L’horreur

Depuis 7 mois, nous vivons un cauchemar, tétanisés par chaque nouveau « bilan humain » de l’abominable massacre du peuple palestinien. Et dont la dénonciation, en France, est désormais criminalisée.

Sébastien Fontenelle  • 30 avril 2024
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L’horreur
Après le bombardement israélien à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 29 avril 2024.
© AFP

Depuis sept mois, nous vivons dans l’horreur, encollé·es dans un cauchemar qui n’en finit jamais de ne jamais finir.

Depuis sept mois, tous les matins, nous découvrons, tétanisé·es, un nouveau « bilan humain » – l’expression elle-même est horrible – de l’abominable massacre dans lequel plus de 34 000 Palestinien·nes de Gaza, dont 70 % de femmes et d’enfants, ont déjà été tué·es. (Compte non tenu des victimes dont les dépouilles sont toujours ensevelies sous les décombres des villes rasées par l’armée israélienne – dont la reconstruction prendra au moins quatorze ans, selon l’ONU –, et pour ne rien dire de celles qui, par centaines, ont été abattues en Cisjordanie depuis le 7 octobre 2023.)

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Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens (illégalement) occupés depuis 1967, a mis un nom sur cette immense tuerie : c’est, dit-elle dans un rapport publié au mois de mars, un « génocide ».

Il faudra un jour se pencher sur les sordides ressorts de ces assauts répétés contre des mobilisations.

L’horreur n’est pas seulement dans ce décompte quotidien des Palestinien·nes assassiné·es : elle est redoublée par le constat, lui aussi journalier, que « l’Occident », si prompt à se donner comme le rempart de toutes les vertus et à se raconter qu’il s’était promis de ne plus jamais laisser perpétrer ce crime suprême contre l’humanité qu’est un génocide, encourage ici sa perpétration, par ses approbations tacites – lorsqu’il arme par exemple ses auteurs – comme par son acharnement à criminaliser, dans les universités françaises, notamment, quiconque proteste contre cette immonde boucherie.

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La semaine dernière encore, la philosophe et publiciste Élisabeth Badinter, invitée d’une chaîne de la télévision française d’État, a ainsi pu déclamer, sous le regard béat de ses hôtes – qui ne l’ont bien sûr pas contredite –, et tout en soutenant évidemment (prétérition, quand tu nous tiens) qu’elle « compren[ait] très bien que des jeunes gens prennent parti pour les Palestiniens », que « jamais elle n’aurait pensé » que « tous » les étudiants et étudiantes de Sciences Po mobilisés contre le carnage en cours à Gaza « seraient à ce point antisémites ». (Puis d’insister : « L’antisémitisme se développe tous les jours grâce à eux. »)

Le mot servant à désigner la haine antisémite est vidé de sa substance par des idéologues.

Cela est faux, évidemment – et il faudra un jour se pencher sur les sordides ressorts de ces assauts répétés contre des mobilisations où de nombreux et nombreuses militant·es juifs et juives prennent une part importante. Mais c’est ainsi que, jour après jour, des accusations infâmes sont impunément proférées contre toute expression publique du gigantesque effroi où nous plonge la démesure du crime que nos dirigeant·es, à jamais discrédité·es par cette complicité, laissent perpétrer à Gaza.

Et c’est ainsi que pour mieux intimider et museler quiconque use de sa plus élémentaire humanité pour demander la fin du massacre, le mot servant à désigner la haine antisémite est vidé de sa substance par des idéologues prétendant pourtant lutter contre cette infection de l’esprit – et qui, par ce surcroît de ravage, rajoutent de l’horreur à l’horreur.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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