La France, au centre de la montée des violences d’extrême droite en Europe
Un rapport universitaire revenant sur plus de 30 ans de violences d’extrême droite montre qu’elles sont perceptibles dans tous les pays d’Europe de l’Ouest. En France, cette radicalité se renforce au point de placer le pays au deuxième rang des agressions d’extrême droite en 2023.

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Le racisme n’est plus une dérive : c’est un projet politique En Espagne, l’extrême droite choisit la violenceLe RTV Trend Report 2024, publié par le Centre de recherche sur l’extrémisme (C-REX) de l’université d’Oslo, dresse l’état des violences d’extrême droite en Europe de l’Ouest depuis 1990. L’année 2023 a été marquée par une seule attaque mortelle et « une stabilité » des violences dans plusieurs pays. Mais en France, les violences ont explosé.
Une radicalité française en pleine accélération
Avec 83 attaques non-mortelles recensées sur l’année, ayant causé au moins 115 blessés graves, le phénomène est massif. Il recouvre un spectre large de violences : agressions physiques à coups de barres de fer, attaques à l’arme blanche, cocktails Molotov, parfois même recours à des explosifs artisanaux. L’Allemagne, le Royaume-Uni et la Grèce, longtemps en tête des violences d’ultradroite, enregistrent une légère accalmie.
En France, à rebours de cette tendance, la progression est radicale : 21 attaques ont été recensées rien qu’en 2023, contre une moyenne de six par an sur la décennie écoulée. Le pays devient ainsi le deuxième le plus touché en Europe, juste derrière l’Allemagne. « La montée électorale de partis d’extrême droite comme le Rassemblement national, combinée à la position ambiguë de personnalités influentes de l’extrême droite comme Éric Zemmour sur la violence, semble encourager les acteurs d’extrême droite », soulève le rapport norvégien.
Des agressions ciblées et coordonnées
Cette poussée s’inscrit dans un contexte de radicalisation structurelle. À Paris, Lyon, Nantes et Angers et ailleurs, les cibles sont identifiées. Étudiants, militants antifascistes, personnes perçues comme immigrées ou musulmanes deviennent les premières victimes. En mai 2023, à Tours, un lycéen de 17 ans attaque le centre LGBT local à l’aide d’un explosif artisanal à base d’acide.
Mais « les violences racistes, notamment contre les musulmans et les personnes d’origine arabe, restent les plus courantes », notent les chercheurs. Quelques semaines après l’attentat à Tours, à Romans-sur-Isère, la mort de Thomas P., poignardé lors d’une fête de village, est instrumentalisée par l’extrême droite : une ratonnade visant les habitants d’un quartier populaire est menée dans un climat de haine raciale.
L’ombre d’un terrorisme d’extrême droite organisé
Ces violences de rue ne sont que la partie émergée d’une menace plus profonde. Le procès de la cellule clandestine Action des forces opérationnelles (AFO), ouvert en juin 2025, est venu rappeler la réalité d’un terrorisme d’extrême droite désormais bien implanté. Ce groupe, structuré en sections régionales, comptait plus de cent membres répartis dans une soixantaine de départements. Ses membres, dont d’anciens militaires, sont accusés d’avoir envisagé l’assassinat d’imams, l’empoisonnement de produits halal et la réalisation d’attentats contre des lieux de culte. Leur organisation, leur capacité à s’armer et à manipuler des explosifs, ont alerté les services de renseignement dès 2017.
Depuis cette date, près de vingt projets d’attentats d’extrême droite ont été déjoués en France. Certains visaient des personnalités politiques comme Jean-Luc Mélenchon. D’autres ciblaient des mosquées, des synagogues, ou prévoyaient l’utilisation de techniques empruntées au terrorisme djihadiste. La DGSI parle aujourd’hui d’une mouvance en « montée en puissance », dotée de capacités logistiques et d’un discours de plus en plus ouvertement insurrectionnel.
D’après le rapport, la France est le seul pays où les violences préméditées et perpétrées viennent majoritairement de groupes organisés plus que d’acteurs solitaires. Selon les données d’Europol, 118 personnes ont été arrêtées en France en dix ans pour crime lié au terrorisme d’extrême droite.
Une menace enracinée dans le paysage français
Le danger est donc double : d’une part, une violence de rue, directe et brutale, qui ne cesse de gagner du terrain et d’autre part, une extrême droite souterraine, radicalisée et structurée, pleinement préparée à recourir à la violence armée. Toutes ces attaques se déroulent dans un contexte politique où les discours de haine sont rarement contestés, et parfois même acceptés sans réaction. Par exemple, le procès AFO n’a provoqué ni débat public ni réaction politique d’ampleur.
L’extrême droite en France ne se cache plus. Elle se structure, se légitime et s’arme. Plus récemment, en février 2025, une trentaine de militants d’extrême droite ont attaqué l’organisation de jeunesse kurde Young Struggle à Paris. Le 25 avril 2025, Aboubakar Cissé, un jeune musulman de 22 ans, est poignardé à mort dans une mosquée à La Grand-Combe, dans le Gard : il a reçu 57 coups de couteau. Le 31 mai 2025, à Puget‑sur‑Argens, un homme d’origine tunisienne, Hichem M., est abattu de cinq balles devant son salon de coiffure par son voisin, un militant d’extrême droite, dans une attaque raciste classée comme « terroriste ».
Le constat posé par le rapport de l’université d’Oslo est conforté par l’actualité : la France est désormais à l’avant-garde des violences d’extrême droite.
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