« Les enfants palestiniens ne sont-ils pas des enfants ? »
L’Assemblée pour des soins antiracistes et populaires, dans une lettre ouverte, demande à la Société française de pédiatrie de faire pression sur les autorités françaises afin d’obtenir une action diplomatique internationale auprès du gouvernement israélien.

© Maxime Sirvins
Nous, l’Assemblée pour des soins antiracistes et populaires, sommes persuadés que nous avons une responsabilité collective face à ce qui se passe en Palestine. Bien que nous aspirions à une société où le pouvoir est à la base, l’urgence du génocide à Gaza nous pousse à mettre la pression pour obtenir une action diplomatique internationale sur le gouvernement israélien. Le silence des sociétés savantes françaises médicales sur le sujet nous alarme. À travers la lettre ouverte ci-dessous, nous les rappelons à leur responsabilité. Devant la catastrophe que représente la stratégie génocidaire israélienne pour les enfants gazaouis, nous pointons du doigt en particulier la Société française de pédiatrie dans cette lettre ouverte.
Lettre ouverte à la Société française de pédiatrie.
Nous, soignantes et soignants, usagères et usagers, parents, citoyens et citoyennes, appelons la Société française de pédiatrie à sortir de son silence.
Oxfam alertait en septembre 2024 sur les proportions horrifiques du nombre de morts civiles causées par l’offensive de l’armée israélienne à Gaza : 6 000 femmes et 11 000 enfants en une année. Ces chiffres effroyables doivent être partagés, bien que nous déplorions qu’ils invisibilisent et donc participent à déshumaniser, les hommes palestiniens.
La catastrophe ne fait que s’aggraver depuis : en mai 2025, plus de 20 000 enfants seraient morts depuis le début du conflit.
20 000 enfants tués directement par les armes de l’armée israélienne : certains sous les décombres de leurs habitations, d’autres brûlés vifs, ou encore dans les hôpitaux bombardés bien que remplis de patients malades. Le chirurgien américain Mark Perlmutter, qui était à Gaza en avril 2024, décrit comment il a été confronté à des corps d’enfants décédés d’une balle dans la tête. Ces observations, confirmées par d’autres soignants sur place, ne laissent pas de doute sur le fait que des enfants aient été ciblés spécifiquement par des snipers israéliens.
Que l’on parle de génocide, nettoyage ethnique ou de massacre, il ne fait aucun doute que les enfants palestiniens sont ciblés.
Les mots semblent trop faibles pour décrire ce qui se passe à Gaza, mais la communauté internationale semble arriver progressivement à un constat : nous assistons en direct à un génocide.
La rapporteuse spéciale de l’ONU sur les territoires palestiniens occupés parle de génocide, Amnesty international parle de génocide, la Cour pénale internationale de justice disait déjà craindre, en janvier 2025, un génocide. Les autorités israéliennes elles-mêmes parlent désormais de la « conquête de la bande de Gaza » et du déplacement « volontaire » de l’ensemble de la population palestinienne. Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, a annoncé que la bande de Gaza « sera[it] complètement détruite ».
Que l’on parle de génocide, nettoyage ethnique ou de massacre, il ne fait aucun doute que les enfants palestiniens sont ciblés. Si elles et ils ne meurent pas sous les bombes, elles et ils mourront de faim ou de maladie. Tom Fletcher, coordonnateur des secours d’urgence à l’ONU annonçait, le 20 mai 2025, la mort de 14 000 nourrissons dans les 48 heures si l’aide humanitaire continuait d’être bloquée par le gouvernement israélien.
Plus que jamais, l’expression « Pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles » (1) prend tout son sens.
Walter Benjamin.
Si la Société française de pédiatrie ne se positionne pas, l’histoire la jugera comme complice. Elle a le devoir moral et la capacité d’agir. En 2020, pendant le covid, elle s’est positionnée publiquement pour le bien-être des enfants français concernant leur retour à l’école. En 2025, elle publiait un texte de quatre pages sur le temps d’écran des moins de six ans.
Elle a consacré en tout est pour tout quatre lignes pour les enfants victimes du « conflit israélo-palestinien » en 2023.
Le massacre d’enfants est-il moins important que la surexposition aux écrans ?
Les enfants palestiniens ne sont-ils pas des enfants ?
Nous demandons à la Société française de pédiatrie, ainsi qu’à toutes les sociétés savantes de professionnels de la périnatalité, de se positionner et de faire pression auprès du gouvernement français afin d’appuyer ces revendications de l’Unicef :
- La protection inconditionnelle des enfants ;
- La protection inconditionnelle des lieux de soins et des professionnelles qui y travaillent dans des conditions désastreuses ;
- L’entrée immédiate de l’aide humanitaire, sans laquelle des milliers d’enfants mourront à très court terme ;
- L’accueil d’enfants palestiniens malades en France pour recevoir des soins, comme annoncé par le gouvernement français en 2024. En janvier 2025, seulement six enfants avaient été pris en charge ;
- Un cessez-le-feu permanent à Gaza.
Ce texte émane de l’Assemblée pour des soins antiracistes et populaires (ASAP). L’ASAP est un collectif de travailleur·ses et usager·es du soin, souhaitant lutter et s’organiser contre le racisme en santé. Pour signer le texte, le lien est ici.
Signataires
- Sonia Barnat
- Nadhéra Beletreche
- Laila Benderra
- Béatrice Bernard, artiste
- Philippe Bois, médecin
- Caroline Bouxaguet, psychologue
- Guillaume Carles, pédiatre
- Jeanine Carrasco, soignante, syndicaliste
- Magali Ciquet, interne en pediatrie
- Victor Dragos, artiste
- Andrés Gualotuna Suarez, sage-femme
- Sakina Issad
- Lucile Jaubert, infirmière
- Ikram Jrad
- Kérina
- Gerald Laforest, cardiopédiatre
- Delphine Latil, artiste, collectif enfantiste
- Jalel Malek Hamza, pédiatre, assemblée pour des soins antiracistes et populaires
- Shiraz Mansouri, externe
- Julie Marin, pédiatre
- Bettina Moreau
- Florence Morel, infirmière
- Hannane Mouhim Escaffre, infirmière et militante antiraciste, est également co-réalisatrice du podcast ‘sous/condition‘
- Nadjet Ledraa, pneumologue
- Yélian Ouankpo
- Raphaël Pitti, médecin humanitaire, président de husome (humanité, solidarité, médecine)
- Anaelle Rousseau, pédiatre
- Basile Saulpic, externe
- Aïda Sebaa, neuropsychologue
- Xie Sophie, médecin
- Tona Tchoubou, médecin hospitalier
- Tham Lan
- Aurélie-Anne Thos, infirmière
- Myriam Toribio, sage-femme, conseil départemental de la Seine-Saint-Denis
- Sandrine Toribio, médecin de PMI
- Camille Vérité, interne de psychiatrie
Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
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