L’appel de l’espoir

Éric Coquerel*
estime que l’appel n’est pas « une arme anti-NPA »
mais vise
à rassembler
les diverses sensibilités
de gauche
qui estiment nécessaire
de rompre
avec le système dominant.

Éric Coquerel  • 5 juin 2008
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L’ampleur des réactions suscitées par l’appel de Politis, positives le plus souvent, négatives parfois, prouve qu’il n’est pas juste un appel de plus… Sans doute parce qu’il dessine un autre futur possible que ceux qui nous sont survendus depuis quelque temps. À ce stade, deux remarques.

La première, parce que les principales critiques concernent ce sujet : il est faux de le traduire comme une arme anti-NPA. Nous considérons pour notre part que nos ennemis ne se situent pas du côté de la transformation. Mais il est vrai que, s’il part d’un constat identique (c’est déjà beaucoup pour espérer avancer ensemble), soit la nécessité d’une nouvelle force à gauche, cet appel diffère dans son exposé stratégique. En cela, certains voient un sectarisme vis-à-vis du NPA. Curieuse inversion des rôles. Doit-on rappeler que jusqu’alors, et nous le regrettons, la direction de la LCR annonce clairement vouloir lancer son Nouveau Parti à partir d’un fondement stratégique non négociable ! Alors qu’à l’inverse l’appel de Politis, s’il revendique de poser un autre postulat sur la table, n’en fait pas un préalable au débat.

Deuxième remarque: la vision d’un paysage politique partagé entre une gauche de gouvernement loyale gestionnaire du système et un pôle révolutionnaire annonçant, à l’inverse, son refus quasi principiel de l’exercice gouvernemental fait recette, et manifestement plaît aux médias. Il convient pourtant de raison garder : le débat politique ne se réduit pas dorénavant dans le pays à un face-à-face entre les sociaux-libéraux et le parti d’Olivier Besancenot. C’est pourquoi nous ne pouvons que féliciter Politis d’avoir voulu dès le départ, sans exclusive, une diversité à l’image des sensibilités à qui il s’adresse : les dizaines de milliers de militants du PCF, les écologistes, les républicains de gauche, les socialistes de gauche, que nous espérons voir le rejoindre en nombre car décisifs pour un projet à vocation majoritaire, les membres des collectifs, les militants d’extrême gauche et, évidemment, de la LCR. Mais surtout à ces centaines de milliers de femmes et d’hommes de gauche qui recherchent aujourd’hui un débouché à des mobilisations fragilisées à force de ne pas en trouver de crédible.

Nous sommes parmi les premiers signataires de cet appel parce qu’il est une bouffée d’air, expression si souvent entendue chez ceux qui le découvrent. Mais surtout parce qu’il indique le bon cap pour répondre aux urgences de la situation. Élargissons en effet le débat. Les crises financières et pétrolières révèlent les dysfonctionnements du capitalisme mondialisé. Elles ne sont en rien passagères. Sa soif du surprofit, inédite par son ampleur, rend ce système incapable de faire face à la triple urgence sociale, écologique et démocratique qu’il a déclenchée. Or, face à cette catastrophe, les tragédies et ratés du XXe siècle nous laissent orphelins d’un projet alternatif, crédible majoritairement, à lui opposer. Certains, dont nous sommes tous, s’efforcent de le reconstruire. De son côté, la social-démocratie a progressivement bifurqué sur une autre voie en renonçant à porter une alternative. L’évolution a été différenciée en Europe, mais force est de constater qu’aujourd’hui le PS a majoritairement adopté le système. Définitivement ? Nous pensons aujourd’hui en tout cas impossible de freiner cette évolution de l’intérieur. Ce spectre qui hante l’Europe a un nom : la disparition pure et simple de la gauche ! Du moins telle qu’entendue depuis deux siècles, soit naturellement porteuse d’une contestation du système. Une évolution vers un bipartisme à l’américaine pour aller vite. Cette évolution de la social-démocratie européenne a un autre défaut : elle, et ses alliés, paraît désormais dans l’incapacité de battre la droite. Mais il est aussi de bonnes nouvelles en Europe : l’émergence de mouvements issus de traditions diverses qui refusent justement de laisser l’apanage de la gauche aux sociaux-libéraux. Die Linke en Allemagne, d’autres ailleurs sont capables de briser le bipartisme mou qui menace. En imposant un rapport de force aux sociaux-libéraux, y compris sur le terrain des institutions, ils montrent qu’il est possible de changer la donne à gauche.

En France, la situation est-elle différente ? Nous la pensons au contraire plus propice à ce renversement de tendance. Pour cela, il faut essayer de réunir tous ceux, en réalité majoritaires à gauche, qui estiment toujours nécessaire de rompre avec le système dominant. Voilà la ligne de partage qui répondrait à l’intérêt du plus grand nombre et notamment des classes populaires face à l’offensive sarkozyste. Cet appel peut y aider s’il parvient à regrouper tous ceux qui s’étaient mobilisés lors du mouvement citoyen contre le TCE. Voilà à quoi nous pouvons tous œuvrer en propageant l’appel et en nous donnant les moyens d’instituer les cadres permanents proposés. Ainsi, nous redonnerions-nous peut-être les moyens de répondre à l’interpellation entendue récemment lors d’une réunion à Saint-Dizier organisée autour de l’appel : «Aujourd’hui je ne demande pas la lune mais de pouvoir au moins voter pour un parti porteur d’un vrai programme de gauche et qui veut se donner les moyens de l’appliquer au gouvernement.» Que cette force émerge, et sûr que le citoyen qui exprimait cet espoir comme nombre des centaines de milliers de manifestants de mai~2008 ne se contenteraient pas de voter pour elle. Ils en seraient.

* Éric Coquerel, président du Mars-Gauche Républicaine.
Politique
Temps de lecture : 5 minutes
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