La CGT relance la bataille des retraites

Avec la journée de mobilisations du 1er octobre en ligne de mire, l’organisation syndicale a décidé de mettre la pression sur le nouveau gouvernement de Michel Barnier. Sa stratégie : initier dans la rue et dans les entreprises l’acte II de l’opposition à la réforme de 2023.

Pierre Jequier-Zalc  • 25 septembre 2024 abonné·es
La CGT relance la bataille des retraites
La récente victoire de Duralex a remis sur le devant de la scène l’importance du syndicalisme.
© Guillaume SOUVANT / AFP

À moins d’une semaine du 1er octobre, la pression monte dans les centrales. Notamment à la CGT, où on joue gros sur cette journée de rentrée sociale. La deuxième organisation syndicale du pays a le vent en poupe depuis le mouvement contre la réforme des retraites, ses dizaines de milliers de nouveaux adhérents et sa nouvelle secrétaire générale, Sophie Binet, ultra-médiatique, qui a rajeuni l’image de la centrale. Malgré tout, le succès de cette journée de mobilisation est loin d’être acté.

On veut une vraie grève massive.

M. Guilbert

« Mobiliser pour un budget, ce n’est pas le plus simple », glisse le leader de la FSU, Benoît Teste, faisant référence à la date choisie – le 1er octobre, date de la rentrée parlementaire. Son organisation, avec Solidaires, accompagnera la CGT dans cette mobilisation que les syndicalistes espèrent mobilisatrice : « On veut une vraie grève massive. Pas juste une manifestation de rentrée sociale routinière », assure Murielle Guilbert, conuméro 1 de Solidaires.

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Pour cela, la CGT a décidé de faire de la question des retraites son cheval de bataille pour mobiliser largement. Le 1er octobre, c’est « le match retour contre la réforme des retraites », a assené Sophie Binet sur les ondes de FranceInfo. « Si la question des retraites continue d’être un sujet central pour le nouveau gouvernement, c’est grâce à l’opiniâtreté des organisations syndicales – et notamment de la CGT », assure Thomas Vacheron, secrétaire confédéral du syndicat.

En effet, à peine nommé, le gouvernement de Michel Barnier est déjà confronté à l’épineuse question de cette réforme adoptée en force au printemps 2023, malgré une large opposition de l’opinion publique. Dans l’Hémicycle, le sujet va revenir très rapidement, que ce soit lors du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), de la niche parlementaire du Rassemblement national (RN), qui a annoncé qu’il déposerait une proposition de loi visant à abroger la réforme de 2023, ou, un peu plus tard, avec l’examen de la proposition de loi d’abrogation de la même réforme, déposée au cœur de l’été par La France insoumise.

Dans ce contexte, le nouveau gouvernement marche sur des œufs ; en témoignent les hésitations du premier ministre sur le sujet au JT de France 2, le 22 septembre. Ainsi, même s’il assure qu’il faut « réformer la réforme des retraites », Michel Barnier a aussi estimé vouloir préserver le « cadre financier » de la loi. Une manière, à demi-mot, de refuser tout retour sur la question de l’âge légal de départ à la retraite. Le tout en demandant aux partenaires sociaux « d’améliorer » le texte actuel, notamment sur la « pénibilité » et les « carrières longues ».

Retour aux enjeux sociaux

Ainsi, la CGT veut profiter de cet alignement des étoiles pour instaurer un « rapport de force » en sa faveur. Et aussi revenir sur la question sociale, son terrain de jeu favori, alors que le politique a envahi toute l’actualité depuis l’annonce de la dissolution, embarquant toutes les organisations syndicales. « On a pris nos responsabilités en essayant d’éviter le pire », assume Thomas Vacheron, alors que son organisation syndicale a soutenu le Nouveau Front populaire (NFP). « On sait que ce n’est qu’un sursis. Désormais, il faut gagner des avancées sociales pour remettre du commun et empêcher le Rassemblement national de prospérer sur la misère », ajoute-t-il.

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Surtout, toutes ces tergiversations politiques ont créé une forme d’abattement dans le camp du progrès social, car le premier ministre est issu de la quatrième force politique de l’Assemblée nationale. « Toutes ces tambouilles démobilisent », poursuit le secrétaire confédéral. Une démobilisation qu’on ressent même au sein de l’intersyndicale. « Depuis la dissolution, on n’a plus de nouvelles de FO », raille un second couteau d’un syndicat plutôt modéré, faisant référence à l’incapacité de Force ouvrière de prendre position contre le RN ou de participer à la mobilisation du 1er octobre.

Pour cette journée, la CGT ne défilera qu’avec la FSU et Solidaires, les deux autres organisations syndicales les plus combatives qui cultivent une vraie proximité. Une intersyndicale très réduite, donc, en comparaison avec l’hiver 2023, quand les huit syndicats défilaient, main dans la main, contre la réforme des retraites. « La CGT aurait adoré avoir un spectre plus large, notamment que la CFDT participe. Cela aurait évité que toute la pression de cette journée repose sur ses épaules », note Karel Yon, sociologue du syndicalisme.

Jamais on n’appellera à une mobilisation pour faire pression sur une institution.

M. Léon

Mais voilà, la CFDT, fidèle à ses traditions, ne participera à aucune rentrée sociale dans la rue. Et cela, malgré sa forte mobilisation contre l’extrême droite durant la campagne des législatives anticipées. « Jamais on ne sera en défense d’une formation politique en disant que c’est elle qui doit exercer le pouvoir, et jamais on n’appellera à une mobilisation pour faire pression sur une institution », avait déjà assuré Marylise Léon après le succès relatif du NFP.

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À trois, la force de frappe sera donc, de facto, moins importante qu’avec l’intégralité des organisations syndicales. Néanmoins, la CGT, Solidaires et la FSU espèrent profiter du contexte politique particulièrement instable pour mettre la pression sur le nouveau gouvernement. « La crise politique institutionnelle est toujours là […], qui affaiblit Macron et les tenants de sa politique néolibérale », écrit Solidaires dans un communiqué.

Le 1er octobre, journée test

Autrement dit, alors qu’Emmanuel Macron a toujours balayé d’une main autoritaire les mobilisations sociales, le double revers des européennes et des législatives a changé la donne. La marge de manœuvre du nouveau gouvernement sera très faible pour éteindre une colère sociale qui émergerait. Pour les trois organisations syndicales – CGT en tête –, réussir la journée du 1er octobre sera donc un premier vrai test pour connaître leur capacité à peser au niveau national.

Se mobiliser le 1er octobre, c’est protéger, concrètement les salariés.

T. Vacheron

« Plus les gens participeront à ces manifestations et à cette grève, plus cela infléchira les choix gouvernementaux et patronaux. Se mobiliser le 1er octobre, c’est protéger, concrètement les salariés », essaie de convaincre Thomas Vacheron. Une manière, aussi, de remettre sur le devant de la scène l’importance du syndicalisme : les dernières semaines ont été marquées par des victoires locales, comme à Duralex, désormais passé en coopérative ; au sein du groupe Radisson, avec une hausse de salaire des femmes de chambre à Marseille ; ou, plus récemment, à l’université Paris-Dauphine, comme nous le relations dans nos colonnes.

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Des luttes, à chaque fois, syndicales. En réactivant la question des retraites – une mobilisation qui a redonné du souffle aux syndicats –, la CGT espère donc continuer sur cette lancée. Pour, en cas de forte mobilisation le 1er octobre, monter encore d’un cran.

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