Les gauches, (toujours) condamnées à s’entendre
Il y a aujourd’hui deux gauches qui cohabitent plus qu’elles ne se côtoient.La question n’est pas de les opposer à l’infini, mais de savoir comment elles peuvent faire front commun sans renier ce qui les distingue.

© Maxime Sirvins
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PS, PCF, écolos, LFI… Pourquoi tant de haine ? Gauches, quel chemin ? Guetté, Chatelain et Kanner répondentNous userons de ce titre autant de fois qu’il le faudra. Condamnés à s’entendre : non pas par confort ou nostalgie, mais par nécessité politique. Parce qu’il sonne juste. Parce qu’il dit l’urgence. À l’heure où les gauches françaises s’écharpent sur l’Europe, l’international, la laïcité, l’écologie, la police, les retraites ou le travail, nous avons choisi de ne pas esquiver les désaccords. Ce dossier en dresse le tableau : sept lignes de fracture, sept débats majeurs, parfois explosifs. Le constat est rude, parfois décourageant. Mais rien d’irrémédiable.
Oui, il y a des divergences. Réelles, profondes, parfois inconciliables. Il y a aujourd’hui deux gauches qui cohabitent plus qu’elles ne se côtoient. D’un côté, une gauche radicale, ancrée dans la critique du capitalisme, qui revendique une transformation en profondeur des structures sociales, économiques et politiques. Elle refuse les compromis, jugés synonymes de renoncements, assume la conflictualité comme moteur du changement, et porte une vision de rupture face à un ordre qu’elle juge injuste et épuisé.
De l’autre, une gauche sociale-démocrate, en reconstruction, qui cherche à réinventer un réformisme à la hauteur des urgences contemporaines. Elle défend le dialogue social, les équilibres institutionnels, et s’ouvre à des compromis qu’elle estime nécessaires pour gouverner et faire progresser concrètement les droits. L’une vise le basculement, l’autre l’aménagement. Mais toutes deux se revendiquent de la justice sociale et de l’écologie, et plaident pour la refonte de nos règles du jeu institutionnel.
La question n’est donc pas de les opposer à l’infini, mais de savoir comment elles peuvent faire front commun sans renier ce qui les distingue. Ces gauches-là ont toujours existé. Leur poids a fluctué. L’une a toujours dominé l’autre. Mais pour gagner, pour prendre le pouvoir, l’une n’a jamais fait sans l’autre.
Les gauches irréconciliables n’existent que dans le discours de ceux qui se résignent à voir la droite et l’extrême droite gagner.
Ceux qui prétendent aujourd’hui que l’une est incompatible avec l’autre sont irresponsables. Car les gauches irréconciliables n’existent que dans le discours de ceux qui se résignent à voir la droite et l’extrême droite gagner. À l’approche des municipales, les électeurs ne demandent pas à la gauche de s’entendre sur tout. Ils attendent qu’elle soit utile. Qu’elle agisse. Qu’elle propose. Qu’elle innove. Qu’elle transforme.
Les sondages le confirment : aucune force de gauche ne peut espérer l’emporter seule, ni dans les métropoles ni dans les périphéries. Encore moins dans les campagnes. Chaque division alimente la victoire des autres. Et chaque défaite locale annonce un recul national. Un revers en 2026 serait plus qu’un coup d’arrêt : ce serait un marchepied offert à la droite et à l’extrême droite pour 2027.
L’heure n’est donc plus à choisir entre pureté idéologique et efficacité électorale, mais à tracer un chemin vers la victoire. Car l’alternative n’est pas union ou débat. L’alternative, c’est responsabilité ou défaite. Alors oui, la gauche est condamnée à s’entendre. Non par fatalisme, mais par lucidité. Parce qu’elle seule peut encore empêcher l’installation durable d’un pouvoir autoritaire, liberticide. Il est temps de construire, pas de ressasser. De converger, pas de s’excuser. Et peut-être, enfin, de démontrer que, dans ce pays, la gauche peut encore gagner. Parce que c’est possible !
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