pourraient, sur du temps scolaire, accéder à l’enseignement en présentiel.

Dans un communiqué, le SNES-FSU alerte quant à ce possible « outil de démantèlement » qui pourrait amener à la « déscolarisation » de certaines disciplines scolaires, comme l’éducation musicale et artistique ou l’éducation physique et sportive (EPS) : « Ces disciplines font partie intégrante de la culture commune et doivent être enseignées par des professeur·es formé·es dans le cadre du service public d’éducation. Si, dans la période, proposer des activités aux élèves qui ne pourraient avoir accès aux établissements en raison des contraintes du protocole sanitaire peut avoir du sens, la proposition du ministre pose de nombreux problèmes et n’est pas acceptable en l’état. Elle demande une poursuite de la réflexion avec l’ensemble de la communauté éducative en vue de préciser ses objectifs et son cadrage. »


(1) En zone orange : Île-de-France, Guyane et Mayotte

(2) Direction générale de l’enseignement scolaire

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