Première victime de la grippe: Internet où des millions d’internautes racontent n’importe quoi

Claude-Marie Vadrot  • 29 novembre 2009
Partager :

N’étant ni scientifique ni médecin, j’ignore si la grippe H1N1 est plus dangereuse que la grippe dite « saisonnière » et je ne suis pas en mesure de me prononcer sur la dangerosité éventuelle des vaccins proposés. Je constate simplement que la campagne de sensibilisation sur la grippe a été démente de stupidité et aussi que si cette grippe est vraiment dangereuse, comme je ne fais pas partie des personnes à risque, je n’aurais droit à la vaccination qu’en mars ou avril prochain, quand la pandémie sera terminée. Donc, si Madame Bachelot a raison, si nous sommes tous gravement menacés, je recevrais mon « bon » de la Sécu largement après ma mort. Sans oublier que la valse hésitation sur la nécessité d’un éventuel rappel ne facilite pas l’appréciation des citoyens.

Mais à mes yeux, qu’il s’agisse de la grippe ou du vaccin, l’essentiel n’est pas là. Autant l’immense majorité des médias pris entre la propagande, leurs médecins qui n’ont pas vu un malade depuis des lustres, les volte-face des autorités, les impératifs supposés d’une impossible vaccination massive, ont été plutôt clairs et raisonnables dans leurs appréciations, autant Internet a prouvé que ce nouveau « média » était potentiellement dangereux. Car des millions d’internautes en proie à leurs fantasmes ou adeptes de la théorie du complot se sont lancés à l’assaut de la toile pour raconter n’importe quoi à n’importe qui. Ils le font d’autant plus efficacement et impunément qu’ils ne sont contrôlés par aucun modérateur ou rédacteur en chef et qu’ils ne font que répéter les « messages urgents » et les informations « graves » que relaient les uns et les autres sans aucune vérification. Le journaliste que je suis, bêtement, vérifie ses informations avant de les diffuser. Saisi du vent de folie qui souffle sur Internet, j’ai voulu vérifier le dérapage de la toile commenté par certains confrères. C’est encore pire que je ne l’imaginais.

Ayant passé des heures à parcourir les sites français, européens ou américains, j’y ai trouvé la triste preuve qu’Internet devient parfois un véritable danger public. Entre ceux qui expliquent que les usines pour fabriquer les vaccins ont été construites juste avant les premières annonces de la pandémie au Mexique, ceux qui racontent que le virus a été dispersé par avion et hélicoptères, les autres qui assurent qu’il s’agit d’un plan massif destiné à réduire la population de la planète. Il ne faut pas oublier non plus ceux qui évoquent une action de bioterrorisme menée, au choix, par les Juifs ou les Musulmans. Les plus modérés évoquent une opération destinée à masquer la crise économique et les plus obstinés rappellent évidemment les mystères maintes fois ressassés qui entoureraient l’attentat du 11 septembre.

Il faut également mentionner tous ceux qui racontent avec force détails que les gouvernements cachent les centaines de morts qui seraient provoqués par la vaccination de masse ou ceux, encore plus fort, qui assurent que le vaccin va durablement diminuer le QI (si, si, je l’ai lu) des vaccinés. Bref on nous ment, on nous cache tout et on cherche à détruire une partie de l’humanité. Voila le leitmotiv des fadas qui traînent leurs fantasmes sur Internet. Comme si la réalité ne suffisait pas : à savoir, dans un monde où les maladies seront de plus en plus mondialisées, le cadeau fait par la France aux grands laboratoires et une agitation sur la santé destinée à préparer les élections régionales.

Tiens, au fait, ou sont passés les centaines de millions de masques achetés par les pouvoirs publics ?

Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don