La liberté, difficile conquête, utopie toujours vivante
Après un précédent livre sur la difficile exigence de liberté au XIXe siècle, l’historienne Michèle Riot-Sarcey retrace la mise à mal de l’idéal de liberté par le dévoiement des idéologies du XXe siècle, celles se réclamant du marxisme comme celles du libéralisme au service du capitalisme.
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© GERARD MALIE / AFP.
C’est un très grand livre, très personnel aussi, que nous propose ici l’historienne Michèle Riot-Sarcey. Car il interroge le concept ou idéal de liberté, tant malmené au cours du XXe siècle. Au nom même de cette liberté. D’un côté, victorieuse a priori dans un Occident prospère (au prix de l’exploitation des pays du Sud et de ses propres prolétaires), l’idéologie libérale, qui « est parvenue à inverser le sens » de cette liberté, semble aujourd’hui régner sans partage.
« Au service du capitalisme, [elle] renforce sa puissance. » De l’autre, tout au long du XXe siècle, « des idéologues, sincères, adhéraient pleinement à ce qu’ils écrivaient, d’autant plus que leur action contre le fascisme évinçait toute velléité critique ». Jusqu’à ce que la « force de leur discours », atteignant un « tel niveau acritique », parvienne à justifier « les pires horreurs », de la Chine populaire et sa Révolution culturelle jusqu’au génocide cambodgien des Khmers rouges.
C’est tout l’objet de ce livre : remonter, depuis la fin du XIXe siècle, le processus de dévoiement de l’idée, de l’idéal de liberté qui advint au nom des idéologies supposées libératrices mais totalisantes, quand cette même liberté était récupérée par les néolibéraux qui œuvraient à une autre manipulation.
Michèle Riot-Sarcey poursuit la recherche de son essai précédent, Le Procès de la liberté. Une histoire souterraine du XIXe siècle (La Découverte, 2016). Elle soulignait déjà, dans l’entretien qu’elle nous accorda alors : « Il n’y a pas de liberté individuelle sans liberté collective. » Or l’espérance d’une émancipation dès le mitan du XIXe siècle, et d’une liberté aussi individuelle que collective donc, s’est ainsi « transformée en une croyance aveugle » dès après la Première Guerre mondiale.
Les penseurs de l’émancipation, véritable « alternative au libéralisme », privilégient alors le progrès technique, censé apporter le confort matériel aux « masses ». Comme l’énonçait Lénine lui-même : « La bataille de l’électricité l’emporta sur l’idée d’émancipation. » Où « le taylorisme [fut mis] au service du bolchevisme », avec souvent bien plus de violence dans les usines de
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