Braouezec fait de la résistance

Arrivé second derrière un jeune loup socialiste, le communiste Patrick Braouezec, membre de la Fase, a refusé de se retirer. Il réunissait jeudi soir ses soutiens. Parmi eux, le président du groupe des élus socialistes à la mairie de Saint-Denis qui ne mâche pas ses mots contre le candidat du PS.

Michel Soudais  • 15 juin 2012
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Illustration - Braouezec fait de la résistance


Mobilisation générale, jeudi soir, à l’Hôtel de ville de Saint-Denis. Devant un public nombreux, qui déborde de la grande salle des mariages, Patrick Braouezec, juché sur une petite estrade expose une nouvelle fois les raisons qui l’ont décidé à maintenir sa candidature contre celle du candidat socialiste, Mathieu Hanotin, arrivé en tête dimanche (36,51 % contre 31,17 %) : 1. La droite et l’extrême droite ont été éliminées au premier tour. François Hollande a l’assurance d’avoir une majorité absolue à l’Assemblée nationale, mais le Front de gauche malgré ce qu’il représente aura au mieux neuf députés.
Infiniment moins médiatisé que le duel rochelais entre Ségolène Royal et Olivier Falorni, François Hollande et Valérie Trierweiller, ce second tour de la deuxième circonscription de Seine-Saint-Denis (Pierrefitte – Saint-Denis Nord – Villetaneuse) est le dernier soubresaut de la bataille des gauches. Partout ailleurs le Front de gauche a retiré ses candidats arrivés derrière le PS. Il oppose d’un côté un jeune loup socialiste de 33 ans, Mathieu Hanotin, formé à l’Unef et dans les cabinets de la mairie de Paris, vice-président du conseil général depuis son élection dans le canton sud de Saint-Denis en 2008. De l’autre, Patrick Braouezec, 62 ans, figure des refondateurs communistes, maire de Saint-Denis de 1991 à 2004, député depuis 1993, président de la communauté d’agglomération Plaine commune. Un duel rose contre rouge.

Ce jeudi soir, face au socialiste qui arbore sur ses affiches et documents de campagne les sigles de tous les partis de gauche, PCF compris (avec le logo Front de gauche), Patrick Braouezec est surtout préoccupé d’afficher de très larges soutiens. Des personnalités politiques locales, associatives, syndicales, culturelles et intellectuelles… Dans la salle, on reconnaît des figures connues du département : Jacqueline Rouillon maire PCF de Saint-Ouen, Michel Bourgain, maire EELV de l’Isle-Saint-Denis, Eliane Assassi, sénatrice PCF, François Asensi député maire de Tremblay-en-France (Fase)… Egalement des socialistes locaux : Dieunor Excellent, militant de Villetaneuse, candidat dissident au 1er tour (4,91%), et surtout Georges Sali, une figure du PS dyonisien.

Le PS accusé de faire «main basse sur la ville»

Le soutien du président du groupe des élus PS au conseil municipal , présent sur l’estrade (à droite sur la photo) avec Didier Paillard, maire de Saint-Denis, et Carinne Juste, maire de Villetaneuse et suppléante de Patrick Braouezec, a tout pour surprendre. « Militant socialiste depuis 30 ans » , à « la tête du comité de soutien local à François Hollande » depuis la déclaration de candidature de ce dernier en mars 2011, ainsi qu’il le rappelle dans une lettre ouverte aux électeurs socialistes dionysiens, il est connu pour ses désaccords avec la gestion municipale des amis de Patrick Braouezec. Aux dernières municipales, à la tête d’une liste socialiste qui avait refusé de fusionner avec celle de Didier Paillard, il s’était maintenu au deuxième tour.
Les explications de son engagement en faveur de M. Braouezec pour ce second tour fournissent un éclairage politique intéressant sur les raisons qui motivent ce duel électoral. Dans sa missive, Georges Sali accuse M. Hanotin d’être à la tête d’ « un groupe de personnes, issu du syndicat étudiant UNEF » qui « a littéralement atterri sur le territoire de Plaine Commune depuis très peu de temps en vue de permettre à ses protecteurs PS départementaux [comprendre Claude Bartonone, député et président du conseil général, NDLR] de faire tout simplement main basse sur » Saint-Denis. « Il s’agit d’une véritable opération commando, s’appuyant sur des méthodes particulièrement violentes » , déclare-t-il.
Surtout, l’élu assure avoir « acquis la conviction que la victoire de M. Hanotin serait un signal très fort lancé aux intérêts financiers privés et aux promoteurs pour investir [un] territoire qui est au cœur de la révolution urbaine programmée par le projet de Grand Paris » . Avec pour « conséquence » , poursuit-il, « l’engagement d’une spéculation immobilière irrésistible qui aurait vite fait de chasser la partie de [la] population vivant dans des conditions modestes ou précaires » . Or « un tel schéma » , qui revient à « répondre à des problèmes de ghettoïsation (…) par l’évacuation des populations fragiles » , est à ses yeux « parfaitement contraire à l’objectif de François Hollande d’égalité des territoires et de mixité sociale dans tous les quartiers » .

Entorse au désistement républicain

Un soupçon suffisamment grave pour justifier une entorse à la règle du désistement républicain [^2]. Une règle qui n’est plus respectée depuis longtemps en Seine-Saint-Denis, hormis par le… PCF (et par extension le Front de gauche). En s’en affranchissant, Patrick Braouezec fait un pari risqué. Dans les duels gauche-gauche, celui qui l’emporte est quasiment toujours celui qui séduit le plus les électeurs de droite. A en croire Le Parisien , la droite dyonisienne n’a pas tardé à choisir son camp : « Claire O’Petit, conseillère municipale MoDem, Didier Labaune, conseiller municipal Parti radical, ou le responsable de l’UMP de Saint-Denis, Xavier Ducos-Fronfrède, (…) tous appellent plus ou moins explicitement à voter Hanotin. »
En mars 2011, leur appui n’avait toutefois pas suffit à assurer l’élection de Florence Laronde, candidate EELV-PS dans le canton de Saint-Denis Nord-Ouest, qui avait échoué de peu. Mais elle n’était pas arrivée en tête au premier tour.

[^2]: Voir le rappel des origines de cette règle et ses justifications sur le Cri du peuple.

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