De quoi « Papon » est-il le nom ?

Après la mise en rétention d’une famille albanaise, des citoyens ont adressé des courriers de protestation au préfet des Pyrénées-Atlantiques. Ils sont poursuivis pour y avoir fait référence au gouvernement de Vichy. Une pétition est lancée.

Clémence Glon  • 20 mai 2010 abonné·es

Quand la police de Pau arrête la famille Kuka en juillet 2008 pour la placer au centre de rétention de Hendaye, Philippe Rey, préfet des Pyrénées-Atlantiques, se voit envahi de mails de protestation. Jusque-là, l’histoire est plutôt banale. Toutes les préfectures sont inondées de messages ­semblables. Mais, pour la première fois, Philippe Rey en appelle aux tribunaux. Six des mails reçus évoquent de près ou de loin la période du gouvernement de Vichy, et lui restent en travers de la gorge. Comparer une mise en rétention aux méthodes de Maurice Papon, est-ce répréhensible ? C’est la question qu’examinera le tribunal de grande instance de Pau le 10 juin à propos des plaintes qui pèsent sur les six personnes accusées d’avoir porté préjudice au préfet.

Les auteurs, retraité, médecin ou disquaire, sont accusés de délit d’outrage à personne dépositaire de l’autorité et interpellés aux quatre coins de la France pour comparaître devant le juge. Aucun ne fait preuve d’un militantisme particulier mais tous ont été mis au courant de la situation de la famille Kuka par le Réseau éducation sans frontières (RESF), qui soutient les enfants scolarisés menacés d’expulsion.
Gérard Chevrot, retraité de Haute-Savoie, est l’auteur de ces mots : « Faut faire le chiffre quand on a de l’ambition. Comme Papon et ses chefs en d’autres temps ? » En envoyant ce mail, il tenait à dénoncer un excès de zèle de la préfecture : «  Il n’y avait aucune obligation d’enfermement, explique-t-il. Cela faisait trois mois que la famille attendait son jugement. À quoi servait cette mise en rétention ? » Le 12 mai 2009, Gérard Chevrot est donc convoqué à la gendarmerie d’Annemasse « pour une affaire le concernant » . C’est en fait une garde à vue d’une heure qui l’attend.

Même traitement pour Valérie Martinez, disquaire dans le Val d’Oise, qui a demandé que « cesse le scandale des rafles » de sans-papiers. Selon elle, les moyens mis en place sont disproportionnés. « Durant la garde à vue, j’ai vraiment eu l’impression d’être une terroriste, confie-t-elle. J’irai à Pau me faire entendre et nous nous disputerons à coup de dictionnaire s’il le faut. » Car la définition du mot « rafle » devrait être au cœur d’un procès où chaque terme employé a son importance.

Maripierre Massou dit Labaquère, avocate et présidente de la Ligue des droits de l’homme à Pau, avoue ne pas comprendre la plainte. Elle estime que le préfet n’était pas visé personnellement dans les mails. L’accusation n’aurait donc pas lieu d’être, et le fait que le parquet a retenu la plainte serait inquiétant. « Le procureur s’est-il senti obligé de donner suite parce qu’il avait affaire au préfet ? » , s’interroge l’avocate. Aussi peu glorieuse soit la période évoquée, « il n’y a pas outrage à personne dépositaire de l’autorité » . Et si les sautes d’humeur du délégué du gouvernement ne sont pas à prendre à la légère, Maripierre Massou dit Labaquère prévient : « Le procès pourrait se retourner contre lui. Et RESF gagnera encore davantage en popularité. »

Société
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