« Ingénieur et marin, je n’arrivais plus à rester passif par rapport à Gaza »
Avec des député·es, du personnel médical et des journalistes, Ange est à bord du Handala afin de briser le blocus illégal de Gaza imposé par l’armée israélienne et d’apporter de l’aide humanitaire.

© Giovanni ISOLINO / AFP
On a passé le sud de la Crète dans la nuit, on est actuellement au nord de l’Égypte. On est à environ deux jours de navigation de la zone où a été intercepté le Madleen [bateau de la Freedom Flotilla, ou flottille de la liberté, où se trouvaient notamment Rima Hassan et Greta Thunberg, N.D.L.R.].
Notre quotidien tourne autour de trois priorités : faire en sorte que le bateau fonctionne et puisse arriver à bon port, amplifier médiatiquement les horreurs qui se passe dans la bande de Gaza et préparer les différents scénarios auxquels nous pourrions être confrontés.
On se prépare à une possible interception illégale de l’armée israélienne, comme ça a été le cas avec le Madleen. Il y aussi une possibilité que l’on arrive jusqu’à Gaza, scénario auquel nous nous préparons aussi : si on arrive à briser le blocus illégal d’Israël, ce serait une victoire historique. La Freedom Flotilla est un mouvement qui date de 2010. On est le 37e bateau à partir. Et certainement pas le dernier. S’il y a interception, il faut que ce soit le plus pacifique possible pour éviter les incidents. 9 militants de la Freedom Flotilla ont été tués par Israël en 2010.
À bord du bateau, je suis ingénieur et marin à bord du Handala. Je fais en sorte que techniquement le bateau puisse arriver jusqu’à, on l’espère, la bande de Gaza. Notre but est de délivrer l’aide humanitaire que l’on transporte. J’ai toujours été sensible à la cause palestinienne et ce qui se passe là-bas depuis plusieurs décennies.
On observe ce qu’il se passe, impuissants. Je n’arrive plus à rester passif.
Depuis le début du blocus maritime en 2006, aucun bateau ne peut passer pour délivrer de l’aide humanitaire. Ça me parait inimaginable. J’ai été choqué lorsque les drones israéliens ont bombardé le Conscious qui apportait de l’aide humanitaire à Gaza. Les forces israéliennes ont attaqué ce bateau sur le territoire maritime maltais, très éloigné de leur propre territoire pour empêcher de délivrer de l’aide humanitaire. On n’en a pas assez parlé.
Avec le Madleen, je n’arrivais plus à rester silencieux et passif par rapport à la situation à Gaza. Je voulais utiliser mes compétences techniques pour pouvoir essayer de faire quelque chose par rapport au génocide du peuple palestinien par l’armée israélienne. On se pose souvent la question sur la raison pour laquelle la Shoah avait pu avoir lieu et pourquoi les gens avaient été passifs face au massacre. Aujourd’hui, on fait face à une situation similaire. On observe ce qu’il se passe, impuissants. Je n’arrive plus à rester passif face à cette injustice.
Un moment comme la Freedom Flotilla permet à des personnes ordinaires, comme moi, comme n’importe qui, de venir participer, d’aider. Que ce soit sur les bateaux ou à terre pour briser le siège illégal d’Israël sur la bande de Gaza. Et remettre un coup de projecteur sur la situation là-bas.
On parle de plus de 1 000 morts lors des distributions alimentaires, une grande partie de la population palestinienne risque de mourir de la famine. On a tous vu les photos des enfants qui meurent littéralement de faim sur place.
C’est mon humanité qui me pousse à agir dans ce sens-là. On a tous un levier d’action pour réussir à faire quelque chose là où nos États sont complices. C’est mon devoir d’être humain. J’étais sur un bateau de Sea Shepherd pendant 9 mois. L’univers des ONG dans le milieu maritime est assez petit.
On se prépare à une possible interception illégale de l’armée israélienne.
C’est un ami capitaine sur l’un de ces bateaux, assez proche de la Madleen, qui m’a dit qu’ils cherchaient quelqu’un pour être ingénieur sur cette mission là. Je n’ai pas hésité une seule seconde. Dans l’équipage, on est 21 originaires de 10 pays différents dont 2 journalistes. Il y a beaucoup de personnes juives ou d’origine palestinienne à bord, qui veulent porter un message de paix. On est en contact avec des personnes dans la bande de Gaza pour connaître la situation et en parler, pour diriger les yeux du monde vers ce qui se passe dans la bande de Gaza aujourd’hui.
Tout le monde a un rôle à jouer dans ce qui se passe aujourd’hui. On a tous des réseaux sociaux, des amis, de la famille à sensibiliser. Plus l’opinion publique s’emparera de ce sujet, plus on pourra mettre une pression sur le gouvernement pour arrêter le massacre d’une population entière.
Pour suivre en direct la position du Handala, cliquez sur ce lien.
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