Aux Invalides, un rassemblement contre « la banalisation des violences sur mineurs »
En parallèle de l’audition de François Bayrou par la commission d’enquête parlementaire, mercredi 14 mai, plusieurs organisations se sont rassemblées aux Invalides, à Paris, pour défendre les enfants victimes de toutes formes de violences et réclamer la démission du Premier ministre.

© Thomas Lefèvre
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Bayrou, l’indignité politique au service du déni Bétharram : les outrances de François Bayrou et les risques du mensonge Bétharram : la prescription en débat« Bétharram et Le Scouarnec cachent une immense forêt. » Ces mots, prononcés par Violette Jean, du collectif Soutien Ciivise, marquent le début d’une série de prises de paroles à l’occasion d’un rassemblement pour réclamer justice pour les enfants victimes de violences et appeler à la démission de François Bayrou. L’émotion est vive et le ton est grave. À Paris, proche de l’Assemblée Nationale où le Premier ministre est auditionné, ce mercredi 14 mai, dans le cadre de l’affaire Bétharram, quelques dizaines de personnes se sont mobilisées à l’appel du collectif féministe NousToutes et du Collectif enfantiste, qui lutte contre les violences faîtes aux enfants.
La préfecture de police de Paris ayant interdit le rassemblement devant l’entrée de l’Assemblée nationale, c’est à quelques dizaines de mètres de là, sur un des parvis de l’esplanade des Invalides et loin des caméras des nombreux journalistes présents devant le bâtiment parlementaire, que s’installent les associations organisatrices à partir de 18h.
Vu l’ampleur et la gravité des faits, il ne devrait même pas y avoir de débat. François Bayrou doit démissionner.
Iola (NousToutes)
En plus des associations déjà citées, Révolution Féministes Versailles et l’association afrocaribéenne LGBTQIA+ Les Diivines ont également pris la parole. Des enseignants, membres de la CGT, de SUD-Education et de FO, sont aussi intervenus pour demander l’abrogation de la loi Debré, qui instaure un système de contrats entre l’État et les écoles privées, et dont Notre-Dame de Bétharram (Pyrénées-Atlantiques) bénéficie. Toutes les structures présentes réclament la démission de François Bayrou pour ses mensonges dans l’affaire Bétharram, révélés par Mediapart.
« Bayrou démission ! »
« On est sidérées de la situation, souffle Iola, de NousToutes. Vu l’ampleur et la gravité des faits, il ne devrait même pas y avoir de débat. François Bayrou doit démissionner pour des questions de dignité et être traduit en justice pour être mis face à ses responsabilités. » Seule personnalité politique à avoir pris la parole lors du rassemblement, la députée La France insoumise, Gabrielle Catala, rejoint ce constat, sous les applaudissements des militant·es. Entre deux discours, le slogan est lancé : « Tu violes, tu dégages. Tu couvres, tu dégages. Tu mens, tu dégages. »
Lucie Langlais-Vignon est comédienne et joue un spectacle pour sensibiliser les enfants au consentement, intitulé Pas touche Minouche. Membre du Collectif enfantiste, elle précise : « Évidemment que l’on réclame la démission de François Bayrou, et il aurait dû avoir la décence de le faire depuis longtemps, mais ce n’est pas vraiment le cœur du sujet. Le vrai problème, c’est que les violences sur mineurs sont complètement banalisées dans notre société. On veut profiter de ce coup de projecteur médiatique pour mettre en lumière ce tabou immense. »
« Il est l’incarnation d’un ancien monde qu’on ne veut plus. De quelqu’un qui fait passer son ambition avant sa responsabilité d’homme politique, et dont les valeurs personnelles ne l’ont pas mobilisé pendant plus de 30 ans », assène Iola. Et d’ajouter : « On est bien conscientes que c’est un système, on assiste à un protectorat malsain entre les politiques, les institutions scolaires et les institutions religieuses. »
80 % des parents déclarent avoir recours aux violences éducatives ordinaires au moins une fois par semaine.
Collectif enfantiste
Tandis que le soleil baisse à l’horizon, la session de discours se clôt. La poignée de journalistes présents quittent la scène, mais le temps clément convainc d’autres soutiens de rester encore un peu. Les militant·es enfilent alors des masques blancs et lisent tour à tour des phrases prononcées par des victimes de Bétharram. En dehors de ces témoignages lus, un silence pesant règne sur l’esplanade. On retrouve un peu de légèreté lorsqu’une chorale entame des chants pour dénoncer la situation à Bétharram notamment.
Un système de domination
Les chiffres données par le Collectif enfantiste, issus du rapport de synthèse de 2023 de Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), sont alarmants. En France, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année. Par ailleurs, « 80 % des parents déclarent avoir recours aux violences éducatives ordinaires au moins une fois par semaine », selon le Collectif Enfantiste. Ces violences peuvent être des fessées ou des gifles par exemple. Comme celle donnée par François Bayrou en 2002, alors candidat à l’élection présidentielle.
Concernant l’infanticide, c’est un enfant tous les cinq jours qui décède sous les coups de ses parents chaque année en France. Néanmoins, Lucie Langlais-Vignon met en garde : « Ce n’est, malheureusement, que la partie émergée de l’iceberg. Les violences les plus graves, comme celles qui ont eu lieu à Bétharram, découlent de l’acceptation des formes de violences physiques ordinaires. C’est tout un système de domination qu’il faut questionner. Dans notre système adultiste, le corps des enfants appartient aux adultes. » L’adultisme désigne justement la domination des adultes sur les enfants. « Une évidence saute aux yeux. Si les personnes impliquées étaient des adultes, personne ne serait resté dans l’indifférence », termine-t-elle.
Les violences sexuelles sont des violences sexuées.
Révolution Féministe Versailles
Quant à la présence de plusieurs collectifs féministes lors de cette mobilisation, une personne de Révolution Féministe Versailles indique : « L’enfance est à l’intersection de toutes nos luttes ». Dans le rapport de la Ciivise, on peut lire ce passage crucial : « Les violences sexuelles sont des violences sexuées. Les agresseurs sont presque toujours, mais pas toujours, de sexe masculin ; les victimes sont en majorité de sexe féminin mais lorsque les victimes sont des enfants, le nombre de victimes de sexe masculin est plus important que parmi les victimes adultes. »
Les solutions politiques
Les associations contre les violences faîtes aux enfants espèrent évidemment un sursaut politique et citoyen. Les solutions existent, puisque la Ciivise, créée par Emmanuel Macron en 2021, a donné 82 préconisations concrètes au gouvernement pour repérer les enfants victimes, améliorer le traitement judiciaire, réparer les victimes et prévenir les violences sexuelles sur mineurs. D’après les associations spécialisées, ces propositions ont été balayées.
Le Collectif enfantiste demande aussi l’imprescriptibilité concernant les violences sexuelles sur mineurs, car « actuellement les victimes ont jusqu’à 30 ans après leur majorité pour porter plainte mais parfois l’amnésie traumatique fait que les victimes s’en rappellent après leur 48 ans. » Mouv’Enfants, une autre association qui lutte contre toutes formes de violences faîtes aux enfants, présidée par Arnaud Gallais, et plusieurs anciens pensionnaires de Bétharram victimes de violences, plaident aussi pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs.
« Nos derniers mots et nos dernières pensées vont évidemment aux victimes, conclut Iola, lors de son discours. On accorde bien trop d’espace médiatique à toutes ces personnes qui se sont mus dans le silence et l’inaction pendant des décennies. » Les militant·es craquent des fumigènes sur l’esplanade et chantent une dernière fois des slogans, quelques minutes avant que tout le monde ne se disperse.
En traversant la rue, on remarque une foule de journalistes de tous les plus grands médias nationaux, attendant patiemment la sortie de François Bayrou devant l’Assemblée Nationale. Sortie qui interviendra aux alentours de 22h30, plus de trois heures après la fin du rassemblement.
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