Vies d’exclus

Xavier Frison  • 26 juillet 2007 abonné·es

Loin des ministères et des débats sur la refondation du système de l’hébergement d’urgence, une femme raconte le quotidien de ces centres dans un livre-témoignage fort instructif. En avril 2000, abandonnant son statut de fonctionnaire, Liliane Gabel rejoint les équipes du Samu social, à la recherche de personnel d’accueil. Trois ans et demi durant, Liliane s’applique corps et âme à sa nouvelle mission. Les premiers contacts avec les « hébergés » sont rudes : bagarres, insultes, humeurs imprévisibles dues à l’alcool et à « la fragilité des personnes ayant vécu à la rue » rythment les nuits. Mais les moments simples d’humanité comblent la nouvelle recrue, comme cet usager « correct et galant », ou cet homme, sevré de bises depuis quarante-cinq ans, qui s’effondre après un simple « bonsoir ». Il y a aussi l’intrépide Mangou, venue d’Afrique, qui, un soir, perd sa gouaille tonitruante et pleure sa mère disparue.

Tant bien que mal, la maison tourne. Malgré les sautes d’humeur des hébergés, « la crasse » des lieux, les dysfonctionnements imputés aux responsables du « 115 », et les mesquineries entre collègues. La population reçue afflue et évolue : aux clochards de la rue s’ajoutent des migrants du Maghreb, une jeune femme du Congo à la famille décimée par la guerre, un enfant-soldat rwandais ou des jeunes sciemment déclarés majeurs par la brigade des mineurs, débordée… En filigrane, « la gestion imbécile de la misère et de l’urgence » montre ses plaies béantes à chaque page. Au manque de moyens s’ajoutent la désorganisation et l’inefficacité du dispositif théoriquement global de prise en charge. Aux plans grands froids répond la faim du SDF, qui le tenaille « tous les jours » , tout comme menace le trépas, à tout moment de l’année. L’épilogue se joue au bord du canal Saint-Martin, en compagnie des Enfants de Don Quichotte. Avec « des SDF, qui, pour une fois, font la fête ».

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