Manouchian : la police française insulte la mémoire des résistants communistes

Lors de la cérémonie d’entrée au Panthéon des héros de la Résistance immigrée communiste et internationaliste, Mélinée et Missak Manouchian, la police parisienne a empêché toute manifestation populaire d’antifascisme ou d’appartenance politique dans la foule. Récit.

Olivier Doubre  • 22 février 2024
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Manouchian : la police française insulte la mémoire des résistants communistes
Les portraits de Missak et Mélinée Manouchian, projetés sur la façade du Panthéon, à Paris, le 21 février 2024.
© Miguel MEDINA / AFP

Quelques minutes après 19 heures, mercredi 21 février. Les cercueils de Mélinée et Missak Manouchian remontent la rue Soufflot vers le Panthéon, portés par des soldats de la Légion étrangère, sous une pluie battante qui ne veut pas cesser. Ils s’arrêtent quelques mètres après le croisement avec la rue Saint-Jacques. L’émotion est palpable dans la foule, compacte, amassée derrière les barrières de sécurité. Des poings se lèvent.

Puis, de la terrasse d’un café qui jouxte le cortège, partent quelques cris : « Vive le combat antifasciste ! » ; « À bas le fascisme ! » puis, bientôt plus nombreux : « No pasarán ! » 
Peu après la lecture d’extraits des carnets de Missak Manouchian, les cercueils reprennent leur montée vers la cathédrale laïque en haut de la rue. Sous les applaudissements du public, nombreux, massé de chaque côté de la chaussée. Et le « Chant des partisans » alors de s’élever, interprété par le chœur de la Garde républicaine.

Mais à peine deux minutes plus tard, trois agents de la police parisienne en uniforme, dont l’un est même cagoulé, entrent dans le petit espace clos et bondé de la terrasse couverte du café d’où sont partis les quelques slogans criés joyeusement durant moins d’une minute. Contrôle des papiers, questions agressives pour les quelques « criards » qu’ils avaient dû repérer du dehors, à travers les vitres détrempées de la terrasse abritée.

Contrôle d’identité et confiscation des drapeaux

Les regards fixent les agents. Les papiers d’identité de quelques « suspects » sont examinés. Jusqu’à ce que les agents invitent vertement deux d’entre eux à les suivre à l’extérieur. On ne les reverra pas. Sans que l’on puisse en savoir davantage sur la suite de leur soirée. Beaucoup des témoins présents échangent et expriment alors, prudents, sans trop d’éclats de voix, d’une table à l’autre de la terrasse du café, leur révolte devant la scène à laquelle ils viennent d’assister. 


On peine à croire que dans de telles circonstances, la police française ait conservé certaines de ses ‘bonnes’ vieilles habitudes.

Quelques dizaines de mètres plus bas, à l’angle de la rue Soufflot et du boulevard St-Michel, avait lieu à peu près simultanément une autre intervention des agents de police. Avec quelques drapeaux du PCF, une poignée de militants s’était rassemblée au bas de la rue Soufflot. Là où les soldats de la Légion étrangère allaient bientôt porter les dépouilles du couple de résistants communistes arméniens des FTP-MOI jusque devant la tribune où sont rassemblés les familles des défunts et les corps constitués de la République – dont la présidente du groupe parlementaire du Rassemblement national, Marine Le Pen.

Sur le même sujet : Le Pen, casse-toi, les FTP-MOI ne sont pas à toi !

Au moment où allait débuter la cérémonie, des policiers se sont empressés de venir confisquer à ces militants leurs drapeaux tricolores et ceux de leur parti. Sans doute pour ne pas faire tache sur les vidéos de l’événement, retransmises sur écrans géants devant la foule imposante venue rendre un dernier hommage aux résistants immigrés, exécutés jour pour jour il y a 80 ans. On peine à croire que dans de telles circonstances, la police française ait conservé certaines de ses « bonnes » vieilles habitudes.

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