« L’élection de Trump tombe à un très mauvais moment pour le climat »

Climatosceptique de longue date, Donald Trump ne fera pas de l’écologie sa priorité. Son obsession est claire : la productivité énergétique américaine basée sur les énergies fossiles.

Vanina Delmas  • 13 novembre 2024 abonné·es
« L’élection de Trump tombe à un très mauvais moment pour le climat »
Lors d’une manifestation contre les combustiles fossile à Washington, le 10 janvier 2020.
© JIM WATSON / AFP

Pour Donald Trump, le changement climatique est un « canular », ou un « concept inventé par les Chinois pour empêcher l’industrie américaine d’être compétitive ». Lors de son premier mandat, il avait abrogé plus de 100 normes environnementales actées sous Barack Obama. Emmanuel Hache, adjoint scientifique et responsable matériaux critiques à l’IFP Énergies nouvelles et directeur de recherche à l’Iris (1), décrypte les risques pour le climat et l’environnement après la réélection du milliardaire.

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Lire l’analyse de l’Observatoire politique et géostratégique des États-Unis : Et si Donald Trump gagnait les prochaines élections américaines ? Anatomie des conséquences énergétiques et climatiques, octobre 2024.

Avec la réélection de Donald Trump, que faut-il redouter pour la lutte contre le changement climatique ?

Emmanuel Hache : Cette élection tombe à un très mauvais moment parce que nous sommes à une période charnière où chaque geste compte. Or l’une des premières décisions de Donald Trump sera de sortir les États-Unis de l’accord de Paris sur le climat, et la suivante sera le démantèlement de l’Agence de protection de l’environnement américaine (EPA). En parallèle, il y aura certainement la levée des taxes sur les émissions de méthane, et sur tout ce qui pourrait paraître comme réglementaire pour la production de pétrole et de gaz. D’un côté, les engagements de neutralité carbone à l’horizon 2050 ne seront plus tenus ; de l’autre, la politique énergétique orientée sur les énergies fossiles va relâcher une quantité importante de gaz à effet de serre (GES).

On peut espérer que certains pays s’engouffreront dans la brèche pour affirmer leur leadership climatique international.

En mars dernier, un rapport du Carbon Brief estimait que le retour de Trump à la présidence engendrerait 4 milliards de tonnes de GES supplémentaires à l’horizon 2030, soit environ les émissions de l’Union européenne et du Japon réunis. Sur le plan international, cela pourrait démotiver d’autres pays producteurs d’hydrocarbures. Certains qui ne représentent que 1 ou 2 % des émissions de GES pourraient se dire que si les États-Unis, deuxième plus gros émetteur mondial, n’agissent pas, pourquoi eux s’engageraient davantage.

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Si on veut être optimiste, on peut espérer que certains pays s’engouffreront dans la brèche pour affirmer leur leadership climatique international, comme la Chine. Sur le plan national, il faut aussi compter sur la résistance et la résilience des État démocrates. Lors du premier mandat de Trump, il y avait eu un vaste mouvement affirmant que la politique environnementale ne se jouait pas à l’échelle fédérale mais au niveau des États, notamment en Californie.

Lors de la Convention républicaine, Donald Trump a clamé le slogan profossiles « drill, baby, drill » [« Fore, chéri, fore »]. Quels sont les principaux objectifs de sa politique énergétique ?

Les États-Unis sont une civilisation thermo-industrielle, donc les énergies fossiles sont le cœur de leurs préoccupations depuis le XXe siècle, et plus particulièrement depuis 1948 lorsqu’ils sont devenus importateurs nets. Ensuite, des tropismes environnementaux se sont plus ou moins développés. À une époque, les Républicains avaient une appétence pour les réglementations environnementales. Mais un glissement anti-environnemental a eu lieu à partir des années 1980 avec Ronald Reagan, puis s’est amplifié avec George W. Bush avec la peur de manquer de pétrole. Au milieu des années 2010, Donald Trump a agité le chiffon environnemental comme un arbitrage économique.

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Nous assistons à un autre glissement en passant de « Drill, baby, drill ! » au concept de domination énergétique : Trump ne veut pas seulement produire, il veut dominer les marchés. Avec sa production pétrolière et gazière, il veut d’abord contrôler en partie les prix, les faire évoluer dans un sens qui lui est favorable. Son rêve est d’avoir des prix faibles en interne et des prix élevés à l’étranger pour qu’il puisse rentabiliser la production et les exportations des entreprises pétrolières américaines.

Ensuite, il veut se servir de la question énergétique comme d’un levier géopolitique. Je ne serais pas étonné qu’il utilise la dépendance européenne aux exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) venant des États-Unis comme moyen de négociation ou de chantage lors de discussions sur d’autres sujets. Par exemple : « Soit vous acceptez plus de produits agricoles américains, soit on vous réduit les exportations de GNL. »

Lors du débat face à Kamala Harris en septembre 2024, Donald Trump a déclaré être « un grand fan du solaire ». Quelle est réellement sa position sur les énergies renouvelables ?

Sa position est assez ambiguë. Suivant son obsession pour les énergies fossiles, il prévoyait de revenir sur l’Inflation Reduction Act (IRA), lancé en 2022 par l’administration Biden, qui est très incitative sur le déploiement des énergies renouvelables et la création d’emplois. Mais ce programme est un moyen d’obtenir des subventions pour les États républicains du sud producteurs d’énergie solaire, comme le Texas. Il est donc possible qu’il le maintienne sous pression de membres du Congrès de son parti.

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Le principal risque avec l’élection de Donald Trump est que nous entrons dans une ère d’instabilité, c’est-à-dire des décisions prises entre la poire et le fromage, selon l’humeur du président. Une volatilité à l’opposé de la nécessaire stabilité pour faire face à l’urgence climatique, et même pour le business ! Exemple flagrant : les véhicules électriques. Pendant trois ans, il a répété que cette transition ne représentait pas le mode de vie américain afin de garder les voix des républicains et des travailleurs du secteur automobile. Mais il a reçu un énorme soutien d’Elon Musk, P.-D.G. de Tesla, donc il commence à changer de discours.

Quelles étaient les différences entre les programmes de Trump et Harris en matière d’écologie ?

Il ne faut pas se leurrer : Kamala Harris n’était pas une anti-fossile. Elle était notamment revenue sur sa position à propos de l’interdiction du « fracking », la fracturation hydraulique qui permet l’extraction des gaz naturels. En revanche, elle aurait maintenu la taxe sur les émissions de méthane ainsi que le gel des nouveaux permis d’exportation de gaz naturel liquéfié, afin de poursuivre la politique de diminution des gaz à effet de serre. Et dans la continuité de Joe Biden, elle aurait certainement renforcé l’IRA avec davantage de subventions aux technologies bas carbone.

Du côté de Donald Trump, il faut s’attendre à ce qu’il appuie là où ça fait mal.

Du côté de Donald Trump, il faut s’attendre à ce qu’il appuie là où ça fait mal, notamment pour les pays européens. Il va inciter à des prix de l’énergie extrêmement bas aux États-Unis pour favoriser le pouvoir d’achat et la relocalisation industrielle aux États-Unis. Pour les Européens, ce sera un danger permanent car cela fera planer des risques de désindustrialisation toujours plus importants pour le Vieux Continent.

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