« Une escorte mondiale de la flottille serait un symbole très fort »

Prune Missoffe est à bord du Spectre, l’un des 51 bateaux que compte la Global Sumud Flotilla. Son embarcation fait partie de celles qui ont été visées par une attaque sans précédent de la part d’Israël, dans la nuit du 23 au 24 septembre.

Hugo Boursier  • 27 septembre 2025 abonné·es
« Une escorte mondiale de la flottille serait un symbole très fort »
Les membres de la Global Sumud Flotilla à destination de Gaza sont amarrés près de la petite île de Koufonisi, au sud de la Crète, le 26 septembre 2025.
© Eleftherios ELIS / AFP

Dans la nuit du 23 au 24 septembre, Israël a projeté des drones et des grenades assourdissantes sur quatorze des 51 bateaux que compte la Global Sumud Flotilla. Prune Missoffe, militante des droits humains, est à bord de l’un d’entre eux. Elle revient sur cette attaque d’une violence inédite. La flottille, qui navigue pacifiquement vers la bande de Gaza afin de briser le blocus humanitaire opéré par Ie gouvernement israélien, s’apprête, ce samedi 27 septembre, à quitter les côtes crétoises.

Vous quittez la Crète et regagnez les eaux internationales, ce samedi 27 septembre, en direction de la bande de Gaza. Comment appréhendez-vous la suite ?

Prune Missoffe : Si l’on en croit les annonces des représentant·e·s israélien·ne·s, il y aura un risque d’attaque renforcé. La force a déjà été utilisée contre nous dans les eaux tunisiennes, et tout dernièrement dans la nuit du 23 au 24 septembre. Cette dernière attaque a visé plus de dix bateaux de la flottille, et il est difficile de savoir si elle avait un objectif dissuasif ou destructeur. Certains gouvernements exercent aussi des pressions sur leurs ressortissant·e·s de la flottille, signalant un risque très élevé et demandant que ces gouvernements viennent nous protéger !

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Comment avez-vous vécu ces attaques ?

Personnellement, je ne m’attendais pas à une attaque de cette envergure aussi tôt dans la traversée. Nous voyions des drones se rapprocher de nous, et nous avons très vite reçu une alarme générale après les premières attaques touchant d’autres bateaux de la flottille. Tous se sont réveillés et se sont réunis dans le salon, au calme, lumières éteintes, pour permettre aux équipages de naviguer le plus sereinement possible et afin que la flottille se compacte pour éviter qu’un navire soit isolé.

La réponse du gouvernement français est insuffisante, si ce n’est inexistante.

Notre bateau, Le Spectre, a été touché à la toute fin de la série d’attaques, par trois explosions d’affilée, heureusement sans dégâts. Au total, quatorze navires ont été touchés. Si notre bateau est assez gros, d’autres sont bien plus vulnérables. La voile principale d’un de nos voiliers a été déchirée en deux. Si la mer est hostile, ce type d’attaques peut être extrêmement dangereux pour les petits bateaux.

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Pour répondre à votre question, je crois que cela renforce vraiment la détermination de tout l’équipage. Si l’on est attaqué, c’est que l’on se rapproche de l’objectif : accéder à la bande de Gaza pour ouvrir, enfin, un corridor humanitaire hors du contrôle d’une entité génocidaire. Et plus on s’approche, plus les risques augmentent d’être blessés ou arrêtés, mais l’espoir grandit aussi. Il suffirait que les gouvernements prennent le minimum de leurs responsabilités en organisant une escorte mondiale de la flottille jusqu’à Gaza… Parce que cet objectif, on ne peut pas l’atteindre seuls. On a besoin que le monde entier se lève, et chaque minute compte. Une escorte mondiale serait un symbole très fort.

L’Espagne et l’Italie ont envoyé une escorte. Comment interprétez-vous cette décision ?

Un navire italien s’est rapproché de la flottille dans la nuit de mercredi à jeudi. La présence d’un navire militaire a pu contribuer au fait que les menaces d’attaques israéliennes n’aient pas été mises à exécution, et au fait que nous ayons légèrement modifié la trajectoire. Un deuxième navire italien semble également en route. Mais le soutien de Giorgia Meloni est à relativiser. Elle a fait une déclaration indiquant que la flottille devrait accepter le « compromis » proposé par Israël, qui proposait d’acheminer nos ressources humanitaires à Gaza.

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Mais on ne peut évidemment pas faire confiance à cette proposition, qui n’a rien d’un compromis : des tonnes d’aide attendent déjà depuis des mois aux frontières, et l’organisation de la distribution par l’entité génocidaire entraîne régulièrement des morts… Cette pression italienne en faveur de l’acceptation d’une telle proposition soulève de nombreuses questions quant aux intentions de Giorgia Meloni. Un navire espagnol devrait aussi nous rejoindre très prochainement, ce qui est d’autant plus rassurant que ce gouvernement prend des sanctions concrètes pour tenter de mettre fin au génocide.

Et la France ?

La réponse du gouvernement français est insuffisante, si ce n’est inexistante. En revanche, la mobilisation citoyenne est très forte. La reconnaissance de la Palestine par les autorités ne doit absolument pas occulter l’inaction totale de la France face au génocide en cours. Reconnaître l’État de Palestine sans prendre des sanctions pour empêcher que ce pays ne soit réduit à néant n’a aucun sens.

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Pourquoi avez-vous rejoint la flottille ?

Pour une raison très simple : je ne pouvais pas rester sans rien faire. Le génocide du peuple palestinien est extrêmement documenté. Il se déroule sous nos yeux. Rester sans rien faire quand on est au courant de tout, c’est renier une part de notre humanité. Se mobiliser, c’est une forme de responsabilité intime. Depuis des années, j’étais sensible à la résistance du peuple palestinien, mais je restais très passive : j’allais à des réunions, je participais à des manifestations, je m’informais. Rejoindre un bateau, c’était enfin la possibilité d’agir à la mesure de l’urgence et de participer concrètement à la construction d’un monde où les peuples sont libres.

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Société
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