Des bras pour la petite enfance

La Première ministre a annoncé récemment la création de 200 000 nouvelles places en crèche d’ici à 2030. Un objectif qui semble irréaliste, alors que les crèches privées sont en plein essor.

Sabina Issehnane  • 5 juillet 2023
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Des bras pour la petite enfance
© Anima Visual / Unsplash.

Selon l’Observatoire national de la petite enfance, environ 20 % des 2,1 millions d’enfants de moins de 3 ans sont accueillis dans un établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE), même si cette prise en charge reste très inégalitaire selon les territoires. Depuis vingt ans, on constate une forte progression de ce taux. La Première ministre a annoncé récemment la création de 200 000 nouvelles places en crèche d’ici à 2030. Aujourd’hui, on compte 458 000 places, réparties entre les crèches publiques, pour 60 %, et les crèches privées associatives ou marchandes, pour 40 %. L’objectif d’Élisabeth Borne semble irréaliste dans le contexte actuel.

Les crèches sont tout particulièrement marquées par une pénurie de professionnel·les, symptomatique des très faibles niveaux de rémunération et des conditions de travail difficiles. La pénurie ne fait qu’accentuer leurs difficultés et détériore la qualité de la prise en charge des enfants. La part du personnel diplômé de niveau 1 (infirmier·ère puériculteur·rice, éducateur·rice de jeunes enfants, auxiliaire de puériculture, etc.) dans les effectifs totaux a déjà diminué, depuis 2010, de 50 à 40 %. Les autres salarié·es ayant une qualification sont les titulaires d’un CAP accompagnant éducatif petite enfance, qui constituent la majorité du personnel accueillant. Mais la réforme Norma de 2021 évalue le ratio de personnel qualifié sur l’effectif moyen annuel de l’EAJE. Ainsi, il n’est plus possible d’en contrôler le respect lors des visites, qu’elles soient prévues ou non.

Les crèches privées marchandes sont en plein essor, répondant à des logiques purement financières.

Ce gouvernement répond à la pénurie en autorisant désormais l’embauche de personnel non qualifié, alors même que la qualification est primordiale dans ces métiers, comme l’a montré le récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur les maltraitances dans les EAJE. En parallèle, les crèches privées marchandes sont en plein essor, tandis qu’elles répondent à des logiques purement financières. Leur régulation et le contrôle de leurs pratiques semblent difficiles, alors qu’elles sont largement subventionnées par la dépense publique.

Il est temps d’arrêter de déconsidérer le personnel de la petite enfance, de revaloriser ces métiers (y compris au niveau de la rémunération) et de garantir un réel service public de la petite enfance où la logique marchande n’a pas sa place. Il est urgent d’améliorer le taux d’encadrement (nombre d’enfants par professionnel·le) afin de garantir le bien-être et la sécurité de toutes et de tous. Les professionnel·les de la petite enfance s’organisent : ils et elles ont notamment créé un collectif, Pas de bébés à la consigne, afin de réclamer une revalorisation de leurs métiers et une meilleure qualité d’accueil des jeunes enfants. Ils et elles se sont largement mobilisé·es pendant le mouvement contre la réforme des retraites, car, en effet, comment travailler dans de telles conditions jusqu’à 64 ans ?

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