Christophe Gleizes ne doit pas être oublié, il doit être libéré
Le journaliste sportif français a été condamné, en appel le 3 décembre, à sept ans de prison par un tribunal algérien. Si la profession journalistique est sous le choc et se mobilise, on ne peut que s’étonner du peu de cas fait par L’Équipe au sort de ce confrère.
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Christophe Gleizes est journaliste. Son seul tort est d’avoir voulu exercer son métier. Mais il a été condamné, en appel le 3 décembre, à sept ans de prison par un tribunal algérien. La même peine qu’en première instance. Le journaliste sportif de 36 ans, qui collaborait à Society et So Foot, est condamné pour « apologie du terrorisme » et doit retourner derrière les barreaux de Tizi-Ouzou. Reporters sans frontières a dénoncé une « décision consternante ».
Il était entré en Algérie en 2024, avec un visa de tourisme, pour enquêter sur le club de foot de la Jeunesse sportive de Kabylie. Mais pour le parquet algérien, « l’accusé n’est pas venu en Algérie pour accomplir un travail journalistique mais [pour commettre] un acte hostile ». Gleizes a eu la malchance de contacter, dans son enquête, le président du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), qui est considéré comme un mouvement terroriste par les autorités algériennes.
À son procès en appel, Gleizes a reconnu des erreurs et demandé la « clémence » du tribunal. Qui ne lui a donc pas été accordée. Sa seule issue désormais serait une grâce du président algérien Abdelmadjid Tebboune, mais celle-ci ne peut advenir qu’après une condamnation définitive, et le journaliste peut encore se pourvoir en cassation.
Sous le choc
Ses proches sont « sous le choc », la profession journalistique aussi. « Toute la rédaction de So Press reste au soutien de Christophe et de sa famille », peut-on lire dans l’article que So Foot a publié au sujet de leur « collègue et ami ». « Christophe Gleizes doit être libéré », a appelé la directrice de Mediapart dans un éditorial. « La place des journalistes n’est jamais en prison. » La Société des journalistes (SDJ) d’Arrêt sur images était signataire, fin novembre, d’une tribune appelant à sa libération, et rappelant que la liberté de la presse ne peut pas être prise en otage. La SDJ du premier quotidien sportif français, l’Équipe, la signait également.
La rédaction de L’Équipe connaît actuellement d’importantes turbulences : mi-novembre, une motion de défiance a été votée à l’encontre du directeur des rédactions, arrivé en janvier. Des postes de journalistes risquent d’être supprimés. Mais même en ayant conscience de la crise que connaît le journal, on ne peut que s’étonner du peu de cas fait par le quotidien au sort de Christophe Gleizes, journaliste spécialisé dans le football. La une du 4 décembre, lendemain de sa condamnation en appel, concernait la Coupe du monde de rugby de 2027, soit un événement qui aura lieu dans… deux ans.
La place d’un journaliste n’est jamais, et ne sera jamais, en prison.
Seul un petit encadré déclarait du « soutien à Christophe Gleizes » en rappelant que « l’Algérie maintient sa lourde peine en appel ». Sur la une du même jour du quotidien le Parisien, pourtant pas spécialisé dans l’actualité sportive, l’encart consacré à Gleizes était bien plus conséquent. Dans L’Équipe du 4 décembre, il fallait attendre la page 24 pour lire le détail de la condamnation et du sort du journaliste. Dans l’édition du 5 décembre, il n’y a déjà plus rien le concernant. Si même le plus grand journal sportif de France n’appelle pas à sa libération en première page, qui le fera ?
Nous devons le répéter, le clamer en une(s) et en gros caractères : Christophe Gleizes ne doit pas être oublié. Il doit être libéré. La place d’un journaliste n’est jamais, et ne sera jamais, en prison.
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