Le vieux PS bouge encore

Bernard Cazeneuve est de retour, coalisant les opposants à Olivier Faure… et assurant le continuum avec le macronisme.

Michel Soudais  • 6 septembre 2022
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Le vieux PS bouge encore
© Bernard Cazeneuve, lors de l'université d'été du Medef le 30 août 2022. (Photo : Eric PIERMONT / AFP.)

Bernard Cazeneuve avait quitté le PS à la création de la Nupes. L’ancien couteau suisse de François Hollande – ministre délégué aux Affaires européennes puis au Budget, ministre de l’Intérieur avant d’accéder à Matignon –, redevenu avocat d’affaires depuis 2017, est de retour. Président du Club des juristes, un think tank très masculin de 34 membres issus du monde juridique et des affaires, il a été aperçu le 30 août à l’université de rentrée du Medef. Mais c’est avec un « Manifeste pour une gauche sociale-démocrate, républicaine, humaniste et écologique », confié en exclusivité au JDD de Bolloré que le plus éphémère Premier ministre de la Ve République est réapparu ce week-end sur le terrain politique.

Un long texte, une proclamation bavarde qui empile surtout les poncifs et les mots valises au milieu de quelques truismes.

Ce long texte, cosigné par 400 personnalités, se présente comme « un appel à la refondation et donc à la constitution d’une dynamique collective ». Si l’on peut y déceler quelques allusions à de « funestes réformes » dans lesquelles le bon Bernard et ses amis ont quelque responsabilité, cette proclamation bavarde empile surtout les poncifs et les mots valises au milieu de quelques truismes avec la prétention d’œuvrer à « la reconstruction d’une véritable perspective sociale-démocrate » qui n’a jamais existé en France. Sa cible : les « républicains de gauche » d’où qu’ils viennent pourvu qu’ils soient opposés à la Nupes, son « outrance » et son « sectarisme ». Dans un entretien adjacent, Bernard Cazeneuve accuse la direction du PS de s’être laissé « toutouiser » par Jean-Luc Mélenchon.

Bottin mondain des « socialistes » anti-Nupes

Sans surprise, la quasi-totalité des opposants à Olivier Faure ont paraphé son manifeste : la cheffe de file du courant minoritaire du PS Hélène Geoffroy, Carole Delga, Stéphane Le Foll, Jean-Christophe Cambadélis… Parmi ses signataires se trouvent une quinzaine d’anciens ministres socialistes (parmi lesquels Christian Eckert, Frédéric Cuvillier, Jean Glavany, Michel Sapin, Catherine Trautmann), une cinquantaine de maires PS, le président de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, des députés « dissidents » de la Nupes, des présidents de département, et encore des membres du PRG, ainsi que le journaliste Laurent Joffrin et son fan-club.

Ce bottin mondain des « socialistes » anti-Nupes serait incomplet si n’y figuraient aussi d’ex-élus PS passés avec armes et bagages à la macronie. Citons notamment les anciens députés Gilles Savary, ex-délégué général de Territoires de progrès, Jean-Louis Gagnaire (Loire), très agressif sur les réseaux sociaux, ou Francis Chouat, ex-maire d’Évry qui siégeait dans le groupe LREM jusqu’en juin. Rassembler ainsi « les sociaux-démocrates des deux rives » atteste le continuum idéologique du vieux PS avec le macronisme. Ce dont précisément le nouveau PS d’Olivier Faure s’est émancipé.

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Parti pris

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