Mélenchon en 2027 : ceux qui en rêvent encore

Au sein des troupes de La France insoumise, on maintient la possibilité d’une quatrième candidature du tribun, si les forces de gauche contestent le programme de la Nupes.

Lucas Sarafian  • 5 juin 2024 abonné·es
Mélenchon en 2027 : ceux qui en rêvent encore
Meeting de Manon Aubry, à Villepinte, le 16 mars 2024.
© Virginie Haffner / Hans Lucas / Hans Lucas / AFP

Et si la quatrième campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon avait commencé au parc des expositions de Villepinte, en Seine-Saint-Denis, le samedi 16 mars ? Ce jour-là, tout l’appareil insoumis comptait mettre sur orbite Manon Aubry, désignée tête de liste d’un mouvement qui n’a cessé, pendant des mois, d’interpeller les autres partis de gauche pour former une liste commune pour ces européennes. Mais, ce jour-là, tout le microcosme politique et médiatique n’a qu’une seule question en tête : quel rôle pour Jean-Luc Mélenchon ? « Mélenchon poussera cette liste », répond alors Damien Carême, l’eurodéputé écologiste qui vient de rejoindre la liste de La France insoumise (LFI). Il ne croit pas si bien dire.

Sur le fond, avec l’orientation de Glucksmann, l’union est non négociable.

M. Bompard

À la tribune, quelques instants plus tard, Jean-Luc Mélenchon éclipse la tête de liste du mouvement qu’il a fondé en 2016. Devant la foule de militants, il lance : « Comme vous faites votre lit, vous vous couchez. Comme vous préparez votre soupe, vous la mangez. Comme vous préparez votre 2024, vous aurez 2027. » Dans la salle, on crie « Mélenchon, président ! ». Le tribun enchaîne : « On part de loin. Mais à la fin la tortue sagace finit toujours par approcher du but. » La tortue sagace, c’est lui. La comparaison date de la campagne électorale de 2022 : il revisitait alors « Le Lièvre et la Tortue » de Jean de La Fontaine et promettait d’épuiser « quelques lièvres ». L’histoire se répète-t-elle ?

Car, du côté des insoumis, on identifie un nouveau lièvre : Raphaël Glucksmann. La tête de liste d’alliance entre le Parti socialiste et Place publique ambitionnerait, selon eux, de ranimer la social-démocratie, un espace que les mélenchonistes considéraient avoir complètement aspiré en 2022. Les insoumis, qui prévoyaient de dominer la campagne à gauche pour ensuite agréger tous les partis derrière eux, sont donc contestés idéologiquement. Et l’idée même de l’union est mise à mal.

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« On se retrouvera pour faire quoi ? La retraite à 60 ou 62 ans ? La sortie du nucléaire ou pas ? Sur le fond, avec l’orientation de Glucksmann, l’union est non négociable », glisse le coordinateur national de LFI, Manuel Bompard, le 25 mai, jour du meeting de son mouvement à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Une façon d’installer la petite musique d’une confrontation possible face à celui qui, au Zénith de Paris le 30 mai, assume être désormais le « garant » d’un « puissant pôle politique » qui refusera « les insultes, les analogies dangereuses ou les clins d’œil les plus répugnants ».

Ouvrir les portes et les fenêtres

En public, les insoumis appellent néanmoins à l’union des gauches la plus large possible. « L’union ne doit pas se limiter à La France insoumise. Donc il faut aussi ouvrir les portes et les fenêtres », assure la tête de liste Manon Aubry. Mais il y a un préalable qui n’est pas discutable : il faut, selon les insoumis, intégrer Jean-Luc Mélenchon à tout processus unitaire. « On ne peut pas gagner l’élection présidentielle sans le candidat qui a réalisé 22 % lors du scrutin précédent. L’ostracisation à laquelle se livrent ceux qui, la dernière fois, n’ont pas franchi la barre des 5 % est un précédent dangereux et grossier », affirme Manuel Bompard.

Il faut une union avec tout le monde, y compris Jean-Luc Mélenchon.

A. Saeidi

« C’est une figure importante. C’est le seul candidat de la gauche à dépasser deux fois les 5 %. En 2027, ça ne peut pas se faire sans lui. Il faut une union avec tout le monde, y compris Jean-Luc Mélenchon. Et encore plus avec Jean-Luc Mélenchon : il a fait 22 % en 2022 », expose quelques minutes avant le lancement de la campagne Arash Saeidi, l’ex-coordinateur national de Génération·s qui a rejoint les troupes insoumises.

Mais, en privé, le ton est plus catégorique. Pour la direction du parti, il n’est pas envisageable de renier la ligne politique signée par tous les partis de gauche au moment de la création de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (Nupes). Hors de question aussi de questionner le niveau de radicalité de la potentielle unité. « Nous, on fait l’union populaire. S’ils veulent nous rejoindre pour avancer, qu’ils le fassent. Mais on ne va pas recommencer à entrer dans les négociations pour envisager un reniement programmatique », se projette un cadre de LFI.

Travailler ensemble, cesser de s’accuser

Si les gauches n’arrivaient pas à s’entendre dans ce cadre idéologique, les insoumis espèrent que l’omniprésence de Jean-Luc Mélenchon pendant cette campagne ne fera pas pschitt. « C’est un candidat possible. Il a fait trois campagnes présidentielles : à chaque fois, il a levé des millions de gens autour d’un programme politique à la hauteur des urgences de notre temps. Il faudrait être complètement hors de la réalité du terrain pour dire qu’il n’est pas une candidature potentielle, estime Manuel Bompard. Mais il faut aussi écouter ce qu’il dit : il aspire à être remplacé et il se félicite que d’autres figures de La France insoumise commencent à émerger. »

Sur le même sujet : « Jean-Luc Mélenchon est un candidat possible »

Mais en dehors des personnalités frondeuses, les candidats potentiels conformes à la ligne du fondateur de LFI peinent à sortir du lot. Mathilde Panot ? Aurélie Trouvé ? Clémence Guetté ? Pour le moment, seul Manuel Bompard assume travailler, « comme d’autres, pour continuer à progresser » et devenir une option crédible.

Comment construire l’unité ? Par le programme d’abord.

J-L. Mélenchon

Quant à Jean-Luc Mélenchon, il reprend sa stratégie ­d’antan : si l’union des gauches ne parvient pas à se construire derrière lui, il faut alors plaider désormais pour « l’unité du peuple ». Dans une note de blog publiée le 28 mai, il donne quelques éléments de clarification. « Comment construire l’unité ? Par le programme d’abord […]. Exemple : la retraite à 60 ans. La sortie du marché européen de l’électricité. Ensuite, en donnant au programme un point d’appui unitaire fort et entraînant, écrit Mélenchon. En tout cas, puisque Glucksmann ne veut pas, il faut de toute façon ouvrir un autre chemin. Le plus simple. Le plus direct. Le plus immédiat : unir tous ceux qui le veulent, séance tenante. Qu’il s’agisse de personnes ou d’organisations. Tout de suite. »

Meeting de LFI pour les élections européennes, à Paris, le 25 mai 2024. (Photo : Michel Soudais.)

Du côté des unitaires, certains savent qu’il sera donc extrêmement difficile d’entrer en confrontation avec lui tant il est toujours l’homme politique de gauche le plus identifié dans le débat public et, certainement, celui qui a le plus d’assise électorale et militante. « Jean-Luc Mélenchon reste celui qui ne gagne pas au deuxième tour. Mais c’est celui qui rassemble le plus au premier », note un cadre de gauche. Quelle solution existe-t-il ?

« Il faut travailler avec Jean-Luc pour qu’il accepte qu’il y ait un candidat commun, imagine un écologiste. Il a sa place dans la construction d’une plateforme programmatique commune qu’on pourrait établir avant 2026, il a sa place dans la réflexion sur le mode de désignation. Mais l’idée, c’est surtout de travailler ensemble, pas de s’accuser. » Mais l’intéressé acceptera-t-il d’entrer dans une aventure commune à n’importe quel prix ?

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