L’appel de Politis… et le nucléaire

Stéphane Lhomme  • 12 juin 2008
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Bien sûr, un appel comme celui lancé par Politis le 15 mai ne peut aborder toutes les questions. Il en cite néanmoins quelques-unes, dont l’urgence écologique, mais… ne dit mot du nucléaire.
Certes, on pourrait se dire : « On verra plus tard », « On en débattra le moment venu », etc. Oui, mais voilà, on nous a déjà fait le coup à plusieurs reprises ! Le « moment venu », on nous explique que « si on parle du nucléaire, on va se diviser ». Ce fut le cas dans Attac, dans les mobilisations pour une autre Europe, etc.

Or, qui ne dit mot consent : ne pas se prononcer sur le nucléaire, c’est le laisser continuer. 70 réacteurs (dont 58 en activité) jonchent le territoire national, d’autres sont en construction (EPR, Iter), ainsi que des installations gigantesques comme Georges-Besse 2 ou le site d’enfouissement des déchets nucléaire à Bure (Meuse).

Il paraît évident que les initiateurs de l’appel de Politis n’ont pas omis le nucléaire par malice. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde : l’appel a été signé par des pronucléaires notoires. Bien que n’ayant jamais levé le petit doigt pour protéger l’environnement, ils adoptent sans l’ombre d’une hésitation ce texte qui signale qu’ « une catastrophe écologique se dessine ». Car, pour eux comme pour les PDG d’EDF et d’Areva, il n’existe effectivement qu’une catastrophe écologique : le réchauffement climatique. Car ils ont une « solution » : le nucléaire.

Soyons clairs : la question du nucléaire n’est pas une question annexe, un point parmi des dizaines d’autres. Cette affaire concentre en effet tous les maux que nous dénonçons : pillage et contamination au Sud (la France nucléaire « nourrit » ses réacteurs principalement avec l’uranium du Niger), policiarisation et militarisation de la société, centralisation poussée à l’extrême, gaspillage de l’argent public, « cadeaux » empoisonnés légués à nos descendants pour des millénaires, matraquage publicitaire et désinformation permanente, etc.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les premiers soutiens de l’industrie nucléaire sur la planète sont des gens aussi sympathiques que Sarkozy, Berlusconi, Poutine, Bush, Hu Jintao, Kadhafi, Ben Ali, etc.
Parmi les « premiers signataires » du texte de Politis se trouvent des gens qui soutiennent fermement le nucléaire, niant ses tares pourtant avérées. Ce soutien est souvent fondé sur une véritable foi scientiste, parfois sur une inquiétante forme de patriotisme, mais aussi sur des éléments moins avouables : la surconsommation d’électricité, développée délibérément depuis quarante ans par EDF, c’est l’assurance pour le syndicat dominant de détenir un comité d’entreprise richissime. Tout cela n’a plus grand-chose à voir avec la promotion du service public. Ne pas condamner ces pratiques, et le système nucléaire qui les a générées, c’est les tolérer.

En conclusion, le texte et la démarche de Politis sont très intéressants, mais il est nécessaire que soit levé le non-dit sur le nucléaire. Et qu’on ne nous reproche pas : « Vous voulez donc exclure les communistes ? » (puisque c’est principalement d’eux – ou plutôt d’un certain nombre d’entre eux – qu’il s’agit). En effet, depuis trop longtemps, ce sont les antinucléaires, pourtant largement majoritaires dans le mouvement alter, qui sont exclus ou alors contraints d’« avaler » la pilule nucléaire.
Non, il n’est plus possible de nous dire : « Si on parle du nucléaire, on va se diviser. »
Il faut en parler… et le condamner, clairement.

Stéphane Lhomme est animateur du réseau Sortir du nucléaire.
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