La désagrégation du macronisme et le pari du PS
Et si, tout simplement, le paysage politique retrouvait ses clivages classiques après la parenthèse macroniste ?
dans l’hebdo N° 1886 Acheter ce numéro

© Guillaume Deleurence
On entend beaucoup dire que la situation française actuelle est inédite. Elle l’est parce que l’histoire ne se répète jamais à l’identique, mais il s’agit en vérité d’un retour au très classique antagonisme gauche-droite, et au non moins traditionnel affrontement des deux gauches qui ont structuré notre paysage politique jusqu’à l’effondrement du Parti communiste français (PCF) dans les années Mitterrand (1981-1995) et celui du Parti socialiste (PS) avec le calamiteux quinquennat Hollande. La fin de la parenthèse macroniste vérifie une nouvelle fois l’inanité de « la troisième voie ». En France, cette chimère a eu ses partisans, le plus souvent « centristes » ou à droite de la social-démocratie. Ils sont les héritiers conscients ou non de la doctrine sociale de l’Église.
La troisième voie macronienne était d’emblée une imposture. Il s’agissait en réalité d’un passage à droite avec armes et bagages.
On laissera à l’écart de cette typologie le gaullisme, né de la Résistance, puis pérennisé par la légitimité d’un personnage porté deux fois au pouvoir dans des circonstances exceptionnelles. Mais le gaullisme était avant tout un nationalisme. Avec Emmanuel Macron, on descend de plusieurs étages. L’idée de transcender le clivage gauche-droite était vouée à l’échec parce que le clivage n’est pas « transcendable », pas plus que la conflictualité sociale n’est effaçable. La troisième voie macronienne était d’emblée une imposture. Il s’agissait en réalité d’un passage à droite avec armes et bagages. La vérité explosa avec la réforme des retraites. Sur le fond (l’âge de départ) comme sur la forme (le déni de démocratie).
Et nous voilà revenus à la réalité d’un clivage classique avec la variante écologiste, évidemment partie intégrante de la gauche. On ne devrait donc pas s’étonner que la social-démocratie fasse de la social-démocratie, et qu’une gauche radicale réinvente peu ou prou le parti communiste d’autrefois, jusque dans ses penchants internationaux. La recherche d’un compromis avec Sébastien Lecornu n’est pas en soi répréhensible, mais à haut risque. Côté positif, la pression que le PS exerce sur la Macronie désagrège le dernier carré de fidèles autour du président de la République. Dans le débat entre Lecornu et Macron sur la question de la suspension de la réforme des retraites, c’est le premier ministre qui a imposé ses vues à un président qui ne semble pas avoir compris qu’il a perdu la main.
Le risque pour le PS, serait, à l’inverse, d’acheter la non-censure à un prix trop élevé.
On a même entendu la ministre chargée des comptes publics, Amélie de Montchalin, pur produit du macronisme, rappeler, dimanche sur France Inter, qu’il n’y avait pas de « marionnettiste » qui tire les ficelles. « Nous sommes en démocratie », a-t-elle conclu comme une pique à l’adresse de son mentor. Après moult 49.3, et un souverain mépris pour les manifestations contre la réforme des retraites, c’est un peu la démocratie du désespoir. Dans ce contexte, la stratégie du compromis du PS est un habile investissement pour l’avenir.
Gauche « raisonnable »
Tandis que Jean-Luc Mélenchon est présenté dans les sondages comme l’homme politique qui fait le plus peur aux Français, Olivier Faure apparaît comme l’homme raisonnable de la gauche. Même si, in fine, le PS est amené à voter la censure, il aura témoigné d’une ouverture qui rend à la social-démocratie sa vraie place. Mais côté négatif, le risque pour le PS, serait, à l’inverse, d’acheter la non-censure à un prix trop élevé. Une petite taxe Zucman, et la suspension de la réforme des retraites contre des sacrifices inacceptables dans le domaine de la santé, et des coupes dans les prestations sociales (RSA, pensions de retraite et allocation d’éducation de l’enfant handicapé) qui frappent les plus précaires.
Les deux gauches et les écologistes auront de toute façon besoin de s’unir.
Le PS peut certes se prévaloir de grandes références historiques. La SFIO de Léon Blum, malgré ses ministres de droite, Daladier et Chautemps, avait imposé les conquêtes sociales que l’on sait. Mais il y a deux différences considérables entre les années 1934-1936 et aujourd’hui. La première : la classe ouvrière était mobilisée. Elle l’était avec la CGT et le PCF, lequel s’était tenu à l’écart du gouvernement. C’est elle qui a imposé l’unité et contraint la SFIO à gauchir son programme.
L’autre grande différence, c’est la mondialisation libérale. En 1936, le capitalisme pouvait concéder des « miettes », selon la formule consacrée, selon le rapport de force. Au contraire, depuis la fin des années 1970, le capitalisme est dans une phase socialement régressive. C’est le fameux chantage à la dette. Et la gauche est, symétriquement, dans une posture défensive, nécessairement plus résistante que conquérante. Ce qui rend la stratégie socialiste hautement périlleuse et rappelle à tous que les deux gauches et les écologistes auront de toute façon besoin de s’unir.
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