Bintou Dembelé, corps affranchis

La chorégraphe déploie au Centre Pompidou un programme spécial autour de Rite de passage, puissant solo hybride portant trace du marronnage.

Jérôme Provençal  • 6 mars 2024 abonné·es
Bintou Dembelé, corps affranchis
Michel « Meech » Onomo, membre emblématique de Rualité.
© Christophe Raynaud de Lage

Invitation à Bintou Dembélé : les enfants de l’immigration 1984-2024 / 7-9 mars / Centre Pompidou, Paris.

En mouvement depuis les années 1980, d’abord comme danseuse puis comme chorégraphe, Bintou Dembélé a pris une part active dans l’émergence de la culture hip-hop en France. Ayant fondé sa propre structure, Rualité, en 2002, elle développe des projets (spectacles, performances, films) qui relient étroitement recherche, création, diffusion et transmission. Venue de l’underground, elle s’est hissée jusqu’aux plateaux les plus prestigieux de la scène hexagonale.

Un langage chorégraphique affranchi de tout lien normatif, en oscillation libre entre plusieurs styles.

Associée pour l’occasion au réalisateur Clément Cogitore (à la mise en scène), elle a propulsé diverses danses urbaines – hip-hop, krump, voguing… – au contact de l’univers baroque pour le spectacle Les Indes galantes, d’après l’illustre opéra-ballet de Rameau, qui a fait vibrer l’Opéra Bastille en 2019. Longue pièce déambulatoire offrant une synthèse en éclats de tout son parcours, G.R.O.O.V.E. a fait l’ouverture du Festival d’Avignon 2023 et s’est transportée trois mois plus tard au Centre Pompidou. En cette fin d’hiver 2024, celui-ci accueille de nouveau Bintou Dembélé, durant trois jours, à l’occasion d’un programme spécial imaginé par elle.

Oscillation libre

Au cœur se trouve Rite de passage – solo II. Interprété par Michel « Meech » Onomo, membre emblématique de Rualité, ce solo procède de la recherche menée par la chorégraphe autour du marronnage. Désignant la fuite d’un esclave et sa reconquête de la liberté au temps du colonialisme, le mot peut évoquer par extension tout élan vers l’émancipation.

Inspirée par l’image d’une danse « marronne », Bintou Dembélé s’emploie à générer ici un langage chorégraphique affranchi de tout lien normatif, en oscillation libre entre plusieurs styles (hip-hop, house, popping, krump…). Ondulant et vibrant, en synergie avec les pulsations évolutives de la musique (signée Charles Amblard), le corps puissamment expressif de Michel Onomo offre un vecteur idéal à cette danse sans attache fixe, porteuse de multiples traces d’histoire(s).

Toutes deux en libre accès, une « Palabre » – journée de partages autour des marges – et une séance du Laboratoire d’histoire permanente – axée sur l’exposition « Les enfants de l’immigration », qui a eu lieu en 1984 au Centre Pompidou – sont proposées en écho à la pièce.

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Spectacle vivant
Temps de lecture : 2 minutes