Congrès du PS : Faure contre Mayer-Rossignol, un duel décisif pour l’avenir de la gauche
Selon les résultats du premier tour du congrès du Parti socialiste, le premier secrétaire sortant affrontera une nouvelle fois le maire de Rouen. Les deux s’opposent sur la stratégie. Le résultat du second tour pourrait éteindre, ou pas, l’espoir de l’union de la gauche en 2027.

© Lily Chavance
Dans le même dossier…
2027 : une primaire et deux candidats de gauche Les primaires sont ce qu’on veut qu’elles soient Primaire de la gauche : « Il faut que ça décolle sinon on va s’emmerder »Le congrès du Parti socialiste (PS) est un cycle sans fin. Tous le répétaient : « Il ne faut pas refaire le match du congrès de Marseille. » Râté. Les militants socialistes ont tranché ce mardi 27 mai : le premier secrétaire sortant, Olivier Faure, affrontera au second tour le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, soutenu par une coalition composée du député de l’Eure Philippe Brun, du très médiatique Karim Bouamrane, de la maire Hélène Geoffroy ou de la présidente de la région Occitanie Carole Delga.
Le député de la Seine-et-Marne face à l’édile de Seine-Maritime : l’affiche est la même qu’au congrès de 2023 où le parti, miné par les tensions et les accusations de triches, avait failli imploser. La commission de recollement, chargée de régler les conflits liés au vote, convoquée le 28 mai, a communiqué les résultats définitifs dans la nuit de mercredi à jeudi : Olivier Faure est arrivé en tête (42,21 %), devant Nicolas Mayer-Rossignol (40,38 %), suivi de Boris Vallaud (17,41 %).
Tout s’est joué dans un mouchoir de poche. Il faut également admettre que le corps électoral de ce vote a été particulièrement faible : sur les 39 815 adhérents, seuls un peu plus de 24 701 d’entre eux ont participé au vote. Pour Olivier Faure, cette situation importe peu. Une victoire reste une victoire. La sienne s’explique notamment grâce à ses scores dans des fédérations importantes comme les Bouches-du-Rhône, la Loire-Atlantique, le Nord, La Réunion ou la Seine-Saint-Denis.
Sur le fond, les différences idéologiques entre Faure et Mayer-Rossignol sont minimes.
Malgré les bons résultats de l’orientation de « NMR » en Occitanie, en Seine-Maritime ou à Paris, l’édile n’est pas arrivé pas à passer devant le patron du parti. « Nicolas Mayer-Rossignol fait des scores importants dans des bastions qui lui sont acquis, où les militants sont dans une logique de féodalité, comme dans l’Hérault ou l’Occitanie. Alors que le score d’Olivier Faure est important dans la plupart des fédérations, ses résultats sont plus homogènes dans le pays », analyse un proche conseiller du premier secrétaire.
Divergence stratégique
Les militants socialistes choisiront donc leur Premier secrétaire lors d’un second vote le 5 juin. Sur le fond, les différences idéologiques entre Faure et Mayer-Rossignol sont minimes. Les textes d’orientation des deux qualifiés mettent en avant leur identité pro-européenne, assument une doctrine social-démocrate, annoncent vouloir réinvestir la question du travail, défendre le modèle social français… Seule différence notable : le texte du Rouennais se pose davantage en défenseur des « valeurs de la République » et des principes d’universalisme et de laïcité contre les « logiques sectaires et séparatistes ».
En revanche, sur la stratégie, les dissensions sont majeures. Si les deux motions annoncent clairement vouloir tourner définitivement la page d’une alliance avec La France insoumise (LFI) pour la prochaine présidentielle, les chemins proposés sont bien différents. Olivier Faure, ouvertement favorable à une primaire, plaide pour le lancement d’une « plateforme de la gauche », allant de François Ruffin à Raphaël Glucksmann. Quant à Nicolas Mayer-Rossignol, il souhaite plutôt bâtir une « fédération de la gauche et des écologistes » en se rapprochant d’abord de Place publique.
Une très grande majorité des militants qui se sont exprimés défendent notre ligne stratégique, celle de l’union de la gauche et des écologistes.
J. Rolland
Sur la forme, les deux candidats parlent donc d’union de la gauche. Mais leurs perspectives s’opposent. Alors que Nicolas Mayer-Rossignol et ses soutiens veulent tout faire pour qu’un socialiste soit le candidat de la gauche, soutenu par un agrégat de partis d’orientation social-démocrate, social-libérale voire centriste, Olivier Faure tient à ce que le périmètre de cette union soit élargi à cette gauche plus radicale incarnée par François Ruffin, Clémentine Autain, Alexis Corbière ou Sandrine Rousseau. De ce fait, le résultat du congrès aura une conséquence notable sur la physionomie de la gauche en 2027.
Majorité ou minorité
Une fois de plus, le PS se retrouve scindé en deux camps. « Une très grande majorité des militants qui se sont exprimés défendent notre ligne stratégique, celle de l’union de la gauche et des écologistes avec une plateforme de Ruffin à Glucksmann, assure toutefois Johanna Rolland, maire de Nantes, numéro deux du parti et proche de Faure. La ligne stratégique est tranchée. La ligne, c’est bien l’union de la gauche et des écologistes. » Nicolas Mayer-Rossignol l’atteste pourtant : « La ligne de la direction sortante est minoritaire. Une majorité dans notre parti souhaite un changement sur le fond et sur la méthode. »
En attendant, les deux camps se posent la même question. Que fera Boris Vallaud ? Se rangera-t-il derrière Olivier Faure ou appellera-t-il à voter pour Nicolas Mayer-Rossignol ? Les soutiens du député des Landes en ont conscience : le report des voix du chef des députés pourrait tout faire basculer.
Cette position de troisième homme lui permet de peser sur la suite. « Aucun bloc ne dispose de la majorité absolue dans nos instances, ce que représente Boris Vallaud sera central dans le fonctionnement du parti dans les prochains mois et dans les prochaines années », avance Alexandre Ouizille, sénateur de l’Oise et proche de Vallaud. « Il va peut-être se faire désirer », commente un proche d’Olivier Faure.
Boris Vallaud, troisième homme
Dans les équipes de Mayer-Rossignol comme de Faure, on multiplie les appels du pied à Boris Vallaud. « Nous appelons à faire synthèse avec Boris Vallaud. Nous sommes d’accord avec lui sur la ligne stratégique et sur le fonctionnement du parti, estime Philippe Brun. Boris Vallaud est un ami, j’ai mené avec lui de nombreux combats, notamment aux côtés d’Arnaud Montebourg. Je sais quelles sont nos convergences. »
Au contraire, Pierre Jouvet, bras droit du premier secrétaire du parti, considère que Boris Vallaud devrait logiquement rejoindre son ancien camp. Simple question de cohérence politique, selon lui. « Boris Vallaud partage notre orientation, certifie l’eurodéputé. Cela fait sept années qu’il est à nos côtés, il a construit la ligne stratégique que nous portons. Et cette ligne a été validée par les militants. »
« Les garanties vont lui être données sur la méthode et la représentation des siens dans la direction », promet un stratège fauriste. Olivier Faure pourrait alors accéder aux propositions du député des Landes : la création d’un média socialiste sur le modèle du journal Le Populaire du 20e siècle, le lancement d’une académie « Léon Blum » qui aura pour ambition de former les militants et d’être un pôle de production idéologique. Mais surtout, les soutiens d’Olivier Faure envisagent déjà une direction commune avec le Landais. Dans le camp de Nicolas Mayer-Rossignol, on évoque plus clairement l’idée d’une direction « collégiale ».
Olivier Faure a construit la ligne stratégique que nous portons. Et cette ligne a été validée par les militants.
P. Jouvet
« Il n’y a pas un millimètre d’écart entre notre ligne et celle de Boris Vallaud », jure néanmoins Johanna Rolland. Dans les faits, le texte d’orientation de Boris Vallaud partage le même périmètre de l’union de la gauche que la motion d’Olivier Faure. « Nous voulons une candidature commune de la gauche, de Raphaël Glucksmann à François Ruffin, seul chemin pour gagner face à l’extrême droite au premier tour », écrit-il dans la vingtaine de pages qui composent sa motion.
Néanmoins, le député des Landes estime que les socialistes doivent d’abord désigner leur candidat dans leurs rangs avant de « se tourner vers le reste de la gauche, les écologistes et les forces vives de la société civile ». Une démarche qui ressemble plutôt à la volonté d’affirmation socialiste des anti-Faure. La synthèse est encore à trouver. A moins que Boris Vallaud ne se mure dans le silence afin de conserver une autonomie politique tout en évitant de participer à une éventuelle scission du parti.
Dans le camp Faure, on commence déjà à penser à l’après. « Le congrès se simplifie : c’est Olivier Faure ou le retour d’une ligne politique proche de François Hollande », résume un conseiller fauriste. « Ce résultat, c’est un échec de la stratégie anti-Faure. Cet échec doit permettre de passer à la suite », annonce Pierre Jouvet. La maire de Vaulx-en-Velin (Rhône), Hélène Geoffroy, y croit encore : « Cela fait trois congrès que la ligne d’Olivier ne cesse de s’effriter. Aujourd’hui, elle est minoritaire. C’est une inversion des courbes : celle d’Olivier Faure diminue quand la notre progresse. »
En effet, Olivier Faure perd des voix par rapport au congrès de 2023 et sa force au sein du conseil national recule. Pour rêver de prendre de l’espace aux yeux des militants socialistes, Nicolas Mayer-Rossignol l’appelle à débattre à la télé ou ailleurs : « Qui a peur du débat ? Un grand parti doit avoir des débats. » Tentative désespérée de renverser le match ?
Pour aller plus loin…

2027 : une primaire et deux candidats de gauche

Les primaires sont ce qu’on veut qu’elles soient

De l’Assemblée aux salles de classe : la délicate définition de l’antisémitisme
