Nupes : mais à quoi jouent les communistes ?

Plus attiré par l’autonomie que la dynamique unitaire, le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, souhaite que son parti joue sa propre musique pour les élections à venir. Une stratégie assumée, loin des ambitions initiales de la Nupes.

Lucas Sarafian  • 23 juin 2023
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Nupes : mais à quoi jouent les communistes ?
Fabien Roussel, lors des questions au gouvernement à l'Assemblée, le 23 mai 2023.
© Lily Chavance

Ces derniers temps, parler le communiste est un exercice compliqué. La Nupes ? Une alliance « dépassée » et à « retravailler » en urgence. Des accords aux élections ? Pas question de discuter avec les autres formations de gauche avant de préparer son propre projet. Des positions difficiles à suivre tant les communistes jouent désormais une partition alambiquée. Au sein de la Nupes, le Parti communiste est désormais décrit comme une sorte « d’ennemi intérieur ». Principal porte-parole de cette lutte déguisée : Fabien Roussel. Depuis la signature de l’accord en juin 2022, le secrétaire national souhaite que son parti pèse dans l’union, à la limite de la rupture. Dans une « lettre aux Français » qui sera distribuée dans les fédérations au mois de juillet, il souhaite créer un « nouveau Front populaire ». Deux pages dans lesquelles il n’est pas écrit une seule fois le mot « Nupes ».

Alternative

« Ce Front populaire s’appelle la Nupes », répond un insoumis. La critique est ignorée par les communistes. Pour eux, l’entente signée en 2022 est à revoir. « Il faut une alternative majoritaire pour toucher ceux qui s’abstiennent, ceux qui ne se retrouvent plus dans la politique, ceux qui sont allés voter extrême droite en voulant « mettre un grand pied dans la fourmilière » », avance Hélène Bidard, membre de l’exécutif et chargée des relations avec le Parti de la gauche européenne. Façon d’avancer que la Nupes serait en rupture avec l’électorat qu’elle souhaite atteindre.

Sur le même sujet : Européennes : l’ombre de l’éparpillement à gauche 

« Aux législatives en 2022, nous avions l’ambition d’être majoritaires. Pour gagner en cas de dissolution ou aux prochaines élections, nous ne pouvons pas refaire quelque chose qui a échoué, développe Pierre Lacaze, le « Monsieur élections » au sein de l’exécutif du PCF. Les sondages donnent le renouvellement de l’accord de la Nupes au même niveau, voire plus bas. Il faut donc rassembler tout le monde. » Mais qui est ce « tout le monde » ? Le Parti radical de gauche et La Convention de l’ex-Premier ministre Bernard Cazeneuve, les chevènementistes du Mouvement des citoyens, les Radicaux de gauche, le petit parti de la Gauche républicaine et socialiste ? « Il faut regarder la composition de l’intersyndicale. Il y a les principales confédérations unies, mais aussi de plus petites organisations. C’est un rassemblement plus large », explique Lacaze. Pour eux, cet élargissement serait synonyme de rééquilibrage des rapports de force au sein de l’union.

Autonomie d’abord

Depuis qu’il a été réélu en avril avec plus de 80 % des suffrages, Fabien Roussel a un plan clair : l’autonomie d’abord, l’union ensuite. « On est dans une nouvelle phase. On retrouve l’identité communiste, sans s’isoler. Toutes les composantes doivent grandir pour espérer aboutir à un rassemblement qui dépasse les 30 % », espère le sénateur du Nord Éric Bocquet. Un agenda très personnel qui a de quoi agacer les partenaires de gauche. « Ils bloquent tout », lance un socialiste. Certains se demandent même ce que fait encore le parti au sein de l’union. Surtout quand il est question de parler des élections à venir. Pour les sénatoriales, pas question d’évoquer un quelconque accord national. Fort de son nombre important de grands électeurs, le PCF penche plutôt pour des alliances locales, même s’il devrait trouver une entente avec les socialistes « dans une quinzaine de départements, peut-être une vingtaine », selon Pierre Lacaze qui indique que la majorité des candidats communistes pour septembre 2023 seront validés début juillet.

Sur le même sujet : Sénatoriales : à gauche, l’union au petit trot

En ce qui concerne les européennes, ils joueront en solitaire. « La question qui se pose est simple : Qu’est-ce qui est le plus pertinent ? Pour 2024, nous gagnerons plus de députés en partant séparément », affirme Hélène Bidard. « Les communistes n’ont pas de députés européens. C’est une anomalie à gauche. C’est une exigence d’en retrouver, donc la stratégie doit s’adapter », assure Aurélien Lecacheur, membre du conseil national. Selon Franceinfo, Léon Deffontaines, 27 ans et ex-secrétaire général du Mouvement des jeunes communistes, est pressenti pour être « chef de file » pour 2024 – l’expression de « tête de liste » n’est pas utilisée pour le moment. Son nom a été proposé à l’exécutif du parti par Fabien Roussel. Selon un membre de la direction, l’économiste et membre du conseil national Frédéric Boccara serait aussi en lice. Ces candidatures devraient être discutées lors du prochain conseil national le 1er et le 2 juillet.

Nous sommes loin des écologistes et des insoumis, donc nous travaillons sur notre projet.

« EELV va faire sa liste. La France insoumise, quoi qu’elle en dise, la prépare. Le PS réfléchit à une option d’autonomie. Donc nous l’envisageons aussi, énumère Lacaze. À l’automne, nous rencontrerons quand même toutes les formations de gauche. Et si nous trouvons un accord sur le fond, il est possible de se rassembler. Mais nous sommes loin des écologistes et des insoumis, donc nous travaillons sur notre projet. » Le parti lancera une conférence nationale sur la question européenne mi-octobre pour trancher définitivement, même si personne ne remet en cause l’orientation autonomiste affirmée au dernier congrès. Un programme, une feuille de route, une autre union. Le PCF prend une route qui ressemble bien à un chemin solitaire.

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