Nouveaux OGM : fausses promesses, vrais risques et précipitation coupable
Ce 6 mai, la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’UE se réunissent pour examiner un projet de règlement qui exempterait la quasi-totalité des nouveaux OGM des règles qui les encadrent. Alors que l’étape finale des négociations commence, des organisations françaises alertent contre les dangers d’un tel texte pour l’agriculture et l’alimentation.

© Emmanuel Dunand / AFP
Le projet de règlement sur les plantes issues des nouvelles techniques génomiques (NTG), appelées nouveaux OGM, exempte – sans raison valable – la quasi-totalité de ces derniers des règles qui encadrent aujourd’hui les OGM (1) dans l’Union européenne. L’étape finale des négociations débute le 6 mai alors qu’il n’y a aucune urgence à valider un compromis bancal et risqué.
Les OGM sont des organismes (bactériens, végétaux ou animaux) « dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement », selon la directive européenne 2001/18/CE.
Nous, associations et organisations représentant des citoyens, paysans et acteurs du secteur agricole et alimentaire français, alertons depuis des années sur les conséquences graves et irréversibles de ce texte pour les agriculteurs et agricultrices, les semenciers, les opérateurs des filières sans OGM dont la filière biologique, les consommateurs et consommatrices, et l’environnement.
Les brevets revendiqués par les multinationales de l’agro-industrie auront des impacts sur l’ensemble de la chaîne agricole.
Nos interrogations et inquiétudes n’ont à ce jour reçu aucune réponse satisfaisante de la part du gouvernement français et des institutions européennes. Les enjeux sont pourtant nombreux et décisifs : impact des brevets sur la filière agricole et la souveraineté alimentaire, évaluation des risques, retrait des produits en cas de dommages sanitaires ou environnementaux, répartition des responsabilités et coûts liés à ces retraits, droit à l’information et liberté de choix pour les citoyens et citoyennes, droit de produire sans OGM, protection des filières sans OGM et biologiques… pour n’en citer qu’une poignée.
Malgré nos alertes répétées, la France a voté en faveur d’une proposition de règlement, le 14 mars dernier, qui ne résout aucun des ces problèmes. Ces considérations techniques tronquées cachent un choix éminemment économique, et un choix de société : confier le contrôle de toute la chaîne alimentaire aux brevets d’une poignée de multinationales « biotech » au détriment des paysans, des semenciers traditionnels, des consommateurs et de l’environnement. Alors que de nombreux agriculteurs et citoyens s’y opposent et que leur avis n’est pas pris en compte, nous rappelons au gouvernement et aux institutions européennes que leur décision engage leur pleine responsabilité dans la mise à mal de l’agriculture française et européenne.
Brevets : agriculteurs et semenciers en danger, menace pour la souveraineté alimentaire
La question épineuse des brevets constitue un point central des négociations, et aucune réponse suffisante n’y a été apportée. Or, les brevets revendiqués par les multinationales de l’agro-industrie auront des impacts significatifs sur l’ensemble des acteurs de la chaîne agricole.
Alors que les végétaux obtenus par les NTG sont – abusivement – déclarés semblables à ceux qui pourraient être obtenus naturellement ou aux plantes issues de sélection traditionnelle non brevetables, ils sont en effet brevetés. Et en l’absence d’obligation de publication des méthodes de détection et d’identification de ces nouveaux OGM brevetés, comme l’exige pourtant la directive 2001/18, ils contamineront la filière agroalimentaire et lui feront courir des risques majeurs :
– L’impact sur l’intégrité des filières sans OGM et biologique qui ne pourront plus garantir l’absence d’OGM ;
– L’extension de la portée des brevets aux semences paysannes ou conventionnelles contaminées par un gène breveté par un procédé NTG ou contenant naturellement un gène abusivement déclaré semblable à ce gène breveté ;
– L’incertitude juridique pour les agriculteurs, sélectionneurs, transformateurs, et distributeurs qui n’auront aucun moyen de savoir s’ils ont utilisé ou commercialisé des gènes brevetés pouvant entraîner des poursuites judiciaires et menaçant la poursuite de leur activité ;
– La perte de diversité dans l’offre alimentaire proposée aux citoyens, et la fin de leur liberté de choix du fait de l’absence d’étiquetage ;
– La réduction de la biodiversité cultivée et les déséquilibres écologiques liés à la dissémination incontrôlée de ces “nouveaux” OGM dans l’environnement ;
– La perte de souveraineté alimentaire via le renforcement de l’emprise déjà étouffante des multinationales sur nos systèmes agroalimentaires.
À en croire les firmes, les NTG produiraient des plantes « durables ». Ces allégations sont fallacieuses.
Malgré cela, l’UE accélère le pas pour faire adopter ce règlement, et cette précipitation coupable se fait au nom de fausses promesses que les nouveaux OGM ne pourront pas plus tenir que leurs prédécesseurs.
Nouveaux OGM, anciennes promesses non tenues
À en croire les firmes, les NTG produiraient des plantes « durables ». Ces allégations sont fallacieuses. La capacité des NTG à obtenir de telles plantes n’est qu’une promesse : associées à une agriculture industrielle, elles contribueront à amplifier les crises agricole et écologique actuelles.
Surtout, aucune plante ne peut être durable en tant que telle. Seule la globalité d’un système agricole peut présenter une certaine durabilité, reposant sur des facteurs diversifiés sur lesquels les manipulations génétiques n’ont aucune prise : pratiques agricoles, conditions climatiques locales, qualité du sol, présence de pollinisateurs, biodiversité…
En revanche, nous bénéficions d’un recul de 30 ans sur les fausses promesses de l’industrie concernant les premiers OGM : 99 % d’entre eux ont été créés pour résister – de moins en moins d’ailleurs – à des herbicides et donc en utiliser de plus en plus, ou produire des insecticides. C’est la preuve qu’ils ne sont pas durables. D’ailleurs, une part non négligeable des rares plantes issues des NTG commercialisées ou arrivant prochainement sur le marché sont tolérantes à un herbicide.
S’il est assez évident de savoir qui va bénéficier de l’adoption de ce règlement, d’autres questions méritent d’être posées. Qui paiera ? Qui assumera les conséquences sociales, économiques et environnementales ? Ce ne sera ni la Commission européenne, ni les entreprises qui commercialisent ces produits, mais bien les paysans, les petits semenciers, les consommateurs, les contribuables, et l’environnement.
Le trilogue – étape finale des négociations – s’apprête à commencer le 6 mai 2025. Tant que les risques évoqués n’auront pas été traités, nous demanderons aux institutions européennes de maintenir les dispositifs indispensables à la protection des agriculteurs, filières, citoyens et de l’environnement : évaluation des risques au préalable, traçabilité et étiquetage jusqu’au consommateur, obligation de publier les méthodes de détection et d’identification, clause de sauvegarde, suivi post-commercialisation.
Signataires
- Agir pour l’environnement : Marie-Jeanne Husset, Présidente
- Alternatiba Rennes : Lucie Morel, Membre
- Amis de la Terre France : Christian Berdot, Responsable campagne OGM
- Aspro Pnpp : J-François Lyphout, Président
- Bio Consom’acteurs : Julien Kien, Président
- Collectif Objectif Zéro OGM : Philippe Mouchette, Porte-parole
- Collectif Vigilance OGM et Pesticides 16 : Patrick Rivolet, Porte-parole
- Confédération paysanne : Laurence Marandola, Porte-parole
- CSFV49 : Pierre Josse, Co-responsable
- Demeter France : Pierre Mainaud, Président
- Fédération Nature & Progrès : Bruno Viennois, Porte-parole
- Foll’avoine : Mireille Lambertin, Présidente
- France Nature Environnement : Antoine Gatet, Président
- Générations Futures : Nadine Lauverjat, Déléguée Générale
- IFOAM-France : Jacques Caplat, Président
- Mouvement de l’Agriculture Biodynamique (MBAD) : Patrick Lespagnol, Président
- OGM Dangers : Olivier Leduc, Porte-parole
- Objectif Zéro OGM (OZO) : Philippe Mouchette, membre du Conseil d’administration
- POLLINIS : Nicolas Laarman, Délégué général
- Réseau Semences Paysannes : Nicolas Supiot, co-président et référent OGM
- Synabio : Didier Perréol, Président
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