Parti socialiste : en attendant les primaires…

Les socialistes ont adopté leur projet pour 2012. Mais l’unanimité d’aujourd’hui fait craindre une compétition fratricide au moment de la désignation de leur candidat.

Michel Soudais  • 2 juin 2011 abonné·es

Trois heures de grand-messe. C’est ce qu’aura duré l’ultime convention nationale du Parti socialiste consacrée à son projet pour 2012. Cette réunion, qui clôturait une longue phase de quatre conventions et huit forums thématiques commencée l’an dernier, a adopté ce projet, sobrement intitulé « Le changement », à l’unanimité. Une approbation surprenante pour un texte qui, dans sa version intégrale – il en existe une « courte » à destination du grand public –, occupe une cinquantaine de pages bien tassées de l’Hebdo des socialistes . Mais qui participait de la mise en scène impeccable de ce meeting.

Deux semaines après le coup de tonnerre de l’affaire Strauss-Kahn, il s’agissait de montrer que les socialistes, selon le mot de la patronne du PS, proposaient « des solutions » , étaient « concentrés sur [leur] mission » et surtout… unis au moment où l’UMP se mettait, elle aussi, en ordre de marche. Dans la halle Freyssinet, pleine d’un millier de militants, les principaux candidats déclarés aux primaires avaient pris place aux côtés de Martine Aubry au premier rang. Tout comme le maire de Paris, Bertrand Delanoë, et l’ancien Premier ministre Laurent Fabius. Les candidats potentiels, Manuel Valls et Pierre Moscovici, et même Lionel Jospin, l’ancien Premier ministre battu à la présidentielle de 2002, ou encore Pierre Mauroy et Jack Lang complétaient la photo de famille.

À leur arrivée, tous ont entonné, avec des variantes, l’air du « grand jour pour les socialistes et les Français ». Aucun des orateurs n’a oublié de remercier ou de féliciter les artisans de cette communion. Une célébration entre soi pour, résume Martine Aubry, « adresser aux Français un message simple et fort : les socialistes sont prêts » .

Mais si « la partition est là » et si « les musiciens jouent presque à l’unisson » , selon une formule du député de Paris Jean-Christophe Cambadélis, « il manque un chef d’orchestre » . Celui-ci ne sera désigné qu’à l’automne dans des primaires ouvertes à tous les électeurs de gauche, moyennant l’adhésion à une Charte et le versement d’un euro symbolique. La procédure est inédite. Et l’unanimité d’aujourd’hui fait craindre un périlleux choc des ego. Puisque tous les candidats déclarés ou potentiels sont d’accord pour porter le même projet, sur quoi vont-ils se différencier ? En l’absence de divergences politiques, les petites phrases assassines pourraient bien nourrir une compétition fratricide, politiquement inutile et délétère. D’où la crainte du maire de Lyon, Gérard Collomb, formulée samedi, que le candidat désigné ne sorte «  affaibli  ».

Pour l’heure, les prétendants se jaugent. Martine Aubry maintient le suspense sur son éventuelle candidature. Pressée par ses soutiens de se lancer dans la course alors que François Hollande a l’onction des sondages depuis l’éviction de DSK, la maire de Lille refuse de précipiter les échéances. Tout juste a-t-elle fait savoir qu’elle prendrait ses « responsabilités avec une seule volonté »  : qu’une candidature issue du PS puisse accéder en 2012 à la présidence de la République. Les cadres de la gauche du parti ne doutent plus que celle qui leur a confié des postes à responsabilité après le congrès de Reims sera candidate. Satisfaits, ils minimisent son soutien à la candidature de Christine Lagarde à la direction du FMI.

Les strauss-kahniens sont les plus courtisés. Il n’y a pas trois semaines, ils pressaient les cadres des autres courants de se rallier au plus vite à leur champion s’ils ne voulaient pas rester sur le banc de touche après 2012. Désormais orphelins, ils hésitent sur leur attitude. Se ranger derrière Martine Aubry ? Derrière François Hollande ? Présenter une candidature ? Divisés lors du congrès de Reims, ils sont encore tiraillés entre les deux protagonistes du duel annoncé. Persuadé que leur apport sera « décisif pour le candidat qu’ils choisiraient » , Jean-Christophe Cambadélis plaide pour qu’ils restent rassemblés afin de peser « lourd pour un cours réformiste de gauche du PS ». Pierre Moscovici, quant à lui, menace de présenter sa candidature si les idées qu’il défend « ne sont pas portées par d’autres » . Ce qui est une autre manière d’engager les tractations. Au plus offrant.

Politique
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