L’Economie sociale et les élections européennes (1)

On entend peu parler dans les (il est vrai) rares débats sur les élections européennes d’Economie sociale. Il n’y en a que pour la doxa libérale (baptisée en France social-démocrate) et la soumission aux lobbys. Pervenche Béres, une des rares élues PS à s’y impliquer doit laisser la place. Marie-Christine Vergiat, député GUE, publie ce jour (04/03) en tribune dans l’Humanité une texte faisant le point sur les problématiques de l’ESS dans l’UE. Nous en reprenons ici le texte.

Jean-Philippe Milesy  • 4 mars 2014
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Économie Sociale et Solidaire :

Quels enjeux à la veille des élections européennes ?

*Les prochaines échéances européennes donnent l’occasion de se demander quelle place a l’économie sociale et solidaire dans l’Union Européenne.
_ L’économie sociale et solidaire est aujourd’hui plus visible au sein des institutions européennes qu’il y a quelques années mais ce n’est pas sans ambiguïté.
_ L’évolution concernant la question des statuts européens est là pour le prouver en précisant d’emblée que ces statuts n’ont pas vocation à uniformiser le droit européen et à se substituer aux statuts nationaux quand ils existent. Ils ont avant tout un sens symbolique pour donner à voir partout dans l’UE la diversité des formes d’entreprendre, d’entreprendre autrement, et permettre aux entreprises de l’économie sociale de se regrouper au niveau européen sans en passer par des formes capitalistiques.

Commençons par les coopératives qui ont été reconnues dès l’origine, par les Traités européens. Ce n’est pas un hasard puisque c’est la famille de l’économie sociale la plus proche du modèle traditionnel. Il a néanmoins fallu attendre 2003 pour que le statut de coopérative européenne voit le jour mais sous une forme telle qu’il ne peut servir utilement et qu’il est aujourd’hui question de le réviser.
_ En mars 2010, le Parlement européen s’est prononcé dans une déclaration dont j’étais une des premier(e)s signataires en faveur de statuts pour l’ensemble des autres familles de l’économie sociale (associations, fondations et mutuelles).
_ Le statut de fondation européenne a été adopté fin juillet 2013.
_ Celui des mutuelles européennes devrait être prochainement voir le jour si l’on en croit les déclarations du Commissaire Andor lors du Sommet sur entrepreneuriat social des 16 et 17 janvier dernier à Strasbourg. Ce n’est pas sans intérêt car on a longtemps prétendu que les mutuelles étaient un modèle spécifique à quelques pays européens dont la France. Il a fallu deux études, la première du Parlement européen à qui la Commission européenne a dû emboiter le pas, pour démontrer le contraire. C’est aujourd’hui acquis. Tant mieux.
_ Reste le serpent de mer du statut des associations européennes pour lequel aucune avancée significative n’a été obtenue.

Mais les statuts ne régleront pas tout. Loin de là. Ils sont sans doute nécessaires mais non suffisants.
_Et c’est sans doute la crise financière qui a joué un rôle moteur dans cette meilleure reconnaissance en montrant que les entreprises de l’économie sociale, y compris les banques coopératives, même si cela devrait être nuancé en fonction des pratiques des unes et des autres, avaient une plus grande capacité de résistance. Logique pour des entreprises qui n’ont pas vocation (quand elles respectent leurs principes) à être cotées en bourse, et sont donc, par la nature de leur « capital », protégées de la spéculation financière.
_ Mais moult ambiguïtés apparaissent notamment en raison de la confusion entre économie sociale et entrepreneuriat social. Derrière cette pseudo assimilation, se cache un vrai combat idéologique. On veut nous faire croire que peu importe la forme organisationnelle de l’entreprise, seule compte sa finalité sociale, sa capacité à prendre en compte les besoins sociaux. Et il ne fait pas de doute que, dans certains secteurs comme celui de l’insertion, la réussite du pari est incontestable.

Mais la promotion d’un tel modèle, en pleine crise de l’Etat providence, et donc de pénuries des financements publics ne peut qu’interroger. Les porteurs de projets sociaux ne sont-ils pas contraints à choisir un modèle « rentable » ? Poser la question au sein des institutions européennes est déjà y répondre. Et c’est un défi auxquelles doivent répondre les entreprises de l’économie sociale au risque de se voir banaliser ce que certaines d’entre elles savent déjà très bien faire.
_ Face à la crise du système capitaliste, les entreprises de l’économie sociale doivent être en première ligne pour défendre leur spécificité. Ce sont des sociétés de personnes et non de capitaux. Elles ont un modèle de propriété collective et leurs excédents sont majoritairement reversés dans le projet collectif.

C’est aussi un défi pour la Gauche européenne qui doit se souvenir que les racines de l’économie sociale sont au cœur du mouvement ouvrier, que nombre d’expériences inscrites au cœur des territoires sont des modèles de résistance et de transformation sociale. Le Front de Gauche s’y est résolument engagé. La campagne des élections européennes doit nous permettre de porter ce débat avec les citoyens et les citoyennes qui portent ces projets au niveau local et d’en faire un enjeu pour cette autre Europe que nous voulons construire.*

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