D’un tranquille héroïsme

Dans 16 ans, Résistant, Robert Birenbaum raconte son engagement dans la résistance juive communiste, et le groupe Manouchian qu’il devait rejoindre. On voudrait tout citer de ces mémoires où chaque chapitre force l’admiration.

Sébastien Fontenelle  • 20 février 2024
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D’un tranquille héroïsme
Emmanuel Macron et Robert Birenbaum, lors d'une cérémonie marquant le 83e anniversaire de l'appel à la résistance du général Charles de Gaulle, le 18 juin 2023.
© Mohammed BADRA / POOL / AFP

Paris, été 1942. Robert Birenbaum a quinze ans. En juillet, dans les heures qui suivent la rafle du Vel d’Hiv, où il n’a « pas vu un seul soldat allemand » et dont il rappelle qu’elle fut « menée avec zèle par la police française » (au sein de laquelle « rares furent les flics qui choisirent de ‘regarder ailleurs’ ou de prétendre qu’ils ‘reviendraient plus tard’, laissant ainsi une chance » aux victimes de la barbarie pétainiste « de trouver un refuge ou de s’échapper »), sa tante Dora lui « fait comprendre, en très peu de mots, qu’il vaut bien mieux vivre debout, dans la dignité ». Qu’il faut se « battre ». Robert, « sans la moindre hésitation », rejoint, quelques jours avant son seizième anniversaire, la résistance juive communiste.

Quatre-vingts ans plus tard, il raconte, dans un formidable livre (1) écrit avec le journaliste Antonin Amado (par ailleurs ancien rédacteur en chef de Politis), les quatre années qui ont suivi. Trois années d’une guerre de l’ombre, des toutes premières actions – des lâchers de tracts appelant à l’insoumission, au nez et à la barbe de l’occupant nazi et de ses supplétifs de Vichy – à la libération de Paris – « cent cinquante heures » durant lesquelles Robert « n’a pratiquement pas dormi ».

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16 ans, Résistant, Robert Birenbaum, avec Antonin Amado, Stock, 173 pages, 18,50 euros.

On voudrait tout citer de ces mémoires où chaque chapitre force l’admiration. Tout restituer de la constante modestie et de l’impressionnante sobriété d’un récit, mêlé souvent de drôlerie, où la résistance va toujours comme une calme évidence, et dans lequel l’héroïsme du quotidien est donné comme allant de soi – comme une condition de la dignité.

Mes camarades et moi avons vu dans cette arrestation dramatique la nécessité pour nous d’en faire davantage encore. 

R. Birenbaum

Tout, ici, est poignant, mais certaines pages résonnent aujourd’hui d’un écho particulièrement bouleversant – comme celles où l’adolescent se dirige, le 17 novembre 1943, vers le rendez-vous où doit être définitivement scellée, après une série d’entretiens préparatoires, son intégration au sein d’une unité combattante des Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) :
le groupe Manouchian. In extremis, devant le métro Père-Lachaise, une camarade lui glisse que le rendez-vous est annulé et qu’il n’y aura « pas de repêchage ». C’est-à-dire : pas de nouvelle rencontre, jusqu’à nouvel ordre.

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Il comprend qu’« un événement très grave a dû se dérouler » : le lendemain, il apprend l’arrestation, le 16 novembre, des membres du groupe Manouchian, que « la propagande honteuse des nazis assimilait à une ‘armée du crime’ ». Robert Birenbaum se souvient : « Mes camarades et moi avons vu dans cette arrestation dramatique un encouragement supplémentaire ; la nécessité pour nous d’en faire davantage encore. »

Tel est, comme l’écrit Antonin Amado dans sa forte postface, le message que nous délivre, dans le moment « où les extrêmes droites ressurgissent partout, […] niant la réalité historique des crimes passés », ce tranquille héros de la Résistance : « Le pire n’est pas certain. Et s’il survient, il peut être combattu. Et une nouvelle fois repoussé. »

Merci, Robert Birenbaum.

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Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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