Courrier des lecteurs Politis 993

Politis  • 13 mars 2008 abonné·es

L’embargo pour les morts aussi…

Nous avons reçu de Gaza cet édifiant témoignage d’une jeune Française qui était sur place la semaine dernière.

Lundi 3 mars. Ici, c’est la boucherie. Je vous écris vite fait, je n’ai pas le Net à portée de main, c’est chaud de sortir, le café Internet est juste à côté du bureau de Haniyeh [^2]
; on préfère éviter. Ils ont tué plus d’une centaine de personnes en quatre jours, la plupart des civils (80), beaucoup d’enfants, une petite fille de deux jours, un autre de six mois. C’est l’horreur totale, on ne dort plus, on se fait bombarder sans discontinuer. Je n’ai jamais vu une telle haine. Ce qui se passe ici est terrible, indescriptible, et ils comptent bien continuer. Hier, c’était la journée la plus sanglante depuis le début de l’Intifada, c’est-à-dire depuis 2000 […]. Ici, tout le monde est à bout, les gens sont exténués, et personne ne sait quoi faire. On se protège comme on peut. Il n’y a plus de place dans les hôpitaux. Il n’y a pas de ciment pour construire les tombes, même les morts subissent l’embargo. Tout à l’heure, à Jabalia, l’armée a torturé trois hommes dans la rue et a laissé les corps inanimés, les ambulances ne sont pas parvenues à les récupérer. Ils tuent des familles entières, bombardent sans retenue. Je suis incapable de vous décrire toutes les boucheries qui se passent ici; toutes les deux minutes, il y a de nouveaux massacres; toutes les deux minutes, les F16 qui tournent au-dessus de nos têtes nous lâchent un missile. Je dois partir.

Eugénie Rebillard, Gaza

Un scandale peut en cacher d’autres

M. Gautier-Sauvagnac affirme sans honte apparente qu’il ne dira rien concernant la caisse noire de l’UIMM et la signification précise de cette incroyable expression, la « fluidification des relations sociales » . Le montant disproportionné de ses indemnités de départ nous remet en mémoire les noms de Noël Forgeard et d’Antoine Zacharias.

Toutes ces affaires ne sont sans doute que la partie visible d’un iceberg dont on ne connaît pas le volume total.

Être chef d’entreprise est un formidable métier. L’esprit d’entreprise, la créativité, la prise de risque, le travail et la compétence doivent être récompensés justement. Nous avons ici les contre-exemples de ce que doivent être des patrons responsables ; le manque d’éthique est ce qui ruine le monde du travail et de l’entreprise. Souhaitons qu’une grande majorité de ces patrons et de responsables syndicaux de tous bords comprennent qu’il est temps de moraliser ce domaine et que la « fluidification des relations sociales » doit se faire dans la plus grande transparence.

Edmond Rosa, Paris

Abus de vinaigre

Peu enclin en général à pratiquer « le courrier des lecteurs », j’ai envie pour une fois de sortir de mon silence pour dire à quel point la critique de Christophe Kantcheff sur le film There will be Blood est à contre-pied de mes impressions. Si un seul lecteur de Politis renonce à aller voir ce film à la lecture de cette critique, peut-être parce que, comme moi, il est souvent d’accord avec les points de vue de ce journaliste, je m’en voudrais de ne pas au moins essayer de lui faire entendre qu’il va se laisser priver d’un film important. Je ne conteste pas le droit de « faire la fine bouche » à quelques critiques qui ne se sont pas joints à l’accueil très favorable de la critique française ( les Inrocks , Chronic’art , par exemple), et, somme toute, l’unanimité est toujours suspecte. Je considère en revanche que loin « d’épouser l’assurance hautaine de son personnage » , le film est tout sauf un éloge de la vulgate capitaliste du « self-made-man ». Le reproche principal du critique se résume à qualifier la réalisation de Paul Thomas Anderson de virtuosité vaine, mais, face à un jugement aussi péremptoire, je peux seulement objecter qu’elle n’a pas été si vaine, puisque j’y ai pris un plaisir intense, et que manifestement, dans la salle, je n’étais pas le seul à le ressentir. Je n’insisterai pas sur la remarquable (à mon sens, inoubliable) interprétation de Daniel Day-Lewis, puisqu’elle échappe au réquisitoire. Je me permettrai d’ajouter qu’un autre acteur mérite les louanges, Paul Dano (déjà épatant dans Little Miss Sunshine ) dans le rôle du prédicateur. À ce propos, loin de regretter, comme il est écrit, que ce prédicateur soit tourné en dérision, je vois dans cette dimension critique du versant religieux du capitalisme américain de la lucidité plutôt que de la superficielle virtuosité. Rendez-vous dans vingt ans pour vérifier si j’ai été victime d’une esbroufe ou si le film passe à la postérité.

Jacques Lejamtel

Fonction présidentielle

Depuis son élection à la présidence de la République, en même pas dix mois, Nicolas Sarkozy a réussi à abaisser la fonction présidentielle à un niveau qu’on n’aurait même pas pu imaginer du temps de Gaulle, de Pompidou, de Giscard d’Estaing, de Mitterrand et même de Chirac. Malheureusement, les électeurs français, dans leur majorité, n’avaient toujours pas compris avant le 6 mai 2007 que Sarkozy, s’il avait l’ambition d’un grand destin présidentiel, n’en avait ni l’envergure, ni les capacités mentales et psychologiques. Petit à petit, ils comprennent, mais trop tard, le mal est fait et il faut se faire à l’idée que la France va être la risée de la planète pendant encore quatre longues années ! Le retour à une vie politique normale sera difficile. C’est pourquoi il serait bon que l’on commence à réfléchir, à tous les niveaux, à la façon dont on pourra aider le prochain président ou la prochaine présidente, quelle que soit sa couleur politique, à rétablir les niveaux de maturité et de sérieux que requiert la fonction présidentielle.

Jean-Jacques Corrio, Les Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône)

Décryptage

J’entends, sans vraiment écouter : « la baisse du chômage, le pouvoir d’achat, lutte contre la pauvreté, pas de politique de rigueur », etc. Qué, qué, qué ?

La sortie du chômage conduit au RMI, puis à des pensions d’indigents. Le pouvoir d’achat consiste à payer les factures d’EDF ­ qui fournit du nucléaire non choisi de manière démocratique ­, les factures de flotte ­ qui payent la dépollution des chimiquiers (ce n’est pas nous les pollueurs, mais nous les payeurs) ­ et les intérêts débiteurs des banques joueuses…

Pauvreté : sur le calcul de l’aide au logement, preuve de solidarité, la CAF doit réviser ses comptes à partir du 1er janvier 2009 au lieu du 1er juillet 2008, soit six mois de gagnés. Le tout restant calculé sur la base des « ressources » 2006. Si tu chutes d’un boulot aux Assedic, des Assedic aux RMI, voire pire, les aides seront calculées selon des revenus sans rapport avec le présent.

Ça veut dire que l’économie de la solidarité se fait sur le dos des plus faibles[…]. Si c’est pas une politique de rigueur…

Pascal Sauvage, Le poiré-sur-Vie

«Les Pieds sur terre »

Je suis de nouveau abonnée et quel plaisir de vous lire ! Ce petit mot pour vous dire aussi mon étonnement. Dans le dossier sur les « émissions à part » et dans l’agenda « À vos postes », vous ne mentionnez pas l’excellente émission de Sonia Kronlund, « Les pieds sur terre », diffusée sur France Culture de 13 h 30 à 14 h, du lundi au vendredi. Je trouve pourtant qu’elle vaut le détour !

Julie Mollet

[^2]: Les bureaux du Premier ministre du Hamas à Gaza ont été détruits au cours d’un raid israélien.

Courrier des lecteurs
Temps de lecture : 6 minutes