Trump, un dinosaure au secours des fossiles

L’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, et la promesse d’une politique du tout extraction – pétrole et gaz de schiste –, signe le retour d’une politique anti-écologique, à rebours des accords internationaux signés par l’administration Biden.

Camille Madera  • 22 janvier 2025 abonné·es
Trump, un dinosaure au secours des fossiles
Le 18 janvier, à Atlanta (Géorgie), commémoration en l’honneur du militant écologiste Tortuguita, tué par la police il y a deux ans.
© Regard Brut / Agence 43 mm

Alors que Donald Trump s’apprêtait à reprendre ses quartiers à la Maison Blanche, les chaînes d’information du pays passaient en boucle les images des flammes ravageant Los Angeles. Tandis que les plus nantis s’assuraient les services de pompiers privés pour protéger leur villa, le nouveau président a critiqué avec virulence les autorités et le gouverneur démocrate « incompétent » de Californie, qu’il tient pour responsables, répandant ainsi des informations erronées et une vision simpliste faisant fi du changement climatique. La réélection de Trump annonce le retour en force du climatoscepticisme dans le Bureau ovale.

On se souvient de ses positions sur le changement climatique, allant jusqu’à qualifier le phénomène de « canular » malgré le consensus scientifique. Quelques mois après sa première prise de fonction, il actait le retrait de son pays de l’accord de Paris, sidérant le monde entier. Donald Trump a réitéré son opposition au traité, que les États-Unis ont réintégré sous Joe Biden. Et les différentes avancées environnementales de ces quatre dernières années constituent pour les entreprises un contexte économique et un ensemble de normes et de régulations auxquels elles ont dû s’adapter.

Sur le même sujet : « L’élection de Trump tombe à un très mauvais moment pour le climat »

Dans le cadre de l’Inflation Reduction Act, sorte de green new deal post-covid, certaines reçoivent même des fonds fédéraux importants, par exemple destinés à l’innovation en matière de technologies de capture et séquestration du carbone. On a ainsi vu certains dirigeants des industries les plus émettrices exhorter Trump à ne pas détricoter tout le bilan du président sortant et à rester dans l’accord au nom de la stabilité, propice aux affaires. Malgré leurs demandes, Trump a bien confirmé le deuxième retrait du pays de l’accord de Paris dès son investiture en signant un « ordre exécutif » devant ses fans réunis à la Capital One Arena.

Une équipe dirigeante proche des industriels

L’accord de Paris ne semble être aujourd’hui qu’un doux rêve au souvenir lointain, en témoigne l’année 2024 dont la température moyenne était supérieure à la barre symbolique de 1,5 °C de réchauffement. Si ce n’est le message envoyé au reste du monde, que l’administration Trump décide à nouveau d’en sortir ou non reste in fine relativement anecdotique : la campagne électorale nous a rappelé qu’un second mandat de sa part serait quoi qu’il en soit catastrophique en termes de politique environnementale.

Avec « Drill, baby, drill » (« Fore, bébé, fore ») inscrit noir sur blanc dans son programme, Donald Trump courtise les grandes entreprises pétrolières et gazières : lors d’un dîner dans sa villa de Mar-a-Lago réunissant les patrons du secteur, Trump a fait miroiter une politique avantageuse en échange d’un milliard de dollars pour sa campagne. S’il est trop tôt pour s’avancer sur ses premières mesures anticlimatiques, une étude du média spécialisé Carbon Brief estime que l’élection de Trump engendrera à horizon 2030 l’émission de 4 milliards de tonnes de CO2 supplémentaires en comparaison au scénario dans lequel les démocrates remportaient le scrutin.

Trump est capable de prendre des mesures tellement extrêmes qu’il est simplement impossible de ne pas être très inquiet.

Talon

Il est clair que la nouvelle administration s’attachera à saper les réglementations qui se dressent en obstacle pour les industriels. Plus qu’une soumission de la première aux intérêts des seconds, il s’agit d’une interpénétration des sphères politiques et privées.

La nomination de Lee Zeldin à la tête de l’Agence de protection de l’environnement en est l’illustration : lors de son audition sénatoriale, il a été épinglé pour son rôle dans des organismes travaillant au détricotage des régulations environnementales en vue d’une victoire de Trump. On lui reproche de n’avoir aucune qualification mais également ses liens avec le lobby pétrolier qui a contribué au financement des campagnes de sa carrière politique. Et Chris Wright, probable secrétaire à l’Énergie, est quant à lui PDG de la deuxième plus importante compagnie de fracturation du pays.

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Dans les milieux écologistes, le retour du pourfendeur de l’agenda « wokiste » désespère. Si Kamala Harris n’était pas considérée comme suffisamment radicale dans son approche – pour des raisons électorales, elle avait par exemple fait volte-face sur la fracturation hydraulique, dont l’interdiction était pourtant une de ses promesses de campagne –, elle restait néanmoins préférable à son rival. Pour Talon (pseudonyme), militante engagée dans le mouvement Stop Cop City, les démocrates ne valaient guère mieux que leurs adversaires mais Trump « est capable de prendre des mesures tellement extrêmes qu’il est simplement impossible de ne pas être très inquiet ».

À Atlanta, les collectifs en lutte contre Cop City, un projet de centre de formation de la police à 100 millions de dollars menaçant une forêt dans un quartier majoritairement noir, organisaient deux jours avant l’investiture une commémoration en l’honneur de Manuel Esteban Paez Terán, dit Tortuguita. Ce militant écologiste, tué par la police lors d’une manifestation dans des circonstances encore floues, est devenu le visage des victimes de la répression qui s’abat sur les activistes.

Si tu parles, ta vie va devenir un enfer.

C. Nardi

De nature optimiste, Talon voit un motif d’espoir dans « la souffrance accrue et les dégâts irréversibles » qui s’annoncent : « parce qu’ils verront toutes ces conséquences néfastes, beaucoup de gens vont se radicaliser » et donc grossir les rangs des mouvements environnementaux. « Nous sommes trop nombreux pour nous faire taire », affirme-t-elle.

Répression et menaces

Au Wyoming, à l’autre bout du pays, la réalité du terrain vient nuancer cette espérance. Dans cet État très conservateur du Midwest, l’industrie fossile, omnipotente par sa prédominance économique, fait taire avec l’appui des autorités ceux qui dénoncent les scandales sanitaires et environnementaux qu’elle engendre. Face à la répression, Chrissy Nardi a préféré abandonner son militantisme. Outre les agents en civil qui la suivaient, elle rapporte que son domicile a été fouillé en son absence et que des documents ont disparu de chez elle à plusieurs reprises.

Raffinerie à Sinclair, Wyoming. (Photo : Regard Brut / Agence 43 mm.)

« On ne peut pas gagner contre eux, on peut toujours choisir d’en parler, mais notre nombre est si petit ici. […] Si tu parles, ta vie va devenir un enfer. » Dans le Dakota du Nord voisin, c’est tout simplement la survie d’une des organisations les plus emblématiques qui est menacée avec l’ouverture courant février du procès de Greenpeace intenté par l’entreprise Energy Transfer Partners, copropriétaire du Dakota Access Pipeline. Cette dernière accuse l’association d’avoir participé à l’organisation des manifestations massives contre le projet en 2017, et demande à ce titre une compensation en dommages et intérêts d’un montant de 300 millions de dollars.

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