L’union et le pudding

Quatre partis de la Nupes tiennent leurs universités d’été à bonne distance, signe d’une alliance qui peine à exister. Face à la droite et l’extrême droite, la désunion lors des prochaines échéances électorales serait irresponsable.

Michel Soudais  • 23 août 2023
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L’union et le pudding
© Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP.

Quatre des cinq partis de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) organisent cette semaine leurs universités d’été respectives. À bonne distance les uns des autres, comme l’an dernier. Les insoumis se sont donné rendez-vous près de Valence, les écologistes au Havre, les socialistes à Blois et les communistes à Strasbourg. Quelques débats entre représentants de ces partis y sont programmés, hormis dans la capitale alsacienne. Mais à la veille de cette rentrée politique, l’ambiance au sein de la coalition est bien différente de ce qu’elle était il y a un an quand les uns et les autres – à l’exception déjà de la direction du PCF – débattaient des moyens de « consolider », « conforter », « développer » leur alliance toute fraîche.

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Quinze mois après l’accord programmatique et électoral qui a permis d’envoyer à l’Assemblée nationale 151 députés de gauche et offert aux quatre principales formations de conserver ou constituer un groupe parlementaire, la Nupes n’aurait-elle vécu que l’espace d’une élection ? En dehors de l’intergroupe au Palais-Bourbon, elle n’existe guère. Les déclinaisons locales, dans lesquelles certains imaginaient que pourrait se créer une culture commune, restent rares. Le parlement de la Nupes, qui devait permettre d’associer à la réflexion et à l’action des personnes issues des syndicats, des associations et du monde de la culture, n’a jamais été réactivé.

La Nupes n’aurait-elle vécu que l’espace d’une élection ?

Pour les élections sénatoriales du 24 septembre, le PS, le PCF et EELV déjà représentés au Sénat ont refusé tout accord avec LFI, qui ne réclamait pourtant que la possibilité d’y faire élire un sénateur. Et pour les élections européennes du 9 juin 2024, première élection nationale depuis la présidentielle et les législatives, seuls les insoumis et Génération·s plaident avec insistance pour une liste unique afin d’inscrire la Nupes dans la durée et la crédibiliser dans la perspective de 2027. Une perspective refusée autant par EELV que par le PCF. Quant au PS, s’il n’a pas encore arrêté sa position, ses équilibres internes ne plaident pas pour une entente avec la France insoumise.

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L’échéance cristallise toutes les tensions. La Nupes peut-elle continuer à exister en se présentant séparément à chaque scrutin intermédiaire ? Porté sur la place publique, le débat fait les choux gras d’une presse très majoritairement hostile à la gauche qui accentue avec gourmandise les divisions. Au grand agacement des insoumis dont le coordinateur en chef, Manuel Bompard, dénonçait dimanche dans Libération le « double langage » de ses partenaires, accusés d’« organiser sciemment la désunion ». Comme le pudding, dont la preuve est qu’on le mange, sait-on depuis Friedrich Engels, l’union que les électeurs de gauche – dont nous sommes – continuent de plébisciter a besoin de manifestations concrètes pour exister. Se présenter ensemble aux élections en est une.

« Même lorsque toute la gauche participait au gouvernement de la gauche plurielle de Lionel Jospin, chaque composante avait sa liste aux européennes de 1999 », déclare le porte-parole du PCF, Ian Brossat, qui a oublié la suite : le 21 avril 2002. Quand la droite et l’extrême droite s’épaulent dans leurs offensives comme on le voit depuis un an, refuser de marcher en commun semble bien irresponsable. Quant à envisager, comme le propose la patronne des Verts Marine Tondelier, de se donner « rendez-vous en septembre 2024 pour lancer […] le travail en vue de 2027 », qui peut raisonnablement croire que la Nupes peut s’offrir une année blanche ? 

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