Verbalisations sans contrôle à Dijon : le procureur botte en touche

Une trentaine de personnes ont reçu des amendes et des courriers suite à des casserolades à Dijon, sans que quiconque n’ait été verbalisé ou contrôlé sur place. Comment ces personnes ont-elles pu être identifiées ? Interrogé par Politis, le procureur de Dijon botte en touche.

Pierre Jequier-Zalc  • 2 juin 2023
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Verbalisations sans contrôle à Dijon : le procureur botte en touche
Une casserolade à Paris, le 24 avril 2023.
© Lily Chavance

Depuis ce mercredi, la Macronie s’indigne de la publication par des députés insoumis sur les réseaux sociaux des scrutins, pourtant publics, opérés au sein de l’Assemblée nationale. En revanche, aucun de ses membres ne s’inquiète, bien au contraire, de la manière dont ont été identifiées 38 personnes ayant reçu des amendes ou des courriers à leur domicile à Dijon. Leur seul méfait ? Avoir participé à des casserolades dans la capitale de la Bourgogne, depuis le 17 avril. Des manifestations interdites par des arrêtés préfectoraux, publiés trop tardivement pour les contester et en contradiction, donc, avec la décision du tribunal administratif de Paris du 1er avril qui impose au préfet de publier les arrêtés dans un temps raisonnable pour permettre un recours.

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Dans cette histoire, dont Politis vous racontait les détails dans ses colonnes, une donnée interroge en effet particulièrement. Ces personnes n’ont pas été contrôlées ou verbalisées au moment des faits. Comment, donc, ont-elles pu être identifiées ? « Plusieurs participants à des manifestations interdites ont été verbalisés pour ‘participation à une manifestation interdite’. Il est bien entendu qu’elles n’ont pas été interpellées sur place », reconnaît le parquet de Dijon, qui poursuit : « Ils ont été identifiés par les services de police sur procès-verbal et reçoivent désormais des courriers afin de recueillir leur position sur cette identification et sur les faits susceptibles de leur être reprochés ». Relancé face à cette réponse floue, le procureur se contente de nous répondre que les forces de l’ordre « connaissaient » les participants.

D’autres personnes ont également été verbalisées de la même manière pour « émission de bruit portant atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme », une contravention de 3e classe. Le parquet affirme que ces personnes « faisaient un usage dangereux de moyens sonores, notamment à proximité immédiate des oreilles de fonctionnaires de police, dont plusieurs ont présenté à l’issue des traumatismes sonores (sic) ». Toujours selon le parquet de Dijon, ces personnes ont été verbalisées par « procès-verbal électronique ». Un moyen prévu par le code de procédure pénale, qui permet aux forces de l’ordre d’envoyer la contravention au domicile du contrevenant lorsque les « conditions ne permettent pas l’édition immédiate de ces documents ». En l’occurrence, « pour éviter des troubles à l’ordre public encore plus conséquents », selon le procureur Dijonnais.

Vidéosurveillance ou reconnaissance faciale ?

Ces réponses interrogent. En effet, sur la trentaine de personnes destinataires – toutes membres de syndicats et de groupes associatifs locaux –, la plupart assure n’avoir jamais eu de problème avec la justice pouvant justifier l’existence d’un traitement aux antécédents judiciaires (fichier TAJ), avec notamment la présence de photographies. Les forces de l’ordre auraient-elles pu avoir recours à la vidéosurveillance, voire à la reconnaissance faciale pour identifier ces personnes ? « Nous nous interrogeons car il n’y a pas eu de relevés d’identité lors de cette ‘casserolade’ », note Théo Contis, cosecrétaire départemental du syndicat Solidaires 21, auprès de BFMTV. Une interrogation balayée par la préfecture affirmant, toujours après de nos confrères, que les amendes ont été dressées « par des officiers de police judiciaire et non sur des constats de caméras ».

Une autre interrogation demeure. Est-il légal de contraventionner en réalisant des procès-verbaux a posteriori pour les motifs retenus (tapage bruyant et participation à une manifestation interdite) ? Durant la crise sanitaire, 26 personnes avaient reçu une contravention à Millau pour rassemblement interdit sur la voie publique plusieurs jours, voire semaines, après les faits, sans contrôle ni identification les jours dits. Ces participants avaient été identifiés par la vidéoprotection. Tous ont été relaxés par le tribunal de Millau qui a jugé « que les garanties procédurales offertes par la loi à tout justiciable n’ont pas été respectées dans cette procédure ». À Dijon, plusieurs personnes ont d’ores et déjà annoncé leur volonté de contester ces amendes. Solidaires 21 appelle aussi à un rassemblement le jeudi 8 juin à 18 h 30 devant la préfecture de Côte d’Or.

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