Du swing pour la fête

Le Umlaut Big Band joue des compositeurs et arrangeurs des années 1925-1940 dans des lieux qui leur permettent de rendre cette musique vivante.

Ingrid Merckx  • 20 juillet 2016 abonné·es
Du swing pour la fête
© Dominique Hamot

Huit degrés à Freydières le 13 juillet. « Le Umlaut Big Band ne va pas pouvoir jouer dehors, regrette Noé Vérité, patron de la Gelinotte, restaurant-concert situé sur ces hauteurs de Grenoble, au bord d’un lac. Les musiciens vont devoir se serrer à l’intérieur [^1]. » Pas facile à dix soufflants (saxophones, clarinettes, trompettes, trombones) avec des pupitres cubiques, une contrebasse, une guitare, une batterie et un piano. « On va faire de la place, enlever les tables, qu’on puisse aussi danser, reprend Noé Vérité. Au moins, on n’aura pas à sortir le demi-queue ! » Programmer un big band réclame un peu d’espace et un peu d’argent. « Mais le Umlaut s’adapte aux petits lieux. Sans quoi on n’aurait pas pu le faire venir. »

Faire danser sur de la musique swing dans des lieux « inhabituels », c’est l’objectif du big band. Né en novembre 2011 d’un collectif et label éponyme franco–germano-suédois, il réunit quatorze trentenaires diplômés il y a une dizaine d’années du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, le seul en France à compter une classe de jazz.

« Faire danser, ça dépend des endroits et du moment, nuance Louis Laurain, trompettiste_. En général, pendant le premier set, on chauffe doucement. Les gens commencent à remuer au deuxième, et c’est au troisième qu’ils dansent le plus, façon swing ou boîte de nuit_ ! Ce big band est né d’une fête. On a envie que tout le monde y trouve son compte _: le spécialiste de la musique des années 1925-1940_, les adeptes de la danse swing, qui suscite un véritable engouement, ou ceux qui viennent boire un verre entre amis ! On joue acoustique pour que les gens puissent se parler et aussi parce que cela nous rapproche de l’esprit dans lequel jouaient les big bands de l’époque. » C’est-à-dire dans des dancings plus ou moins classes, pour Blancs et Noirs, de tous âges et toutes catégories sociales…

« Les compositeurs d’alors écrivaient de manière à faire ressortir tous les instruments, y compris les moins puissants », précise le guitariste Romain Vuillemin, qui a adapté son jeu pour se faire entendre sans amplification, et sans non plus se faire de tendinite sur les tempos rapides, comme dans Hyde Park (Duke Ellington), Honeysuckle Rose (Razaf et Waller/Benny Carter) ou I wanna go places and do things (Robin et Whiting).

Pour sa tournée d’été 2016, à l’occasion de la sortie de son album Euro Swing 2, consacré à des compositeurs et arrangeurs américains en Europe, après un volume 1 dédié à des Européens [^2], l’orchestre joue chez un vigneron, dans des fêtes de village, mais aussi à Berlin et aux Rendez-vous de l’Erdre, à Nantes [^3]. « Beaucoup de jeunes écoutent cette musique, le succès grandissant du festival Météo à Mulhouse en témoigne, par exemple, souligne Pierre-Antoine Badaroux, directeur artistique, qui a relevé un répertoire de plus de 140 morceaux à l’oreille, à partir d’enregistrements de plus ou moins bonne qualité.

Travail de titan qui lui confère « une autorité naturelle », glisse Louis Laurain : « Si Duke Ellington ou Benny Carter jouissent d’un immense respect, aucun de nous ne connaissait vraiment bien cette musique en démarrant le Umlaut. On s’est pris au jeu… » « On s’attache à la faire sonner du mieux possible sans jouer pour autant sur des instruments d’époque, et alors que nous venons plutôt des musiques expérimentales et contemporaines, complète Pierre-Antoine Badaroux. On ne fait pas du “revival”. On joue dans des endroits qui nous permettent de rendre cette musique vivante et de nous surprendre musicalement et humainement. »

[^1] lagelinottebelledonne.fr

[^2] Euro Swing vol. 1. L’émergence du jazz européen, 1926-1940 et Euro Swing vol. 2. Americains in Europe-1925-1940, Umlaut Big Band, Umlaut records.

[^3] Dates sur le site : umlaut-bigband.com

Musique
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