Tunisie : Retour d’une forte contestation sociale

À Tataouine, dans le sud tunisien, un mouvement de chômeurs réclame des emplois et l’application d’un plan d’embauches promis par l’exécutif en… 2017. L’intervention brutale des forces de l’ordre n’a pas entamé la détermination des manifestants.

Maeva Chirouda  • 2 juillet 2020
Partager :
Tunisie : Retour d’une forte contestation sociale
© Photo : FATHI NASRI / AFP

Au départ il y a des promesses non tenues. En 2017, un sit-in avait été organisé par des jeunes chômeurs du gouvernorat de Tataouine. Les manifestants avaient dressé des tentes devant le site de production pétrolière d’El-Kamour.

« Les accords de Kamour sont restés lettre morte, explique Sam Sehili-B-Z professeure émérite de lettres et auteure. Ces accords permettaient aux jeunes de la région de travailler dans les sociétés d’hydrocarbures. » Le gouvernement avait alors promis d’investir chaque année 80 millions de dinars (environ 25 millions d’Euros) pour le développement de Tataouine.

Finalement, rien de tout cela n’a réellement abouti, selon le syndicat de l’Union générale du travail tunisien (UGTT). Seule une partie des milliers d’emplois promis, dans des sociétés pétrolières ou des structures d’entretien de l’environnement, ont été créés.

L’Union régionale du Travail à Tataouine estime dans un communiqué que le gouvernement « a perdu toute crédibilité à cause de ses promesses non tenues et son déni de l’accord de Kamour conclu entre le chef du gouvernement et le secrétaire général de l’UGTT, concernant la tenue d’un conseil ministériel »_.

Pour le porte-parole du sit-in d’El Kamour le message est clair : il faut se mobiliser pour « récupérer les richesses accaparées par les lobbies ».

Près de 28% de taux de chômage

Cette ville marginalisée du sud tunisien est en proie à un taux de chômage très élevé. Ces heurts sur fond de crise sociale illustrent le ras-le-bol de la jeunesse dont témoigne Yosra Tounakti, une jeune femme originaire de Tataouine :

La plupart des jeunes essayent de ne pas rester à Tataouine, ils vont vers d’autres villes où quittent le pays pour trouver du travail. C’est comme ça depuis des dizaines d’années. Moi, j’ai réussi à faire mes études à l’étranger, en France.

L’Union des jeunes diplômés chômeurs recense 9 644 membres et l’Association des chômeurs non qualifiés près de 7 000 sans baccalauréat. Depuis quelques années, les sociétés pétrolières installées dans la région et leurs organismes de sous-traitance sont vus comme une issue par ces jeunes : un moyen de retrouver indépendance, liberté et surtout autonomie financière.

Conflit entre force de l’ordre et manifestants

« Cela fait des semaines que les contestations perdurent, c’est une crise où les violences de la part des forces de l’ordre ont été observées, notamment au travers de l’usage massif des lacrymogènes » , explique la professeure de lettres, Sam Sehili-B-Z.

De nombreux manifestants ont aussi été arrêtés, dont Tarek Haddad, libéré après quatre jours de détention. Porte-parole du sit-in, ce dernier avait déjà entamé une grève de la faim le 18 juin en vu de l’application des accords dont l’objectif est d’obtenir une meilleure répartition des richesses.

Les membres de l’UGTT réclament la libération des manifestants arrêtés par les forces de l’ordre. Les protestataires demandent également la tenue d’un conseil ministériel autour de la mise en œuvre des points de l’accord d’El-Kamour. L’exigence de justice sociale qui mobilise Tataouine n’est pas prête de retomber.

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…


Franco : une récupération aux mille visages
Extrême droite 20 novembre 2025 abonné·es


Franco : une récupération aux mille visages

Quarante ans de dictature franquiste ont imprimé en profondeur la société espagnole. Son empreinte, décryptée par l’historien Stéphane Michonneau, pèse aujourd’hui sur le débat politique, en y insufflant les relents nauséabonds du fascisme. Même si le franquisme est maintenant poursuivi par la loi.


Par Olivier Doubre
« Le franquisme sociologique n’a jamais disparu en Espagne »
Entretien 20 novembre 2025

« Le franquisme sociologique n’a jamais disparu en Espagne »

Secrétaire d’État chargé de la mémoire démocratique, un portefeuille créé en 2020, Fernando Martínez López alerte sur les appétits dictatoriaux du parti d’extrême droite Vox et milite pour la connaissance des luttes en matière de droits fondamentaux.
Par Pablo Castaño
Le 22 novembre, nous ne marcherons ni avec l’extrême droite ni avec les sionistes !
Féminisme 20 novembre 2025

Le 22 novembre, nous ne marcherons ni avec l’extrême droite ni avec les sionistes !

Cette tribune a été rédigée par une inter-organisation féministe antiraciste, anticoloniale, antifasciste composée des collectifs suivants : #NousToutes IDF, Le CLAF, Du Pain et des Roses, Extinction Rebellion France, Feministes révolutionnaires, Jeunes Écologistes IDF, Observatoire des violences dans l’enseignement supérieur, OuTrans, Relève féministe, Revolution féministe Versailles, Tsedek !, Urgence Palestine.
Le fantôme de Franco hante toujours l’Espagne
Monde 20 novembre 2025 abonné·es

Le fantôme de Franco hante toujours l’Espagne

Cinquante ans après la mort du dictateur, l’ancien roi Juan Carlos publie un livre de mémoires qui ravive les polémiques. Alors que le parti d’extrême droite Vox progresse, le pays oscille entre les conquêtes démocratiques d’une société transformée et les persistances d’un héritage franquiste.
Par Pablo Castaño