Les prisonniers basques, dossier prioritaire

Paris et Madrid n’ont pas totalement abandonné leur politique d’exception pénitentiaire à l’encontre des membres d’ETA incarcérés, six ans après la dissolution du groupe armé.

Patrick Piro  • 27 mars 2024 abonné·es
Les prisonniers basques, dossier prioritaire
© Pierre Larrieu / Hans Lucas via AFP

« Et très important, il y a la question des prisonnier·es politiques » : le rappel est constant dans la bouche des militant·es basques. Si le bras judiciaire s’est implacablement abattu sur les membres d’ETA, ces derniers ont également fait l’objet d’un traitement pénitentiaire spécial en Espagne et en France.

À partir de 1989, l’Espagne éloigne systématiquement les prisonnier·es basques et les disperse en petits groupes pour limiter les contacts entre eux. Pour les familles en visite, ce sont des trajets harassants, parfois plus 2 000 kilomètres pour 40 minutes de parloir. Cette double peine, dénoncée dès 1996 par le Parlement européen, aura causé 16 décès par accident sur les routes.

Sur le même sujet : Pays basque : « Nous n’avons pas fait la paix pour laisser des gens mourir en prison »

En France, dix mois après l’opération de Louhossoa, un espace de travail sur le rapprochement des prisonnier·es est ouvert entre une délégation basque et le ministère de la Justice. Dès 2019, il mettra fin à la dispersion et à l’éloignement en France. En Espagne, il faudra attendre 2023 pour que tous les prisonnier·es purgent leur peine au Pays basque Sud. Alors qu’il en subsiste environ 140, la bataille pour l’application d’une politique pénitentiaire « normale » est toujours en vigueur.

Encore deux « détenus spécialement surveillés »

En France, le parquet ne commence à accepter les aménagements de peine que prononcent les tribunaux qu’en 2020, relève l’avocate Maritxu Paulus Basurco, défenseure historique des prisonniers basques. « La justice ne brandit plus l’argument du ‘trouble à l’ordre public’, enfin. Cependant, on compte encore deux ‘détenus spécialement surveillés’ (DPS), alors que rien ne le justifie plus : il n’y a plus d’ETA ni de logistique d’évasion, etc. Et alors que le risque de récidive a disparu lui aussi, on inscrit encore des personnes au fichier des auteurs d’infractions terroristes (Fijait). » Ce qui pourrait arriver à Txetx Etcheverry et à Béatrice Molle-Haran, même sans condamnation.

Sur le même sujet : Au Pays basque, un procès anachronique

En Espagne, depuis 2021, le gouvernement basque dispose de la compétence pénitentiaire. « Mais les aménagements de peine, bien que légalement accessibles, sont barrés à Madrid par des recours systématiques de la Cour nationale de justice, constate Agus Hernan, ancien porte-parole du Forum social permanent. Ce blocage a mis 70 000 personnes dans la rue à Bilbao en janvier dernier. Pas pour réclamer des traitements de faveur, juste pour l’application d’une politique ordinaire envers les détenus du conflit basque. »

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Société
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