Mutilée pour l’exemple : Mélanie N’goye-Gaham, 41 ans, membre des gilets jaunes

« Des nuits sans dormir, une peur profonde de la police, des pertes de concentration. »

Patrick Piro  • 21 juillet 2021
Partager :
Mutilée pour l’exemple : Mélanie N’goye-Gaham, 41 ans, membre des gilets jaunes
© Adrien Chacon

Je suis des quartiers populaires d’Amiens. Avec les gilets jaunes, c’était la première fois que je participais à des manifs à Paris. C’était le 20 avril 2019, on était partis de Bercy, il faisait chaud. Le défilé arrive quai de Jemmapes, la tension monte. Je me couvre le nez en prévision des gaz lacrymogènes. Et soudain, le K.-O. Je n’ai compris que plus tard, parce qu’une vidéo a tourné sur Instagram : un commandant de CRS m’a asséné un coup de matraque sur la nuque. Le coup du lapin : j’ai deux noyaux cervicaux morts, je ne peux plus tourner le cou aujourd’hui.

J’ai repris mon poste de travailleuse sociale, et même les manifs des gilets jaunes. Mais j’étais vraiment traumatisée. Des nuits sans dormir, une peur profonde de la police, des pertes de concentration. Je ne peux plus faire de sport, je mange très mal, je me fatigue vite. C’est auprès de l’association Les Mutilé·es pour l’exemple que je trouve de la compréhension et du réconfort.

J’ai perdu 12 kilos. Ma tête pèse parfois une tonne, les muscles de mon cou ont fondu. J’ai maintenant un corps d’ado, sans formes, on sent mes os, je ne me reconnais plus dans le miroir. Quand je sors faire une course, je mets deux pantalons pour cacher mes jambes en allumettes, avec capuche et sac à dos pour protéger mes vertèbres, comme si je devais me prémunir d’une nouvelle agression de la police.

Mais je suis en partie entrée dans l’acceptation. J’ai acheté des habits en taille S. Et, récemment, je me suis très bien habillée, pour la première fois depuis longtemps : je me rendais au tribunal pour une audience après la plainte que j’ai déposée contre le CRS.

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

En France, l’État acte l’abandon des quartiers
Quartiers 23 avril 2025 abonné·es

En France, l’État acte l’abandon des quartiers

En voulant supprimer l’Observatoire national de la politique de la ville, le gouvernement choisit de fermer les yeux sur les inégalités qui traversent les quartiers populaires. Derrière un choix présenté comme technique, c’est en réalité un effacement politique du réel qui se joue. 
Par Maxime Sirvins
Protection de l’enfance, en finir avec les liens du sang
Enquête 23 avril 2025 abonné·es

Protection de l’enfance, en finir avec les liens du sang

Selon la Convention internationale des droits de l’enfant, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être « une considération primordiale » dans toutes les décisions qui le concernent. Mais en France, la politique familialiste a longtemps privilégié les droits des liens biologiques. Les lignes commencent à bouger et se heurtent à l’état désastreux de la protection de l’enfance.
Par Elsa Gambin
« Il existe une banalisation des pratiques non conventionnelles de soin »
Entretien 17 avril 2025 abonné·es

« Il existe une banalisation des pratiques non conventionnelles de soin »

Donatien Le Vaillant, chef de la Miviludes, revient sur le dernier rapport d’activité de la mission interministérielle, révélant une augmentation continuelle des dérives sectaires entre 2022 et 2024 en matière de santé.
Par Juliette Heinzlef
« Avant, 70 % des travailleurs géraient la Sécu. Aujourd’hui, c’est Bayrou. Voilà le problème »
La Midinale 16 avril 2025

« Avant, 70 % des travailleurs géraient la Sécu. Aujourd’hui, c’est Bayrou. Voilà le problème »

Damien Maudet, député LFI-NFP de Haute-Vienne, auteur de Un député aux urgences aux éditions Fakir, est l’invité de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien