Le choc des photos

L’arrestation de Dominique Strauss-Kahn a été l’occasion d’une vague médiatique. Sans retenue et calée dans le sensationnel.

Jean-Claude Renard  • 19 mai 2011 abonné·es
Le choc des photos
© Photo : Samad / AFP

Voilà donc DSK encadré par deux molosses, mains dans le dos et menottes aux poignets. DSK la mine déconfite, la paupière plus en berne, pas rasé, l’imper négligé sur le dos, saisi furtivement la nuit dans les replis d’un bureau de police. DSK encore, au tribunal, filmé durant la charge (accablante) d’un procureur, filmé toujours durant la défense de ses avocats.

Comme un vulgaire prévenu, abattu, déchu, humilié dans sa mouise. Et des images, toujours plus d’images, qui tournent, qui tournent. Avec des blogs qui ont trouvé là matière à faire du Détective salace et l’omniprésence des twitters pliant l’information à l’immédiateté. Dans la stupéfaction, il y a là, aussi, un décalage. Entre la fonction d’un directeur du FMI et les accusations, entre un potentiel président de la République et le récit violent d’une tentative de viol. Curieux pêle-mêle de piètre tragédie (grecque), de pièce de boulevard, de patron priapique et de modeste femme de chambre, de dette mondiale et de cul de basse-fosse aux confins du Bronx.

On peut néanmoins s’interroger sur cette chasse aux images, cette cohue de photographes aux portes d’un commissariat ou d’un tribunal new-yorkais en quête de la moindre image, cette chasse aux images plus encline à la présomption de culpabilité qu’à la présomption d’innocence. Si la justice américaine permet de photographier ou de filmer n’importe quel prévenu, les images tournées aux États-Unis ont-elles leur place en France ? Avant que les faits ne soient avérés, la profusion d’images ferait-elle avancer l’affaire ? Elle nourrit essentiellement le sensationnel. Décidément, l’année 2011, sans même être parvenue à la fin de son premier semestre, aura eu son lot d’extra-ordinaire. Les révolutions arabes, Fukushima, la mort de Ben Laden, les frasques ahurissantes de DSK. Tandis que Xavier Dupont de Ligonnès court toujours. Mais les images qui nous viennent de New-York soulèvent plus généralement une autre question : celle de la façon dont la presse française traite – ou ne traite pas – la vie privée des personnages publics.

Pour les Américains, il faut informer le public des éventuelles fragilités personnelles d’un personnage qui postule à de hautes responsabilités. L’affaire DSK semble donner raison à cette doctrine. Mais n’est-ce pas un cas extrême ? Et peut-on légitimer à partir de cette affaire de viol supposé une intrusion permanente de la presse dans la vie privée des personnages publics ? Au risque d’offrir un alibi à tous les voyeurismes ?

Médias
Temps de lecture : 2 minutes