Aux jardins d’Aubervilliers, l’occupation est déclarée

Les militant·es des jardins ouvriers d’Aubervilliers, menacés par les Jeux Olympiques 2024, passent à la vitesse supérieure et font naître une nouvelle Zad en Île-de-France.

Koupaïa Rault  • 25 mai 2021
Partager :
Aux jardins d’Aubervilliers, l’occupation est déclarée
© PHOTO : Barricade de paille / Koupaïa Rault

O n nous a déposé 35 couettes ! » « 3 kilos de riz c’est suffisant si on est une trentaine ? » « Je ne pense pas que la police puisse arriver dès le soir-même si on l’annonce dimanche…» Le petit monde des jardins ouvriers d’Aubervilliers s’active depuis quelques jours.

L’îlot de verdure s’étend en bas des tours, à quelques pas de la route. Aménagés au XIXe siècle, en pleine révolution industrielle, pour permettre aux familles les plus précaires de se nourrir, ces jardins font maintenant pleinement partie du patrimoine local. Ils abritent de nombreuses espèces protégées et sont de ces rares espaces agricoles encore cultivables par les habitant‧es de la Seine-Saint-Denis.

Pourtant, d’ici 2024, 4.000 m² de ces terres potagères seront ensevelies sous le béton d’un solarium minéral, extension d’une piscine olympique. Et à terme, plus d’un hectare est menacé par la future gare de la ligne 15 du Grand Paris Express, un complexe hôtelier et le projet d’éco-quartier dans le fort d’Aubervilliers.

Pendant des semaines se sont enchaînées manifestations, actions symboliques et campagnes d’informations. À l’arrivée des premiers bulldozers, la découverte d’amiante dans les toits de cabanes avait accordé un délai d’un mois, mais la reprise des travaux approche et les jardins sont plus que jamais menacés. Alors, dimanche 23 mai, au terme d’une journée d’ateliers et de discussions, l’occupation est déclarée.

Convergence pour une écologie populaire

Une vingtaine de parcelles sont en passe d’être détruites et malheureusement « la plupart des jardiniers sont résignés, ils sont persuadés que c’est trop tard », glisse Corentin, un albertivillarien engagé dans le collectif de défense des jardins.

Pour faire vivre la JAD – Jardins À Défendre – et soutenir celles et ceux qui y croient encore, se croisent de nombreux collectifs, réunis sous la bannière Saccage 2024. Dimanche, installés sur les bottes de paille et palettes dispersées, les militant·es et soutiens se sont réuni‧es pour assister à une grande assemblée générale.

Pour l’occasion, ont convergé des voisin·es, des ex-zadistes des terres de Gonesse, des jeunes de Youth For Climate, des agent·es aux espaces verts et éboueur·euses de la ville de Paris en grève ou encore des membres de la Quadrature du Net. Tous et toutes sont venus protéger le terrain et réfléchir aux enjeux sociaux et environnementaux qui structurent l’opposition aux Jeux Olympiques 2024.

À lire > La ZAD de Gonesse expulsée

Derrière la vitrine des Jeux

En 2016, la WWF s’engage dans un partenariat censé accompagner les « premiers Jeux alignés avec les objectifs de l’Accord de Paris ». De nombreux engagements sont pris pour préserver la Seine-Saint-Denis, où la question de la mixité sociale est centrale : pourcentage de logements sociaux obligatoires, réhabilitation des complexes en éco-quartiers…

Pourtant, dans les différentes zones concernées, comme le quartier Pleyel à Saint-Denis où s’installera le village des athlètes, la réalité des travaux n’augure rien de bon et les habitant·es n’ont aucune garantie face à une gentrification future.

Dans le département le plus pauvre de France, qui aura véritablement accès au solarium, une fois la quinzaine olympique terminée ? Les conditions de vie des locaux seront-elles réellement améliorées par ces grands aménagements ? À Aubervilliers, la ville ne compte déjà qu’1,42 m² d’espaces verts par habitant·e, quand l’OMS en recommande a minima 10 m².

Dans leur communiqué, le collectif est clair sur sa position et déclare à la Solideo, la société de livraison des ouvrages olympiques présidée par Anne Hidalgo, et aux entreprises partenaires que « non, l’écologie populaire et la subsistance des Jardins n’est pas compatible avec votre capitalisme vert ».

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

À la frontière franco-britannique, la parade de l’extrême droite, entre associations inquiètes et forces de l’ordre passives
Reportage 6 décembre 2025 abonné·es

À la frontière franco-britannique, la parade de l’extrême droite, entre associations inquiètes et forces de l’ordre passives

Sur la plage de Gravelines, lieu de départ de small boats vers l’Angleterre, des militants d’extrême droite britannique se sont ajoutés vendredi 5 décembre matin aux forces de l’ordre et observateurs associatifs. Une action de propagande dans un contexte d’intimidations de l’extrême droite. Reportage.
Par Pauline Migevant et Maxime Sirvins
« J’estime être victime de harcèlement » : Sand, réprimée pour rappeler la loi à un député ex-RN
Récit 5 décembre 2025

« J’estime être victime de harcèlement » : Sand, réprimée pour rappeler la loi à un député ex-RN

À chaque événement public où se trouve Daniel Grenon, la militante d’Extinction Rebellion brandit une pancarte rappelant que « le racisme est un délit ». Un acte pour lequel elle a été convoquée plusieurs fois au commissariat et reçu un avertissement pénal probatoire.
Par Pauline Migevant
Comment le RN a monté en épingle l’enfarinement de Bardella pour s’attaquer aux syndicats
Analyse 5 décembre 2025 abonné·es

Comment le RN a monté en épingle l’enfarinement de Bardella pour s’attaquer aux syndicats

Après avoir qualifié son enfarinement de « non-événement », Jordan Bardella et des députés du Rassemblement national ont été jusqu’à interpeller le ministre de l’Éducation nationale pour infamer les « syndicats d’extrême gauche » qui encourageraient « la violence politique ».
Par Pauline Migevant
À Rennes, l’errance des mineurs isolés, abandonnés par l’État
Reportage 5 décembre 2025 abonné·es

À Rennes, l’errance des mineurs isolés, abandonnés par l’État

Plus de 3 200 jeunes étrangers attendent en France qu’un juge reconnaisse leur minorité. Pendant des mois, ces adolescents vivent à la rue, sans école ni protection. À Rennes, des bénévoles tentent de combler les failles d’un système qui bafoue les droits fondamentaux de l’enfant.
Par Itzel Marie Diaz