Les personnes LGBT+, premières victimes de violences sexuelles

Une enquête de l’Inserm montre que de plus en plus de personnes s’éloignent de la norme hétérosexuelle, mais que les personnes LGBT+ sont surexposées aux violences sexuelles et que la transidentité est mal acceptée socialement.

Thomas Lefèvre  • 21 novembre 2024 abonné·es
Les personnes LGBT+, premières victimes de violences sexuelles
Manifestation pour les droits des personnes trans, à Londres, en avril 2022.
© Karollyne Videira Hubert / Unsplash

C’est une enquête qui était attendue, près de 20 ans après la dernière édition. Le 12 novembre 2024, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a dévoilé ce 21 novembre les premiers résultats de son enquête « Contexte des sexualités en France en 2023 ».

Menée par des sociologues, épidémiologistes et démographes de différentes institutions françaises, sur un échantillon de 31 518 personnes de 15 à 89 ans, cette recherche fait état des sexualités et de la santé sexuelle de la population française. Le volet « pluralité sexuelle et de genre » dresse un bilan inquiétant sur l’acceptation sociale et l’état de santé mentale dégradé des personnes LGBT+.

Une stigmatisation constante des personnes trans

« Les personnes qui s’éloignent de la norme hétérosexuelle et les personnes trans souffrent d’une forme de sanction sociale via de nombreuses discriminations », explique la sociologue Nathalie Bajos, directrice de recherche à l’Inserm, qui a co piloté l’enquête. Les résultats montrent que la transidentité est mal acceptée socialement : seules 42 % des femmes et à peine 37 % des hommes considèrent que c’est une identité comme une autre.

On vit des discriminations tout au long de notre vie et nos morts ont été pendant trop longtemps invisibilisées.

M. Aum Neko

Parmi les personnes ayant pensé à changer de genre, c’est presque 1 personne sur 2 qui a déjà été victime de violences sexuelles. Au sein de la population générale, près de 30% des femmes et un peu moins de 9 % des hommes déclarent avoir subi des rapports forcés ou une tentative de rapport forcé au cours de leur vie.

La surexposition des minorités sexuelles et de genre aux discriminations a des répercussions graves sur leur santé : « Elles ont un état de santé mentale dégradé, notamment à cause des violences qu’elles subissent », explicite Nathalie Bajos. Près de la moitié des personnes qui ont pensé à changer de genre déclarent des cas de dépressions sévères ou modérés contre moins de 18 % pour le reste de la population.

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« Les auteurs de violences considèrent que la transidentité justifie ces dernières, assène Mimi Aum Neko, co présidente de Acceptess-T et militante transféministe. Ce n’est pas un hasard si les personnes issues de minorités sexuelles et de genre, qui sont tabassées socialement et politiquement, sont celles qui sont plus susceptibles d’être en dépression. »

En tant qu’ancienne travailleuse du sexe, Mimi Aum Neko témoigne : « J’ai subi plusieurs fois des violences transphobes par des clients ». La parole se libère ces dernières décennies, et de plus en plus de victimes osent prendre la parole. « À Acceptess-T on essaye de montrer aux victimes qu’elles ont le droit de dénoncer ces violences, explique-t-elle. On a une aide juridique si elles veulent porter plainte par exemple. »

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Un rassemblement était organisé à Paris ce mercredi 20 novembre en hommage aux personnes trans tuées cette année en raison de leur identité de genre. Cette mobilisation s’inscrit dans le cadre du Transgender Day of Remembrance (Journée du souvenir trans), commémoré tous les ans depuis 1999. Selon le rapport annuel du Trans Murder Monitoring Project, 350 meurtres de personnes issues de minorités de genre ont été recensés depuis 2023.

Ce chiffre, en hausse, illustre une recrudescence de la transphobie, d’après l’association à l’origine du rapport. « On vit des discriminations tout au long de notre vie et nos morts ont été pendant trop longtemps invisibilisées », regrette Mimi Aum Neko.

Panique conservatrice

Dora Moutot et Marguerite Stern sont les autrices du livre Transmania, publié en octobre 2024 par la maison d’édition Magnus, également connue pour éditer l’influenceur d’extrême droite Papacito. Dans cet ouvrage, elles défendent une thèse transphobe selon laquelle l’augmentation de la visibilité de la transidentité et de remise en question de la binarité du genre seraient le signe d’une « dérive idéologique ».

Elles y dénoncent aussi un « projet politique néfaste » associé à ce qu’elles qualifient d’une « idéologie transgenre ». Le mois dernier, les deux autrices ont multiplié les apparitions sur les plateaux des médias conservateurs et d’extrême droite pour promouvoir leur ouvrage.

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Pourtant, les chiffres de l’enquête Inserm viennent contredire cette rhétorique alarmiste. En 2023, 1 personne sur 1 000 en France a entrepris des démarches pour changer de genre, et environ 2,3 % de la population générale déclare avoir, à un moment donné, pensé à changer de genre.

Selon le rapport, « la remise en cause de son sexe assigné à la naissance est en partie associée à la remise en cause de l’hétérosexualité ». Ces données, qui n’étaient pas présentes dans la précédente enquête de 2006, apportent une perspective scientifique précieuse face aux discours anxiogènes sur les minorités de genre.

« L’enquête atteste aussi de la remise en question de plus en plus marquée de la norme hétérosexuelle dans les représentations et dans les pratiques », peut-on lire dans le rapport. L’acceptation sociale des sexualités non hétérosexuelles progresse, mais un écart de genre persiste : alors que près de 70 % des femmes considèrent l’homosexualité comme une sexualité comme une autre, seule la moitié des hommes partagent cette vision.

C’est parce que les rapports de domination masculine sont omniprésents dans la société que certaines personnes se détournent de la norme hétérosexuelle.

Par ailleurs, un peu moins d’une personne sur 10 déclare avoir eu au moins un ou une partenaire de même sexe au cours de leur vie. La remise en cause des normes hétéro est d’ailleurs plus marquée chez les jeunes générations et chez les femmes. C’est plus de 37 % des femmes de 18 à 29 ans qui déclarent ne pas être strictement hétérosexuelles. « C’est aussi parce que les rapports de domination masculine sont omniprésents dans la société, que certaines personnes se détournent de la norme hétérosexuelle », précise Nathalie Bajos.

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Le collectif féministe #NousToutes appelle à des manifestations dans toute la France ce samedi 23 novembre pour dénoncer les violences sexuelles et toutes les violences de genre. Le soutien de plusieurs associations LGBT+ à cette mobilisation reflète l’intersectionnalité croissante des mouvements féministes traditionnels, qui intègrent de plus en plus les revendications des minorités de genre.

« Je suis vraiment contente et soulagée de voir ces progrès sociaux, souffle Mimi Aum Neko. #NousToutes a fait beaucoup d’efforts pour montrer que les femmes trans, migrantes et travailleuses du sexe sont concernées par les violences sexuelles. »

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