Déjà l’effet Trump

Fraîchement réélu, et pas encore en fonction, Donald Trump fait déjà bouger les lignes, de l’Ukraine à Gaza, en passant par l’Europe. Et rien ne porte à l’optimisme sur la résistance qui lui sera opposée.

Denis Sieffert  • 20 novembre 2024
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Déjà l’effet Trump
Devant l'usine Stellantis à Sterling Heights, dans la banlieue de Détroit, Michigan, le 16 octobre 2024.
© Charly TRIBALLEAU / AFP

Avant même son entrée à la Maison Blanche, le 20 janvier, Donald Trump agit déjà sur l’ordre du monde. Selon le Washington Post, le président élu aurait, dès le lendemain de son élection, appelé Vladimir Poutine pour lui demander de ne pas se livrer à « une escalade » en Ukraine. Conséquence immédiate : la Russie a redoublé de violence, attaquant les grandes villes ukrainiennes jusqu’à proximité de la frontière polonaise, et ciblant les infrastructures énergétiques. Faut-il s’en étonner ? Il y a une cohérence à peine paradoxale dans la réaction de Poutine, dont le porte-parole s’était d’ailleurs empressé de contester la réalité de l’appel de Trump.

Un joueur dirait que le chef du Kremlin se hâte de prendre ses gains. Et d’effacer ses pertes.

Chacun pressent que l’on entrera dans une phase « diplomatique » à partir du 20 janvier. Poutine ne s’y opposera sans doute pas, mais il n’aura de cesse d’ici là d’affaiblir son adversaire. Un joueur dirait que le chef du Kremlin se hâte de prendre ses gains. Et d’effacer ses pertes. Il a reçu pour ça le renfort de dix mille soldats nord-coréens qui tentent de reprendre la région de Koursk conquise par les Ukrainiens au mois d’août dernier. La réaction de Joe Biden s’inscrit dans la même logique. « Sleepy Joe », comme l’avait surnommé Trump, s’est brusquement réveillé le 16 novembre, en autorisant l’Ukraine à utiliser les missiles américains de longue portée capables de toucher le sol russe en profondeur. Une décision que Volodymyr Zelensky réclamait depuis des mois. Trop tard, et probablement sans effets réels.

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Les missiles américains pourraient théoriquement permettre à l’Ukraine de conserver l’oblast de Koursk. Une entaille plus que symbolique dans le territoire russe. Une défaite militaire qui avait contraint Moscou à évacuer quelque 120 000 habitants, et qui révèle à l’opinion russe l’âpreté d’une guerre qui ne dit toujours pas son nom. La région conquise, qui représente mille kilomètres carrés, et des villes comme Soudja, et surtout Koursk (plus de 400 000 habitants), pourrait constituer une petite monnaie d’échange dont disposerait Zelensky pour espérer récupérer une partie du Donbass. Quant à la Crimée, « elle n’existe plus », a conclu péremptoirement un conseiller de Trump, un certain Bryan Lanza, à la BBC. Trump s’est tout de même alarmé de la décision de Biden. « Une escalade », a-t-il commenté, faisant bientôt de l’actuel président l’agresseur.

L’imminence du changement de locataire à la Maison Blanche fait aussi bouger les lignes en Europe. L’appel d’Olaf Scholz au président russe, le 15 novembre, enfonce un sérieux coin dans le consensus européen. « Les conversations avec le dictateur russe n’apportent à elles seules aucune valeur ajoutée pour parvenir à une paix juste », a commenté un proche de Zelensky, amateur de litotes. Mais l’appel du chancelier allemand, outre qu’il rompt le boycott diplomatique, témoigne surtout de l’extrême fragilité de l’Europe. Scholz est plus préoccupé par des prochaines élections, qui s’annoncent pour lui catastrophiques, que par l’unité européenne.

C’est aussi ça, Trump ! Il libère le refoulé.

Or, il faut rappeler ici que l’Europe est l’enjeu véritable de la guerre d’Ukraine. Plus qu’un conflit territorial, c’est de l’exportation des valeurs ultra-conservatrices défendues par Poutine dont il s’agit. Des valeurs qui sont aussi celles de Trump. Les deux hommes affichent le même mépris pour le droit international, et le droit tout court. Osons ici un détour par Buenos Aires : que penser encore des valeurs européennes quand on voit les effusions indécentes auxquelles se sont livrés Macron et le trumpiste fascisant, le président argentin Javier Milei ? À Munich, Daladier s’était contenté d’une sobre poignée de mains…

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Bref, rien ne porte à l’optimisme sur la résistance à Trump. N’a-t-on pas entendu un ministre français, Guillaume Kasbarian, se pâmer d’enthousiasme pour le programme d’Elon Musk, chargé de tailler à la hache (ou à la tronçonneuse) dans les dépenses et les services publics ? C’est aussi ça, Trump ! Il libère le refoulé. Au moins tout ce petit monde retrouve son unanimité quand il s’agit de soutenir les bombardements israéliens sur Gaza et le Liban. La chronique des massacres tombe désormais avec la même banale régularité que la météo. Avant même d’appeler Poutine, Trump avait parlé à Netanyahou. Pas besoin d’être grand clerc pour imaginer ce que les deux hommes se sont dit. De Trump, au Proche-Orient, on attend le pire ; de l’Europe, toujours une criminelle indifférence. Et de Sleepy Joe, qu’il se rendorme.

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