Tensions et affrontements autour du chantier de l’A69
Après l’évacuation de la ZAD de la Cal’arbre, des affrontements entre militants, forces de l’ordre et même agents de sécurité ont marqué ces derniers jours. Avec le dernier arbre lié au projet de l’A69 dans le Tarn, le chantier avance, mais la contestation persiste.
Le vendredi 30 août, à Saïx (Tarn), une intervention des forces de l’ordre a marqué un tournant dans l’opposition au chantier de l’autoroute A69, reliant Toulouse à Castres. La ZAD de la Cal’arbre, un lieu symbolique de la résistance des militants écologistes, a été évacuée par plus de 200 gendarmes.
Quelques militants sont tout de même restés sur place, notamment des « écureuils » perchés dans les arbres, observant la destruction progressive de leur camp. Sur les différentes images, il ne reste plus grand-chose sur la ZAD hormis les cabanes dans les quelques arbres encore debout. Les forces de l’ordre ont poursuivi leur travail de déblaiement, détruisant structures et équipements utilisés par les militants pour bloquer les avancées du chantier.
Un militant, lui aussi victime d’une chute a eu plusieurs vertèbres fracturées.
Lors des opérations de gendarmerie, plusieurs militants ont été blessés. Au petit matin du vendredi 6 septembre, deux « écureuils » ont chuté de plus de 7 mètres de hauts lors d’une opération de la gendarmerie. Les militaires de la cellule nationale d’appui à la mobilité (CNAMO) sont depuis pointés du doigt alors qu’un autre militant, lui aussi victime d’une chute a eu plusieurs vertèbres fracturées une semaine avant dans le même contexte. « Composée de six sous-officiers ultra-expérimentés, elle a pour mission de faire cesser les entravements et les accrochages complexes de manifestants », explique la gendarmerie sur son site.
La sécurité privée en cause
« Attention ! Attention ! Ils tirent des feux d’artifices ! », cri un homme sur une vidéo. Le dimanche 8 septembre, des images publiées sur les réseaux sociaux montrent une scène surréaliste sur le site de la Cal’arbre. Sur différentes photos, des hommes cagoulés et en tenues professionnelles dont certains avec écrit « sécurité » dans le dos sont présents sur les lieux. « Ce sont les vigiles du chantier », s’étonnent un témoin. En face, les militants tentent de les faire fuir à coups de divers projectiles.
Alors que des dizaines de personnes sont encore présents sur ce qu’il reste de la ZAD, une vidéo montre des agents de sécurité privée tirer des mortiers d’artifice en direction des militants au sol, mais aussi dans les arbres. Au même moment, différentes grenades lacrymogènes et assourdissantes tirées par des gendarmes atterrissent aux pieds des zadistes. À la fin de la vidéo, un gendarme rejoint les agents de sécurité, gazeuse à la main.
Une seconde vidéo, tournée peu de temps après selon le vidéaste, montre quatre gendarmes repousser les manifestants. Dès le début des images, un des militaires crie sur les quelques personnes tout en courant dans tous les sens avec sa gazeuse. « Dégages toi ! Vas-y casses toi ! », hurle encore le gendarme en poursuivant le vidéaste. Il recommence un instant après en l’invectivant encore : « Viens ici, viens au contact ! Tu fais le malin, tu vas voir ! » Gazeuse toujours à la main, il se remet à courir.
Une histoire à l’allure de déjà-vu
Au fond de la scène, là où ont eu lieu les tirs de mortiers, les agents de sécurité toujours cagoulés regardent la scène sans être dérangés, ce qui n’est pas sans rappeler une ancienne histoire. Le 16 et 17 juillet 2016, lors d’une manifestation à Bure contre un projet d’enfouissement de déchets radioactifs par l’Andra, des agents de sécurité, armés de gourdins et de bouts de bois, avaient frappé plusieurs manifestants.
Sur France 3 Lorraine, le directeur général adjoint de l’Andra et directeur du centre de Bure félicitait les agents d’avoir « fait un très bon travail ». Quelques jours plus tard, son départ était annoncé par la direction de la communication du laboratoire de Bure. « La question est évidemment tentante de se demander si cette décision fait suite, ou pas, aux événements survenus les 16 et 17 juillet [2016] », se questionnait alors France 3.
Une série d’agressions à Verfeil
Quatre personnes habillées de noir, cagoulées, (…) ont jeté un cocktail Molotov dans ma voiture.
Vendredi 6 septembre, à Verfeil en Haute-Garonne, une autre vidéo dénonce une attaque contre la seule maison qui n’a toujours pas été expropriée et dont la famille héberge quelques zadistes. « La ligne – électrique – a été sectionnée très certainement par une pelleteuse », explique le témoin alors qu’une équipe d’Enedis est présente pour les réparations.
La locataire de la maison a porté plainte à deux reprises quelques jours plus tôt après plusieurs tentatives d’incendies. Après avoir subi des départs de feux dans son jardin fin août, le 1er septembre c’est sa voiture et son portail qui sont visés. À France Bleu Occitanie, elle raconte : « On a été réveillé par des cris, on est descendu. Il y avait quatre personnes habillées de noir, cagoulées, qui étaient à côté de ma voiture. Ils sont partis en courant, mais avant de partir, ils ont jeté un cocktail Molotov dans ma voiture. »
Une lutte loin d’être terminée
Le projet de l’autoroute A69, initié pour relier Toulouse à Castres, est dénoncé par plusieurs collectifs et mouvements écologistes. Ceux-ci pointent les conséquences environnementales néfastes du chantier : destruction de zones humides, de terres agricoles et de nombreux arbres et écosystèmes. La ZAD de la Cal’arbre symbolisait la résistance contre ces impacts écologiques.
Au terme de plusieurs jours d’affrontements, la préfecture du Tarn a annoncé, lundi 9 septembre, qu’il ne restait plus « aucun arbre à couper » dans le cadre de la construction de l’autoroute. Le dernier militant, qui occupait encore un arbre, a quitté les lieux de lui-même. L’arbre a été arraché dès après.
Face à la répression qui dure depuis des mois, le rapporteur de l’ONU sur les défenseurs de l’environnement, Michel Forst, s’est même rendu sur la ZAD de la Crém’arbre en février 2024. Son constat était sans appel : « Les alertes sur les méthodes de maintien de l’ordre employées contre les militants pacifiques sur le chantier de l’A69 sont alarmantes. »
Aujourd’hui, si la ZAD de la Cal’arbre n’existe plus physiquement, le combat contre l’autoroute A69 se poursuit dans les rangs des opposants. Le chantier, désormais libre d’obstacles physiques dans le Tarn, continue, mais les tensions restent vives. L’avenir de cette lutte pourrait se jouer dans les tribunaux et les mobilisations citoyennes.