Il n’y a plus d’eau de pluie potable sur Terre

Il n’y a plus un seul endroit au monde où l’eau venue du ciel n’est pas polluée. Une telle nouvelle aurait dû faire sonner l’alerte maximale.

Hélène Tordjman  • 5 octobre 2022
Partager :
Il n’y a plus d’eau de pluie potable sur Terre
© Photo : Kirill KUDRYAVTSEV / AFP.

Au cœur d’un été caniculaire, une énième mauvaise nouvelle est tombée, qui n’a malheureusement pas fait couler beaucoup d’encre : il n’y a plus un seul endroit au monde où l’eau de pluie n’est pas polluée, y compris en Antarctique et sur les hauts plateaux tibétains. Les responsables : les substances perfluoalkylées et polyfluoalkylées (PFAS), qualifiées de « polluants éternels » pour leur dégradation quasi inexistante. Cela fait craindre le dépassement d’une nouvelle « limite planétaire », celle de la disponibilité de l’eau douce.

La notion de limite planétaire a été élaborée en 2009 par le Stockholm Resilience Center pour tenter de définir les points au-delà desquels les processus naturels seront irréversiblement altérés, avec des effets imprévisibles au vu de l’infinité des interactions caractérisant la biosphère. Neuf limites ont ainsi été identifiées.

En 2015, quatre avaient déjà été dépassées : le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, les cycles des nutriments (azote et phosphore) et les changements dans l’utilisation des sols. Une cinquième a été franchie en janvier 2022, celle de la pollution chimique, plastique et biologique, dénommée « introduction d’entités nouvelles ».

Quatre limites planétaires sur neuf déjà dépassées

Quatre sont pour l’instant non franchies ou non mesurées : l’appauvrissement de la couche d’ozone, l’acidification des océans, la présence d’aérosols dans l’atmosphère et le cycle de l’eau. Avec la pollution de l’eau de pluie, nous nous rapprochons dangereusement du dépassement de cette dernière, d’autant plus que nous savons par ailleurs que la majorité des rivières et des nappes phréatiques sont déjà envahies de nitrates, de pesticides et de métaux lourds, du fait des rejets industriels et agricoles.

La courte vue et le manque de courage politique des gouvernants se révèlent là une fois de plus.

Une telle nouvelle aurait dû faire sonner l’alerte maximale. En effet, que ferons-nous s’il n’y a plus d’eau propre à boire ? Sans eau, la vie sur Terre deviendra tout bonnement impossible. La courte vue et le manque de courage politique des gouvernants se révèlent là une fois de plus. Juste deux exemples.

Premièrement, les objectifs plutôt ambitieux de la Commission européenne sur une diminution de moitié des pesticides et des engrais d’ici à 2030 sont déjà remis en cause par les lobbys de l’agriculture intensive et les politiques qui les soutiennent. Deuxièmement, concernant l’automobile, la focalisation exclusive sur la voiture électrique promet là aussi de nouvelles pollutions.

En effet, cette technologie est très gourmande en métaux et en terres rares, ce qui augure d’un accroissement de l’extractivisme minier, avec toutes les pollutions chimiques qui l’accompagnent, sans parler des effets catastrophiques sur les populations locales, les travailleurs et les habitants. De plus, on oublie souvent que l’électricité n’est pas une source d’énergie, mais simplement un vecteur, comme l’hydrogène. Il faudra donc toujours des fossiles, du nucléaire et/ou des renouvelables pour produire de l’électricité.

La perspective d’une Terre sans eau douce propre… Que faut-il donc pour que les gens se réveillent ?

Hélène Tordjman est maîtresse de conférences à Sorbonne-Paris-Nord.

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

François Sarano : « Il y a une vraie lueur d’espoir pour les océans si on s’en donne les moyens »
Entretien 9 juin 2025 abonné·es

François Sarano : « Il y a une vraie lueur d’espoir pour les océans si on s’en donne les moyens »

L’océanographe et plongeur professionnel ne se lasse pas de raconter les écosystèmes marins qu’il a côtoyés dans les années 1980 et qu’il a vu se dégrader au fil des années. Il plaide pour une reconnaissance des droits des espèces invisibles qui façonnent l’équilibre du monde, alors que s’ouvre ce 9 juin à Nice la Conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc).
Par Vanina Delmas
Surpêche : en France, les stocks s’épuisent, la pêche industrielle s’accroche
Infographie 9 juin 2025 abonné·es

Surpêche : en France, les stocks s’épuisent, la pêche industrielle s’accroche

Alors que les ressources marines françaises s’épuisent, la pêche industrielle poursuit son activité à un rythme soutenu. Sous la surface, les fonds marins français sont méthodiquement ravagés par des techniques de pêche industrielles lourdes et peu sélectives.
Par Maxime Sirvins
Les pêcheurs de la baie de Granville en eaux troubles
Reportage 9 juin 2025 abonné·es

Les pêcheurs de la baie de Granville en eaux troubles

Biodiversité, tourisme, pêche, conchyliculture… la zone maritime au large de Granville et de Chausey concentre à elle seule beaucoup des problématiques qui seront à l’ordre du jour de la Conférence des Nations unies  sur l’océan (Unoc) qui s’ouvre à Nice ce 9 juin.
Par Guy Pichard
Océan : les enjeux d’un sommet plus politique qu’écologique
Décryptage 9 juin 2025

Océan : les enjeux d’un sommet plus politique qu’écologique

Du 9 au 13 juin, une soixantaine de chefs d’État se réunissent à Nice pour la troisième conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc) et discuter de la préservation des écosystèmes marins, indispensable à la vie sur Terre. Focus sur 3 enjeux majeurs de ce sommet où diplomatie et politique risquent de surpasser les défis écologiques.
Par Vanina Delmas