Budget : les chiffres qui montrent que la gauche est en train de perdre

La majorité des plus de 1 700 amendements déposés par les députés ont été examinés par la commission des finances. Et le premier bilan chiffré n’est pas bon pour les groupes parlementaires du Nouveau Front Populaire, dont la majorité des amendements ont été rejetés.

Pierre Jequier-Zalc  • 22 octobre 2025
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Budget : les chiffres qui montrent que la gauche est en train de perdre
Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, à l'Assemblée nationale en mai 2023.
© Lily Chavance

Il y a le symbole. Et il y a la suite. Après avoir obtenu le gel de la réforme des retraites jusqu’en 2027, le Parti socialiste a permis à Sébastien Lecornu de déposer son projet de budget pour que le Parlement l’examine. « Le gouvernement déposera, nous débattrons, vous voterez », avait promis, lors de son discours de politique générale, le locataire de Matignon.

Pour l’instant, il tient parole, sans que cela ne bénéficie à la gauche qui espérait, par le débat, obtenir une inflexion majeure de la politique économique du gouvernement. Or, depuis le début des discussions ce lundi de l’examen du volet recettes en commission des finances, le « changement de cap » espéré ne se concrétise pas.

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La majorité des grandes propositions pour créer de nouvelles recettes fiscales – taxe Zucman, meilleure imposition de l’héritage, ISF climatique, etc. – ont toutes été balayées au sein de la commission des finances par une alliance tacite entre le bloc central, la droite et l’extrême droite. Outre le rejet de ces propositions phares, l’examen détaillé des amendements montre que c’est bien le bloc central et ses alliés de la Droite Républicaine qui est en train de tirer profit des débats.

Le « socle commun » largement en tête des amendements adoptés

    À l’heure où nous écrivons ces lignes, 56 % des amendements adoptés par la commission des finances sont issus de ce qu’on a appelé le « socle commun », récemment renommé « plateforme de stabilité ». C’est à peine plus de 23 % pour l’intégralité des groupes parlementaires du Nouveau Front Populaire (communistes, insoumis, écologistes et socialistes).

    Le NFP, à lui seul, concentre 48 % des amendements rejetés.

    Dans le détail, c’est la droite qui tire particulièrement son épingle du jeu en réussissant à être le deuxième groupe parlementaire à faire adopter le plus d’amendements, alors qu’elle n’est que la cinquième force en présence à l’Assemblée nationale.

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    Devant la Droite républicaine (DR), c’est le groupe macroniste présidé par Gabriel Attal, Ensemble pour la République (EPR), qui caracole en tête des amendements adoptés. Une donnée qui montre à quel point les parlementaires macronistes se mobilisent cette année, après avoir déserté l’hémicycle l’an passé, attendant simplement le 49.3.

    Le RN a réussi à faire adopter deux fois plus d’amendements que La France Insoumise

    À l’inverse, la France Insoumise, troisième plus grand groupe de l’hémicycle, a réussi à faire voter seulement 8 de ses amendements, sur les 170 adoptés durant l’examen à ce stade, soit moins de 5 %. À titre de comparaison, le Rassemblement National en a fait adopter le double, bien que le parti d’extrême droite n’en eût déposé que peu. La formation mélenchoniste est aussi celle dont les amendements suscitent la plus vive opposition, avec 106 propositions rejetées. Le NFP, à lui seul, concentre 48 % des amendements rejetés en commission contre seulement 14 % pour le RN et ses alliés ciottistes.

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    Ce dernier chiffre est forcément biaisé du fait que le RN et ses alliés n’avaient déposé que peu d’amendements. Malgré tout, la dynamique montre que malgré une différence de nombre d’amendements initiaux, l’extrême droite arrive plus à faire avancer ses idées que la gauche qui, elle, voit ses propositions être retoquées.

    Pour le PS, une stratégie du compromis plus ou moins efficace

    C’est une nouveauté de ces débats budgétaires. Le PS a pris ses distances avec le programme du Nouveau Front Populaire, assumant jouer le jeu du compromis. Les amendements déposés par les parlementaires socialistes sont donc souvent bien loin des propositions défendues lors de la campagne des législatives 2024 sous la bannière de l’unité.

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    On peut, par exemple, citer un amendement visant à imposer un ersatz de taxe Zucman qui viendrait retirer les biens professionnels de l’assiette de l’impôt plancher défendu par l’économiste Gabriel Zucman. Un non-sens quand on sait que c’est, justement, par ces biens professionnels, que les ultra-riches contournent aujourd’hui l’impôt.

    Ce n’est pas le socle commun qui se gauchise… mais bien le PS qui se macronise.

    Le premier bilan de cette stratégie est bien mitigé. Certes, à lui seul, le groupe socialiste a réussi à faire adopter plus d’amendements que les trois autres groupes de gauches réunis (LFI, GDR et ES). Mais avec seulement 21 propositions votées par la commission des finances, le parti à la rose est bien loin des 95 amendements issus du socle commun qui ont été adoptés.

    Un grand écart qui semble, à ce stade, démontrer que le fond du compromis se situe plus du côté de la Macronie que de la gauche. Et que ce n’est pas le socle commun qui se gauchise… mais bien le PS qui se macronise.

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