Écrivains, artistes, militants, citoyens… Le climat et moi
Avec la crise climatique, chacun·e a son histoire. Elles et ils nous la racontent.
dans l’hebdo N° 1677 Acheter ce numéro

© Maxime Reynié
philosophe spécialiste des questions environnementales
Je suis le sujet du climat depuis plus de trente ans et ce n’est pas facile de garder le moral. Au milieu des années 1990, après le premier rapport du Giec, j’ai lu un vieux numéro de Science et Vie, de mai 1959, avec un article abordant déjà les dangers du réchauffement climatique mais disant en substance : ne vous inquiétez pas, d’ici à l’an 2000, nous réglerons le climat de la Terre avec un simple thermostat. Je me souviens aussi du rapport « Nous n’avons qu’une Terre », rendu par Barbara Ward, économiste, et René Dubos, biologiste, à l’occasion de la conférence de Stockholm sur l’environnement, en 1972. Même chose : on avait conscience de la problématique du réchauffement climatique, mais la solution, c’était le nucléaire. De nouveau, la technologie allait nous sauver. Or, aujourd’hui, nos dirigeants continuent de le penser.
Dans les années 2010, on a compris que la présence du carbone dans l’atmosphère était sans commune mesure avec la durée théorique d’une molécule de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Pour moi, c’était la prise de conscience d’une véritable bascule de notre civilisation. J’ai longtemps évolué avec les connaissances mais, aujourd’hui, j’évolue avec la réalité, les sens. J’ai adapté ma façon de vivre : je vis dans un petit appartement, je ne prends pas l’avion et je mange moins de viande. Mais tout ce que je peux faire à titre personnel est très léger.
Il faut cesser avec cette histoire de 1,5 °C : en réalité, on a déjà consommé 87 % du budget carbone pour ce seuil et on va exploser le seuil des 2 °C. On nous a toujours vendu de fausses informations. Quand on nous dit que le carbone augmente de 60 % (1990-2016) dans le monde mais baisse en Europe de 27,6 %, c’est d’une hypocrisie sans nom ! Ce n’est pas une diminution mais une migration ! On fait produire ailleurs ce qu’on continue de consommer chez nous : c’est tout ! L’empreinte est la même. Et la COP 26 ne changera rien : on va continuer à produire plus. L’augmentation des émissions est déjà sur les rails, avertit l’ONU. Tant qu’on ne comprendra pas que baisser nos émissions, c’est obligatoirement décroître, on n’y arrivera pas. La croissance est devenue elle-même destructrice. Et la technologie, si elle peut nous aider, ne nous sauvera pas.
J’en veux beaucoup au Giec, qui, pendant trente ans, a communiqué sur des moyennes de température et une échéance à la fin du siècle, qui rend aux yeux des gens la réalité du dérèglement climatique lointaine et impalpable, abstraite, alors que c’est là, et que les conséquences
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