Stage ou SNU ? L’étau se resserre sur les élèves de seconde
En permettant aux élèves de seconde de remplacer leur stage obligatoire de fin d’année par le service national universel, le gouvernement se rapproche toujours plus de l’obligation du dispositif, pourtant controversé.
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SNU : ce que pointe un député écologiste dans son rapport au vitriol Le « lycée engagé », machine à recruter pour le SNU SNU : Macron impose sa vision de l’engagement pour mater la jeunesseC’est un projet de décret qui pourrait multiplier le nombre de recrues pour le service national universel. Quelques lignes qui concerneraient, chaque année, pas moins de 550 000 élèves de seconde. Mais qui risquent, pour tous ces jeunes, de ne pas passer comme une lettre à la poste.
Expérimenté depuis 2019, le SNU se compose de trois phases. Un séjour de cohésion de 12 jours dans un centre où se retrouvent une centaine de jeunes volontaires âgés de 15 à 17 ans. Une mission d’intérêt général, d’au moins 84 heures dans une structure liée à la défense, la solidarité, la santé, etc. Et un engagement volontaire, en service civique ou en bénévolat, d’au moins trois mois.
La première phase, le séjour de cohésion, est cogérée par des réservistes de l’armée, des enseignants et des professionnels de l’éducation populaire. Elle a attiré 40 000 jeunes cette année, souvent issue des classes moyennes, plutôt à l’aise à l’école et avec une forte appétence pour les métiers liés à la défense. Ce qui coince avec l’objectif de mixité sociale, tant vantée par le gouvernement.
Présent dans le programme d’Emmanuel Macron dès 2017, le SNU est critiqué notamment pour son encadrement en partie géré par des militaires, qui donnent souvent une teinte d’ordre et de discipline propre à la « grande Muette ». Le coût du dispositif – 160 millions d’euros pour l’année 2024 – au détriment de l’Éducation nationale, et en particulier de l’enseignement moral et civique, est aussi particulièrement pointé du doigt.
Depuis le début d’année, l’exécutif n’a eu de cesse de jongler entre les mots d’obligation du SNU, qui était le souhait initial d’Emmanuel Macron en 2017, et sa généralisation. Depuis la rentrée, une nouvelle voie d’accès s’ajoute à la candidature individuelle : le label « engagé », porté par le lycée, engage les élèves de seconde dans le SNU, s’ils le souhaitent. Un projet de décret, sorti le 18 octobre, permet aux élèves de ne pas faire leur stage obligatoire de fin d’année s’ils souhaitent s’engager dans le SNU. Malgré des failles logistiques et de vives critiques, le gouvernement paraît déterminé à imposer son dispositif.
Dans un document daté du 18 octobre révélé par Les Échos et que Politis a pu consulter, le gouvernement propose une alternative toute trouvée aux jeunes qui ne parviennent pas à trouver leur stage obligatoire de fin d’année : le SNU. L’extrait du document en question :
Ce stage obligatoire en fin d’année de seconde était déjà une nouveauté. Le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, l’avait annoncé au plateau de TF1, le 29 septembre. « On doit améliorer notre politique d’orientation. Il y a des pays qui [la] réussissent très bien, je pense aux Pays Bas, à l’Allemagne ou à la Suède où ils ont trois à quatre semaines de stage », avait-il déclaré.
Trois semaines plus tard, l’entrée par la petite porte du SNU dans ce dispositif vient fragiliser l’ambition du ministre portée tambour battant. La mesure, qui se limite à un stage d’observation comme il en existe déjà en troisième, apparaît bien plus comme une nouvelle opportunité, pour le gouvernement, de grossir les rangs des jeunes volontaires aux fameux douze jours de séjour de cohésion. Elle viendrait s’ajouter au nouveau « label engagé », dont Politis révèle ici les coulisses.
« Projet discriminant »
Pour Claire Guéville, secrétaire nationale du Snes-FSU en charge des lycées, « ce projet est discriminant ». « Dans les 550 000 jeunes qui devront trouver un stage, certains pourront profiter du réseau familial, d’autres auront la chance de partir à l’étranger. Mais ceux qui n’ont pas le capital social ou culturel pour avoir ce type d’opportunité, ils iront faire le SNU. Socialement, c’est très inégalitaire », pointe-t-elle.
160 millions alloués au SNU, ce sont 160 millions de trop dans un contexte où notre éducation nationale est à l’agonie.
La Fage
Les réactions des syndicats de jeunesse ne se sont pas fait attendre. La Fage, première organisation représentative des étudiant·es, dénonce ce lundi « de nouvelles mesures [prises], une fois n’est pas coutume, sans concertation des premiers et premières concernées. » « 160 millions d’euros alloués au SNU en 2024 sont 160 millions de trop dans un contexte où notre éducation nationale est à l’agonie », pointe le syndicat. Le gouvernement reculera-t-il devant de potentielles frondes des jeunes contre ce projet de décret ? Le texte sera soumis au conseil supérieur de l’éducation, le 16 novembre.
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